Entretien avec Nele Pieters sur le livre « Community Marketing »

« Il est bizarre de travailler avec des brand managers quand on veut être customer centric »

Vient de paraître : le livre « Community Marketing » signé par Stephanie Duval et Nele Pieters. Cette dernière, Head of Academy chez Hotel Hungaria, a bien voulu nous accorder une interview. Au menu de cet entretien : la différence entre groupes cibles et communautés, la customer centricity et l’importance des spécialistes du community marketing.

 

 

Community Marketing_3D

 

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Nous sommes parties du constat que la révolution digitale avait entraîné de profonds changements en matière de marketing et de communication. Si des dizaines d’ouvrages ont déjà été publiés à ce sujet, ils analysent généralement les causes sans s’intéresser aux conséquences. Or, ces dernières sont loin de se limiter au numérique. Les piliers traditionnels s’effondrent, notre société devient hypertransparente et nous développons une cécité aux bannières, de sorte que les marketers délaissent la démarche push pour miser sur une logique pull. Le problème, c’est qu’ils utilisent les canaux pull sur un mode push. Il suffit de voir comment ces marketers exploitent les réseaux sociaux…

Estimez-vous que les marketers n’accordent pas suffisamment d’attention aux communautés ?

Tout à fait. Ils continuent à penser en termes de groupes cibles, souvent définis en fonction de ces piliers traditionnels.

En quoi la logique communautaire diffère-t-elle de celle basée sur la segmentation ?

Ces deux démarches présentent une différence fondamentale : dans le cas des groupes cibles, on procède à des généralisations en se basant sur des caractéristiques objectives qui ne créent pas forcément du lien. Ce n’est pas parce que l’on est un Millennial que l’on pense automatiquement de la même façon qu’un autre Millennial. La logique communautaire consiste quant à elle à définir des groupes de personnes qui utilisent les mêmes canaux et ont des contacts entre elles. Autrement dit, les communautés sont une généralisation fondée sur les motifs, soit un facteur qui crée bel et bien du lien.

D’ailleurs, en dépit d’un malentendu très répandu, les communautés ne sont pas nécessairement plus réduites que les cibles.

Autrefois, les cibles étaient constituées à l’aide de données sociodémographiques. Comment le marketer doit-il s’y prendre aujourd’hui ?

Il doit d’abord mener une étude qualitative afin de déterminer les types, les différentes communautés concernées par sa marque. On peut comparer cela aux types de personnalité MBTI. On examine les différents profils des personnes qui forment les cibles visées. Ensuite, on quantifie ces communautés, et l’on détermine la communauté la plus intéressante. Ce n’est pas forcément la plus nombreuse, mais bien celle qui présente le plus grand potentiel.

Quel est selon vous le meilleur exemple de cette démarche communautaire en marketing ?

Il est difficile de trouver de bons exemples. Dans notre livre, nous exposons le cas de la marque de mode MM. LaFleur. Sinon, je pense surtout à Bugaboo, une marque de poussettes qui s’adresse en priorité à la communauté des femmes qui veulent apparaître comme des « mères idéales », dont chaque instant pourrait être publié sur Instagram. Je ne connaissais pas cette marque – il faut dire que je ne me compte pas parmi ces mamans parfaites – alors que ma collègue l’apprécie beaucoup. Bugaboo parvient donc à toucher la bonne communauté, et rien que celle-ci.

Vous situez délibérément le community marketing à un autre niveau que le content marketing ou l’influencer marketing. Pourquoi ?

Toutes les techniques existantes ont leur place dans notre méthodologie. Mais cela n’a pas de sens de faire du content marketing quand on ne connaît pas sa communauté et l’histoire de son entreprise. On peut en dire autant du recours à des influenceurs. Il est impossible de générer du bouche-à-oreille si le public ne discute pas de vos produits, s’il ne se forge pas une communauté.

La costumer centricity est un autre thème récurrent de votre livre. Les marketers ont-ils du mal à adopter cette approche actuellement ?

De nos jours, la customer centricity est essentielle. On parle de façon générale du « client » ou de la « cible », mais on ne peut accorder une place vraiment centrale au client que si l’on sait ce qu’il pense et avec qui il entre en relation.

Vous insistez sur l’importance des spécialistes du community marketing en entreprise. Quel est leur rôle et pourquoi sont-ils essentiels ?

Il est bizarre de travailler avec des brand managers et de ne pas s’appuyer sur des professionnels du community marketing quand on veut être customer centric. Ces derniers suivent en effet la communauté toutes marques confondues, ce qui permet d’éviter de faire deux fois le même travail et ce qui les rend plus « agiles ». Nous estimons que l’approche marque par marque est dépassée.

Quel objectif souhaitez-vous atteindre avec ce livre ?

Nous espérons lancer un mouvement. En soi, le community marketing n’a rien de compliqué, mais il exige une vision fondamentalement différente. Qui plus est, il permet de faire de belles économies en communiquant uniquement avec les personnes qui ont un véritable intérêt pour la marque.

 

Stephanie Duval et Nele Pieters, Community Marketing, Pelckmans Pro.

 

Le livre de marketing

Chez BAM, nous mettons tout en œuvre pour inspirer nos membres. À cet effet, nous attirons régulièrement leur attention sur des ouvrages de marketing intéressants en leur proposant des critiques de livre, des comptes rendus de présentations, des synthèses de tables rondes, etc. À la fin de l’année, nos membres peuvent élire le Marketing Book of the Year parmi notre sélection.