Courtrai : la Silicon Valley du marketing digital ?

La ville de Courtrai semble exercer un attrait irrésistible sur quantité d’agences digitales et de sociétés IT, qui y ont récemment ouvert une succursale. Quelles sont les raisons de ce succès ? De quels atouts la ville dispose-t-elle ? Et quelles sont les spécialisations les plus représentées ? Nous avons mené l’enquête.

 

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Citons quelques gros titres de la presse spécialisée au cours des derniers mois : « AdSomeNoise ouvre un bureau à Courtrai », « Focus Advertising, Invisible Puppy & Cronos aan de Leie unissent leurs forces », « Delaware Consulting continue à recruter en masse ».

Ces différentes success-stories concernent le marketing numérique au sens large. Et elles ont toutes un dénominateur commun : Courtrai. Il semble bien que cette ville de province soit en pleine mue et puisse bientôt faire de l’ombre à des villes comme Anvers, Gand ou Liège. Une possibilité que nous avons voulu évaluer par nous-mêmes, et c’est pourquoi nous avons mis le cap sur la ville, en quête de la clé de son succès. Malheureusement, notre visite a eu lieu au cours de la journée la plus maussade de 2018...

Une ville branchée

En nous rendant d’un endroit à l’autre dans la ville pour les besoins de cet article, nous constatons d’emblée que celle-ci est assez étendue, mais pas trop non plus. Il faut à peine cinq minutes pour se rendre de n’importe quelle entreprise à n’importe quelle haute école. « Ici, tout le monde connaît tout le monde, confirme Roel Vandommele, directeur de formation à la haute école Howest (Hogeschool West-Vlaanderen). Qui plus est, ces dernières années, la coalition stable avec un conseille communal très favorable au développement numérique a favorisé la création d’un écosystème. » Vandommele cite notamment les Safari Studios (fondés par le groupe de musique Goose), Muziekcentrum Track, mais surtout l’espace de coworking Hangar K. Toute une série d’initiatives qui rajeunissent l’image de Courtrai et qui se focalisent souvent sur le numérique. « Aujourd’hui, quand on se promène à Courtrai, on se rend compte que les jeunes sont en train de prendre le relais. »

Un point de vue que Matthias Deruddere partage. Ce développeur multimédia a étudié à Howest, s’est ensuite rendu dans la lointaine ville de Louvain pour commencer à travailler chez AdSomeNoise, avant de revenir entre-temps à Courtrai. Où il continuer à travailler pour la même société... « Je voulais revenir m’installer à Courtrai et l’on m’a donné la possibilité d’ouvrir un bureau ici, explique-t-il. Bien sûr, mes aspirations personnelles n’ont pas été la seule raison d’ouvrir un bureau d’AdSomeNoise ici. Nous voulons davantage collaborer avec la haute école en offrant des places de stage qui, nous l’espérons, pourront déboucher sur des embauches. D’autres part, quelques gros clients tels que Quickstep sont implantés dans la région. Cette proximité a incontestablement des avantages. »

À la recherche des talents courtraisiens

Il va sans dire que le principal motif d’AdSomeNoise est la perspective d’attirer de jeunes talents. C’est le cas également d’entreprises comme Invisible Puppy, d’autres sociétés du groupe Cronos et de Delaware – un acteur majeur de l’informatique qui a toujours conservé son siège social belge à Courtrai. Bref, les exemples sont légion.

« Ce n’est pas facile pour nous de trouver des collaborateurs adéquats, explique Matthias Deruddere. Ce que nous faisons n’est ni du développement web ni de la programmation. Chez nous, il faut être capable de faire un peu de tout. »

Niveau mondial  

Une question qui nous intrigue est de savoir pourquoi on trouve une telle concentration de talents à Courtrai, et pas à Geel, Roulers ou Genk, par exemple ? La réponse tient à la qualité des hautes écoles et surtout de leurs filières dédiées aux technologies de l’information. Matthias Deruddere a étudié les nouveaux médias et les technologies de la communication, une filière créée à la fin des années 1990, où le numérique joue un rôle central. « D’autres orientations ont vu ensuite le jour, comme les arts et divertissements digitaux », indique Roel Vandommele. Cette dernière, qui fait la part belle à la conception de jeux vidéo, a valu à la haute école d’être élue meilleur établissement d’enseignement au monde dans cette discipline.

Grâce à cette reconnaissance, le nombre d’étudiants inscrits aux formations numériques de Howest est passé de quelques centaines à plus de deux mille. Chez Vives, l’autre haute école basée dans la ville de Flandre occidentale, on constate un développement similaire. Ici encore, les technologies de l’information sont à l’honneur.

« Nos formations ont pour ambition de combler le fossé entre business et IT. C’est une idée prioritaire dans nos formations IT, parce que nous voulons permettre à nos diplômés de travailler également comme business analyst ou consultants ERP. Et dans le domaine de la gestion, nous lancerons en septembre une orientation en gestion d’entreprise numérique. Ces étudiants pourront trouver plus tard un emploi en marketing digital ou comme business analyst. » La parole est à Arne Vandenbussche, responsable du bachelier en informatique appliquée à Vives.

Tout comme Howest, Vives s’engage à offrir aux étudiants une expérience professionnelle. Elle mise pour ce faire sur les stages, mais aussi sur la recherche et les entreprises d’entraînement pédagogique. Arne Vandenbussche commente : « Les étudiants ont pour tâche de créer une entreprise et d’effectuer des missions pour des clients externes. Cela leur permet de se familiariser avec le travail sur le terrain. Il arrive d’ailleurs de plus en plus souvent que des étudiants créent leur propre entreprise ou travaillent comme free-lance avant même d’avoir décroché leur diplôme. »

On le voit, la ville de Courtrai possède de nombreux atouts : une bonne infrastructure, un solide réseau et des formations de qualité qui fournissent un grand nombre de diplômés de talent. Ou pour reprendre les termes de Roel Vandommele : « Courtrai allie la traditionnelle ardeur au travail des Westflandriens à un esprit d’entreprise tourné vers l’innovation. Après l’industrie du lin et les usines de tissage, le numérique est devenu un nouveau pôle d’activité vital pour la région. » Nous sommes curieux de savoir quelle sera la prochaine entreprise à venir s’y installer…