Communication politique : comment les candidats se débrouillent-ils ?

À l’occasion des élections communales du 14 octobre, nous nous sommes penchés sur la façon dont les candidats locaux orchestraient leur communication. Ont-ils de davantage recours aux réseaux sociaux pour leur campagne ou continuent-ils à miser essentiellement sur le papier ?

 

Pol comm FR 600-250

 

« Je ploef pour la Wallonie » (Véronique Jans, FDF, Brabant wallon), « Du pain, du feu, de l’accordéon pour tous » (Hafid Hantout, liste « Vert & à gauche », Liège), « On se jette à l’eau pour Gembloux » (équipe écolo)... Vous l’aurez compris, les élections communales sont pour très bientôt et, comme d’habitude, elles donnent lieu à la création d’affiches loufoques, voire risibles. Une situation que l’on constate des deux côtés de la frontière linguistique. Si vous voulez rire, allez donc jeter un coup d’œil sur la page Facebook « Communales / Provinciales : le meilleur du pire »…

Le b.a.-ba de la communication

Marc Fauconnier, CEO de l’agence FamousGrey, est bien conscient que les élections locales donnent lieu à des monstres graphiques et à des calembours de bas étage. Tous les quatre ans, il est stupéfait par la piètre qualité des affiches qui ornent nos rues avant le scrutin. « On dirait que les candidats locaux rivalisent entre eux pour être le plus drôle, souvent avec un résultat pitoyable. C’est leur bon droit. Ce qui me dérange vraiment, ce sont les erreurs techniques : des contrastes de couleurs mal équilibrés, des typographies bâclées, des textes illisibles, un éclairage insuffisant, etc. Bref, les principes les plus élémentaires de la communication sont foulés aux pieds. Malgré l’existence d’une foule de trucs et astuces sur la Toile, la plupart des candidats ne parviennent pas à remplir les exigences minimales en matière d’efficacité communicationnelle. Qui plus est, les panneaux sont souvent placés trop près les uns des autres, de sorte que l’on a bien du mal à s’y retrouver. En résumé, je trouve certaines de ces campagnes contre-productives. »

Microciblage sur Facebook

Qu’en est-il du choix des médias opéré par les candidats ? Sont-ils également restés coincés à l’ère prénumérique ? Et quelle est au juste la meilleure solution ? Un coup d’œil dans n’importe quelle rue permet de constater que les affiches aux fenêtres et les panneaux plantés dans les jardins restent très populaires. « Impossible d’y échapper, estime Fauconnier. En même temps, Facebook est fort sollicité, surtout pour les élections locales. Il faut dire qu’aucun média n’est aussi performant en matière de microciblage. Il permet d’opérer un quadrillage très fin à l’aide de critères qui cadrent avec le programme défendu. »

Bref, c’est un outil de communication très rentable. Gabriel Goldberg, cofondateur et Managing Partner de l’agence de référencement Semetis (OMG), en est également persuadé. Dix-septième sur la liste de Défi à Forest, il utilise Facebook pour sa campagne, en plus d’un dépliant et d’une dose de relations publiques à la radio. « Étant donné que je me concentre sur des thèmes tels que la transformation numérique, la ville intelligente et la mobilité, il est logique que je mise sur le digital pour ma campagne, explique-t-il. Facebook est un outil formidable qui me permet de réaliser un ciblage très précis et d’interagir directement avec les citoyens. » Goldberg a demandé de recevoir la liste complète des habitants de sa commune, mentionnant les dates de naissance, noms et adresses. Il a alors segmenté cette liste en fonction du thème du billet Facebook et taggé des profils spécifiques. « Pendant quelques semaines, je publie un billet quotidien, ce qui me permet de toucher quelque 2000 personnes par message, explique-t-il. J’ai un budget de plusieurs centaines d’euros que j’utilise pour parrainer certaines publications. »

« Je trouve qu’une campagne Facebook segmentée de cette façon donne de bons résultats, réagit Fauconnier. Personnellement, j’opterais pour une combinaison des visites à domicile et de Facebook. Les politiciens intelligents savent que les visites à domicile sont toujours payantes. En les associant à une campagne ciblée sur Facebook, les candidats locaux obtiennent la recette idéale pour toucher un maximum de gens sans dépenser énormément d’argent. Autrefois, nos boîtes aux lettres étaient envahies par les courriers personnalisés, listes et photos. Le numérique a désormais pris en grande partie le relais, ce qui permet d’épargner à la fois des désagréments et des arbres. »

Les élections nationales de l’an prochain suivront-elles également la tendance interactive amorcée lors des élections communales ? Précisons d’emblée que les partis doivent respecter quantité de restrictions en matière de recours aux médias. Ainsi, les spots à la télévision et à la radio, mais aussi les affiches grand format, sont interdits. « Je discute régulièrement avec des responsables politiques et je remarque qu’un changement très important est en cours, observe Fauconnier. J’entends dire que, mis à part les inévitables panneaux et affiches, ils ont à peine l’intention de recourir aux médias classiques lors du prochain scrutin. C’est pourquoi j’estime que 70 à 80 % des investissements médiatiques iront directement au digital, c’est-à-dire aux sites d’information, au search et à Facebook. »

Vers une interaction inédite avec les citoyens ?

Pour finir, le CEO de FamousGrey note que les élections communales et provinciales sont les premières où le numérique n’est pas seulement utilisé selon le principe « push », mais aussi de façon interactive. À cet égard, on attend avec impatience les résultats de l’expérience journalistique menée par VRT NWS et De Tijd. En collaboration avec l’organisation ProPublica, ils ont demandé aux lecteurs d’installer un logiciel dans leur navigateur Web qui cartographie toutes les publicités politiques visionnée sur Facebook. L’objectif : analyser comment les partis et les politiciens flamands font campagne sur le réseau social. Fauconnier mentionne également « Jij Kiest », une plateforme de VRT NWS sur laquelle les citoyens peuvent afficher leurs récriminations et suggestions. Les candidats peuvent y répondre et engager un dialogue avec les citoyens. Du crowdsourcing sur les idées, en quelque sorte. En tout cas, c’est une façon idéale pour les candidats de mener un débat avec les citoyens sur certaines thématiques, et ce, de façon bien plus efficace qu’en orchestrant une énième campagne irritante. À cet égard, la technologie numérique est un don du ciel. À Nazareth-Eke, l’Open VLD est allé encore plus loin en créant un chatbot baptisé Belle dans le but de présenter en détail le programme du parti. « Je ne sais pas si les gens sont vraiment demandeurs d’un tel dialogue programmé avec un chatbot, mais le fait est que ce recours à la technologie convient bien à l’image du parti », conclut Fauconnier.