« Ne tombez pas dans le piège de vouloir faire trop de choses à la fois. Gare à la dispersion ! »

Fondée en 2011, la société de logiciels Qualifio offre à ses clients une plateforme de marketing interactif et de collecte de données qui a rapidement séduit bon nombre de grandes entreprises grâce à ses possibilités d’intégration performantes. Aujourd’hui, Qualifio se développe à l’international avec l’appui de fonds d’investissement. Nous faisons le point sur les facteurs qui expliquent son succès.

 

Olivier Simonis Qualifio 600-250

 

Qualifio est la plateforme de référence pour « créer de l’engagement et collecter des données ». Dans la pratique, les utilisateurs du logiciel peuvent travailler avec quarante formats de contenus différents, à implémenter sur leurs propres canaux – quiz, concours, jeux animés, etc. – mais aussi sur des paid media. Par ailleurs, la plateforme développe des intégrations sur mesure pour se connecter notamment au CRM et aux outils de mesure d’audience (analytics). Son cœur de cible est constitué par les grandes entreprises. Après avoir convaincu plusieurs groupes de médias en Belgique, Qualifio est partie à la conquête de clients tels que Colruyt, Nestlé, Kinepolis, Carrefour, L’Oréal ou Decathlon. Forte de ses 50 collaborateurs, la société a entre-temps ouvert des bureaux à Paris, Amsterdam et Madrid. Afin d’accélérer son développement, elle a fait appel aux fonds Volta Ventures et SRIW qui ont injecté 3 millions d’euros dans la plateforme l’an dernier. Qualifio se prépare désormais à conquérir les marchés allemand et scandinave. Une filiale à Cologne devrait ouvrir ses portes dans le courant de 2019. Nous analysons l’ascension fulgurante de cette entreprise basée à Louvain-La-Neuve en compagnie de l’un de ses fondateurs, Olivier Simonis.

En 2018, le concept de logiciel de marketing interactif n’a plus rien de révolutionnaire. Mais comment cette idée vous est-elle venue en 2011 ?

« Dans ma fonction de directeur des ventes et du marketing chez Rossel, je constatais tous les jours la nécessité de disposer d’une telle solution. Les journalistes et la régie voulaient interagir avec les lecteurs, mais devaient pour ce faire recourir à chaque fois au service informatique. Si la régie souhaitait organiser un quiz sur les vins avec un distributeur, et que celui-ci demandait de lancer l’action deux semaines plus tard, il était impossible d’obtenir aussi vite la solution technique. Qualifio vient répondre à ce besoin. La plateforme a tout d’abord séduit les entreprises de médias. Rossel, Roularta et RTL ont été nos premiers clients, mais d’autres groupes de médias belges et étrangers ont rapidement suivi leur exemple. À partir de 2014, cela a été au tour des marques, désireuses elles aussi de devenir des médias. Aujourd’hui, notre clientèle compte plus de marques que de médias. »

Vous connaissiez donc très bien les besoins, mais quels ont été les autres facteurs de votre succès ?

« Le fait que nous ayons commencé à deux, avec des profils très complémentaires, joue certainement un rôle. Serge (Rappaille, NDLR) vient du monde informatique, tandis que je suis issu de l’univers du business. Cette complémentarité s’est avérée être un atout. D’autre part, l’ouverture rapide d’un bureau à Paris, dès 2013, a aussi été déterminante, et le marché français a d’emblée joué un grand rôle pour nous. Enfin, nous avons beaucoup investi dans nos collaborateurs. Nous avons développé une culture d’entreprise attractive, ce qui est important pour recruter les meilleurs professionnels et garantir la croissance. Pour un prestataire de services comme nous, il est essentiel de développer une culture accordant une place centrale aux collaborateurs. En clair : nous devons les rendre heureux et leur donner des opportunités de carrière. C’est un aspect crucial qui est malheureusement trop souvent négligé. »

Quelles sont les opérations moins réussies dont vous avez tiré des enseignements ?

« Notre approche du marché anglais a été un véritable échec. Nous avons voulu nous y lancer trop tôt. Or, il ne suffit pas de savoir parler anglais et d’être situé à proximité pour réussir sur un marché aussi complexe. Toutes les sociétés américaines de logiciels débarquent en Europe par le biais du Royaume-Uni. Il est donc très difficile de sortir du lot. Qui plus est, les différences culturelles sont importantes. Je ne dis pas que nous n’investirons plus jamais ce marché – d’ailleurs, nous avons conservé quelques clients britanniques – mais nous nous y sommes pris trop tôt et avons perdu beaucoup d’argent dans cette mésaventure. »

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes entreprises qui souhaitent s’internationaliser ?

« Gare à la dispersion ! Il est tout à fait inefficace d’investir plusieurs pays à la fois. Après la Belgique, nous sommes allés en France, puis aux Pays-Bas et en Espagne, et nous voulons maintenant nous installer en Allemagne et dans les pays scandinaves. Il faut absolument éviter de brûler les étapes quand on élabore une stratégie d’expansion géographique. La tentation de faire beaucoup de choses à la fois est grande. À un moment donné, il faut se concentrer sur ce qui fonctionne bien et conquérir une partie de la chaîne de valeur. Par exemple, nous avons décidé de ne pas nous lancer dans l’e-mailing ou le CRM. L’important est de satisfaire les clients, une ambition qui constitue presque une obsession pour nous. Cela peut sembler un cliché, mais il est très important de se distinguer en tant que petite entreprise parmi les grandes. »

Pourquoi avez-vous décidé de lever des capitaux ?

« En 2017, nous avons constaté que nous étions sur la bonne voie. Nous affichions une croissance de 30 % par an, mais nous avions l’impression que cela pourrait encore aller plus vite en augmentant notre puissance de frappe financière. Cela tient surtout aux effectifs. Les collaborateurs veulent aller de l’avant et si l’on veut les conserver, il faut leur donner des opportunités. Sinon, ils vont voir ailleurs. Qui plus est, nous avons vu que le marché arrivait à maturité en matière de recours aux outils tels que Qualifio. Pour travailler et se développer de façon plus confortable et professionnelle, la recherche d’investisseurs nous a paru une bonne idée. Je redoutais seulement que l’arrivée de fonds apporte des modifications à notre ADN et notre culture, mais cette crainte était injustifiée. Nous avons trouvé des partenaires très constructifs. Nous sommes sortis renforcés de cette opération et bataillons chaque jour pour maintenir cette culture axée sur les gens. »

 

Boiler plate :

Qualifio est l’un des champions belges du digital. L’entreprise viendra présenter son parcours à The Rentree, en compagnie d’un client , le 20 septembre prochain. Toutes les infos sont ici (lien vers www.therentree.be).