Innover en toute discretion

De plus en plus d’entreprises choisissent de concentrer leurs efforts d’innovation au sein d’un département distinct, généralement appelé « pôle d’innovation », ou pour faire plus tendance : « innovation lab ». Pourquoi agissent-elles de la sorte et quels avantages en tirent-elles ?

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Google a son « Google X », Facebook son « Building 8 » et Amazon son « Grand Challenge ». Des départements d’innovation « top secret » qui travaillent sur des technologies de pointe et d’autres « inventions » parfois stupéfiantes. C’est la raison pour laquelle Google parle à leur propos de « moonshots ». Si notre pays est loin d’atteindre ce niveau, il n’empêche que différentes entreprises belges ont créé, elles aussi, un service entièrement dédié à l’innovation. Ces divisions travaillent dans un espace protégé, loin des préoccupations quotidiennes, pour se préparer aux bouleversements de demain.

Citroën

Bpost, par exemple, a transformé un ancien garage Citroën en « Future Lab ». C’est Patrick Leysen qui a pris les commandes de ce laboratoire. « Nous pouvons y concevoir et tester de nouveaux services et produits en toute tranquillité, explique-t-il. Nous travaillons principalement sur le commerce électronique, la logistique et les relations avec les acheteurs, en ligne et hors ligne. Nous nous intéressons aussi à tout ce qui a trait à l’écologie. Mais cela ne veut absolument pas dire que nous expérimentons pour le plaisir. Nous tenons compte de certaines lignes directrices et essayons vraiment de répondre aux besoins et exigences de nos clients. Parfois, nous le faisons en cocréation. Nous ne sommes pas non plus le seul service innovant au sein de bpost, il existe encore d’autres initiatives. »

L’équipe du Future Lab est composée de six personnes. « Nous travaillons en quelque sorte sous le radar et de façon relativement autonome, confirme Leysen. Par exemple, nous rendons compte directement à la direction. Notre mission consiste avant tout à concrétiser le plus rapidement possible les bonnes idées. Nous planchons sur des aspects qui devraient selon nous avoir de l’importance aux yeux des consommateurs d’ici deux ou trois ans. »

Leysen estime que l’innovation doit jouer sur différents tableaux. Les entreprises doivent continuellement améliorer leurs processus de façon graduelle, sans perdre de vue les nouveautés radicales. C’est la raison d’être de Future Lab. Il ne souhaite toutefois pas nous révéler les projets en cours. « Je ne suis pas autorisé à en parler, dit-il en souriant. Mais nous espérons sortir bientôt nos premiers produits. »

Radar

Roularta dispose également d’une équipe d’innovation, qui compte quatre collaborateurs. Mais son approche est très différente et son rayon d’action plus vaste que chez bpost, explique son directeur Erwin Danis : « Notre labo suit trois grands axes. Le premier et le plus important concerne notre radar pour déceler les nouvelles tendances et technologies et examiner ce qu’elles peuvent signifier pour nous. Un deuxième axe est l’amélioration de l’efficacité opérationnelle et du parcours client au sein de l’entreprise. Enfin, le troisième a pour but de découvrir des start-ups et d’engager des collaborations avec elles. De quelles start-ups pouvons-nous devenir clients ? Avec quelles autres pouvons-nous engager un partenariat ? »

Deux projets sur lesquels le labo travaille actuellement concernent la recommandation de contenus et l’adaptation de contenus. « Dans le premier cas, il s’agit de proposer aux utilisateurs des contenus personnalisés, indique Danis. Si, par exemple, nous savons que vous vous intéressez à la "politique intérieure", vous verrez plus de nouvelles s’afficher sur ce thème dans votre flux. Pour ce qui est de l’adaptation des contenus, il s’agit d’adapter les contenus au moment de la journée, aux préférences de l’utilisateur, au contexte et à l’appareil utilisé. Le soir, par exemple, vous pourrez lire un long article sur votre tablette, tandis que le matin, vous recevrez uniquement de brèves nouvelles sur votre smartphone. Pour ce faire, nous collaborons avec des partenaires technologiques et des groupes de recherche universitaires. »

Le mode de travail a évolué au cours du temps, reconnaît Danis : « Autrefois, nous demandions surtout quels problèmes il s’agissait de résoudre et nous fournissions des solutions de façon autonome ; aujourd’hui, nous recevons aussi des propositions ou des demandes de la part de nos business units. C’est une bonne chose, car il n’est pas dans notre intention d’innover tout seuls dans notre coin. »

Members Only

La société Bisnode, experte en « smart data », adhère également à ce principe. Dans le passé, elle disposait d’une cellule d’innovation « réservée aux membres », mais celle-ci a disparu entre-temps, comme l’explique Florent Diverchy, représentant belge du Conseil de l’innovation au sein du groupe Bisnode. « J’estime que travailler dans une sorte de bunker est inefficace, note-t-il. D’une part, cela crée une trop grande distance avec le marché et les clients ; d’autre part, l’innovation doit venir de tous les collaborateurs et de tous les services. En créant un groupe isolé d’innovateurs, on donne l’impression au reste du personnel qu’il n'a rien à apporter. Nous voulons éviter cela à tout prix, car chaque voix doit être entendue au sein de l’entreprise. »

C’est pourquoi Bisnode organise régulièrement des « Sprinnovations ». Il s’agit de réunir différentes personnes pendant une semaine pour travailler sur un défi particulier. Au terme de la semaine, ils doivent présenter leur prototype au reste de l’entreprise. « Une autre initiative est notre projet Innospark, ajoute M. Diverchy. Chaque employé peut faire une proposition en réponse à une demande spécifique d’un client. Les idées sont ensuite soumises au vote et les meilleures sont effectivement présentées au client. Nos employés adorent participer à de tels défis et c’est de cette manière que nous veillons aussi à leur satisfaction. »