« Si l’on trouve que les freelances coûtent trop cher alors que ceux-ci gagnent trop peu, c’est que quelque chose ne va pas. »

Le Covid-19 est loin d’épargner les freelances. La moitié d’entre eux gagnent trop peu, voire à peine assez pour vivre, tandis que les clients les trouvent au contraire trop chers. Selon Simon Coppens, Managing Partner chez The Maffia, les intermédiaires qui se chargent du placement des freelances doivent revoir d’urgence leur copie.

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Le rapport Freelancer Focus, publié par UNIZO à la mi-septembre, montre clairement l’impact de la pandémie sur les revenus des freelances. La proportion de freelances qui ne gagnent pas assez pour joindre les deux bouts est passée de 5 % à 32 %. Vingt-quatre pour cent des personnes interrogées déclarent qu’elles parviennent à peine à vivre de leur activité (contre 15 % auparavant). Alors qu’autrefois un freelance sur cinq n’arrivait pas ou qu’avec difficulté à gagner décemment sa vie, ils sont aujourd’hui plus de la moitié à être dans cette situation. « C’est une tendance que nous ne pouvons malheureusement que confirmer », déplore Simon Coppens, qui dirige The Maffia depuis 2019 au sein du groupe Cronos. « La demande a chuté de plus de 60 % au début de la crise, mais nous avons ensuite constaté une forte reprise en juillet puis en octobre. L’évolution est difficile à prévoir, étant donné l’étrange incertitude qui règne en ce moment. »

Ne bradez pas vos prix

Plus encore que la demande de freelances, c’est leur rémunération qui préoccupe tout particulièrement Coppens. « Les clients se rendent compte que l’offre de freelances excède la demande, note-t-il. Tous souhaitent par conséquent trouver un medior possédant l’expérience d’un senior et se faisant payer comme un junior. Malgré tout, nous déconseillons fortement aux freelances de brader leurs services. La qualité a un prix, et si une partie du marché demande trop peu, cela ne profite à personne. Il y a une sorte de responsabilité collective, même s’il est difficile d’éviter que certains freelances agissent de la sorte. »

Des marges abusives

Abstraction faite des mécanismes de l’offre et de la demande, le capitaine de The Maffia observe aussi des divergences singulières entre la perception du prix et la réalité. « De nombreuses entreprises trouvent que les freelances coûtent cher et ne leur donnent même pas la possibilité de formuler une offre, constate-t-il. Et ce, alors que les freelances peinent à survivre. L’analyse de cette situation montre que le problème tient à la rémunération des intermédiaires. Leurs marges sont beaucoup trop élevées. Elles se montent souvent à 30 %, voire dans certains cas à 50 % du prix journalier du freelance. Ce n’est donc pas le freelance qui est trop cher, mais bien la marge de l’intermédiaire qui est trop élevée. Lorsque la conjoncture économique est favorable, les freelances ne se plaignent pas toujours de cette situation, pour autant qu’on les informe de la marge. Mais dans le contexte actuel, je trouve que cette pratique soulève des questions éthiques. »

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Honoraires d’intermédiation

Lors du remaniement du modèle économique de The Maffia, Coppens a opté pour une commission d’intermédiation unique. Il entend ainsi éviter que les indépendants ne perdent leur position concurrentielle. « C’est une expérience que j’ai moi-même vécue en tant que freelance, confie-t-il. Quand une entreprise louait mes services, l’intermédiaire prenait une marge sur mon tarif journalier, qui s’élevait généralement à 30 %. Toutefois, si la mission était prolongée, la marge de 30 % par jour à payer par le client continuait à s’appliquer. Dans le cas de la commission unique, l’intermédiaire est rémunéré pour trouver un match, mais ne continue pas à toucher 30 % du prix journalier pour des missions parfois très longues. »

Miser sur la sensibilisation et la transparence

Tous les intermédiaires doivent-ils opter pour ce système ? Pas forcément, admet Coppens, mais ils doivent être disposés à revoir leur système de rémunération. « Quand les freelances se retrouvent dans une situation intenable, il faut pouvoir se remettre en question. Quelle est la valeur ajoutée réelle de vos services en tant qu’intermédiaire ? Qu’offrez-vous concrètement en plus de la mise en relation, quels sont vos coûts et quelle rémunération ceux-ci justifient-ils ? En réalisant cette analyse, l’intermédiaire peut parfaitement déterminer sa façon d’être rentable sans exiger une trop grande part du gâteau et déstabiliser ainsi le marché. Pour l’instant, c’est de l’argent gagné trop facilement, et cela se reflète dans la prolifération actuelle d’intermédiaires. C’est un signe clair que les choses doivent changer. Nous devons adopter un modèle où les intermédiaires calculent honnêtement leurs coûts et communiquent de manière transparente aux clients et aux freelances les honoraires qu’ils demandent pour leurs services. »

De la transparence à un meilleur prix

Le point de vue du patron de The Maffia est limpide, mais a-t-il aussi une utilité pour les clients ou ceux-ci restent-ils tiraillés entre les freelances et les intermédiaires ? « Non, les clients ont tout à gagner d’une plus grande transparence, conclut-il. Lorsqu’un client fait appel à un intermédiaire, il peut exploiter beaucoup mieux cette collaboration si le modèle est transparent et clair. Concrètement, un tel modèle peut procurer à un client un avantage pouvant aller jusqu’à 100 euros par jour lorsqu’il engage un freelance. Ou il peut faire appel, pour le même budget, à une personne plus expérimentée. »

A propos de cet article:

Date de publication: 20 octobre 2020

Editeur: Wouter Temmerman