Étude de cas : la marque de vêtements fabriqués en Belgique Opte joue la carte de la durabilité
Développer une gamme complète de vêtements fabriqués en Belgique et conçus pour durer : telles sont les ambitions de la marque Opte. Depuis 2020, la start-up défend l’idée d’un habillement responsable qui associe qualité et écoresponsabilité, tout en visant une relocalisation du secteur textile. Plongeon dans leur garde-robe unique.
La vision du Think Tank Sustainability:
En termes de bonnes pratiques dans l’association entre marketing et développement durable, Opte coche de nombreuses cases. Une approche globale ou ‘systémique’ qui envisage tous les aspects de l’impact d’un secteur et opte (sans mauvais jeux de mot) pour un business model radicalement différent. Une grande humilité dans la démarche malgré l’ambition affichée. Un pari sur le long terme sans vouloir brûler les étapes. Et puis le développement d’une vraie identité de marque qui offre au public bien plus que de l’écoresponsabilité. Une marque proche, sympa, de haute qualité et avec un univers auquel un public nombreux peut adhérer.
Reste à les soutenir et à relayer l’appel d’Antoine a d’autres marques produites en Belgique à se fédérer !
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Nicolas Lambert
BAM sustainability Think Tank
Marketing and sustainability expert - Author of 'Le marketing peut-il sauver le monde' - Lecturer HelHa/UCLouvain/IHECS
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« Il vient une heure où protester ne suffit plus. Après la philosophie, il faut l’action ! » Cette phrase tirée des Misérables de Victor Hugo figure sur le site web d’Opte, ne laissant planer aucun doute : la start-up belge appelle de ses vœux un changement radical dans l’industrie de la mode. Pour ce faire, elle fabrique elle-même des vêtements durables et s’emploie à tisser des relations entre les acteurs de la filière.
Voici quatre ans, le fondateur Antoine Giansante créait un groupe Facebook pour présenter son projet : fabriquer des vêtements écoresponsables. Trois mois plus tard, Antoine comptait déjà plus de 5 000 followers sur la plateforme, mais peinait encore à trouver des partenaires. « Jusque dans les années 1970, la Belgique était un centre important de l’industrie textile, explique l’entrepreneur. Pour diverses raisons, ce secteur a décliné au cours des dernières décennies jusqu’à disparaître complètement, notamment en raison de la pandémie de coronavirus. Il n’était donc pas évident de lancer un tel projet dans ce contexte. »
Financement participatif
Heureusement, la mise en place d’un crowdfunding a porté ses fruits. Bien vite, Antoine Giansante trouve un atelier, voit son chiffre d’affaires progresser de 208 % et étudie soigneusement les différents aspects de la confection. Alors que l’initiative semble décoller, voilà que les partenaires jettent l’éponge du jour au lendemain, obligeant la start-up à repartir de zéro.
Mais la persévérance paie toujours : fin 2022, Antoine Giansante trouve enfin le partenaire rêvé pour garantir la viabilité et l’essor de son entreprise. Leur objectif commun ? Produire des vêtements de qualité fabriqués localement et aider d’autres partenaires et ateliers à poursuivre la même ambition.
Conviction personnelle
Antoine explique que son ambition est née d’une conviction personnelle : « Je m’efforce depuis pas mal d’années d’adopter un autre mode de vie. Par exemple, je ne prends plus jamais l’avion et je n’achète que des produits bio. Opte répond donc à une aspiration de concilier mes valeurs personnelles avec mon travail. »
Deux principes de base ont été privilégiés dès le départ. Tout d’abord, les vêtements devaient être fabriqués en Belgique pour éviter tout risque d’exploitation. Ensuite, il était important de choisir les vêtements de la façon la plus responsable possible, tant en termes esthétiques qu’éthiques.
GOTS
Pour la sélection des tissus, la start-up est passée par plusieurs phases, au cours desquelles diverses possibilités ont été testées – avec un succès variable. Par exemple, les premières fibres choisies par Opte se sont avérées décevantes et l’utilisation de fins de rouleaux n’a pas non plus donné le résultat escompté.
Devant ces résultats mitigés, la start-up a décidé de produire uniquement en Belgique avec les tissus les plus naturels et les plus écoresponsables possible. Il n’est donc pas surprenant qu’Opte ait opté pour GOTS (Global Organic Textile Standard), un label international pour les textiles biologiques qui garantit une production responsable sur les plans environnemental et sociétal, en excluant notamment le travail des enfants et le travail forcé.
Cette collaboration a conforté Opte dans son souhait d’œuvrer au développement durable, comme en témoigne son fondateur : « GOTS analyse constamment l’ensemble de la chaîne : de la récolte des fibres au tissu final. Choisir GOTS, c’est donc contribuer à la chaîne durable. »
Une chaîne durable qui, il est vrai, ne s’arrête pas aux frontières nationales. Car si l’ambition d’Opte est de relocaliser le secteur textile, elle est bien obligée de travailler avec des partenaires étrangers, notamment pour les tissus. Pour les plus curieux parmi vous : les fibres servant à confectionner les vêtements de la marque sont un mélange de coton certifié par GOTS. Le fil est transporté en France où il est tissé et teint, puis le tissu est envoyé en Belgique où il est coupé et confectionné. Enfin, les vêtements 100 % en coton quittent directement l’atelier pour être livrés aux clients.
Externalités
Une chaîne courte donc, qui se reflète dans l’impact écologique de l’entreprise qu’Opte a validée sur la base du calculateur Ecobalyse développé par les autorités françaises Alors qu’un t-shirt classique fabriqué au Bangladesh avec du coton conventionnel obtient un score d’impact de 2 133 points, celui des vêtements conçus par Opte ne s’élève qu’à 425.
Toutefois, la réduction des externalités négatives dans le processus de production entraîne des répercussions financières sur l’entreprise. Par exemple, la marge brute moyenne sur les vêtements d’Opte est de 48 %. C’est assez peu, comme le reconnaît Antoine Giansante, bien conscient des conséquences de cette situation : « La faible marge brute nous oblige à faire certains choix. Nous vendons directement en ligne, ne faisons aucune promotion et ne travaillons qu’avec des précommandes. Comme nos coûts de production sont beaucoup plus élevés que ceux des autres acteurs de l’industrie, nous devons faire preuve de créativité pour compenser cette différence. Ce sont des choix forcés, mais ils font aussi notre spécificité. »
Une qualité exceptionnelle
Cet accent sur la durabilité ferait presque oublier qu’Opte vise également la qualité. Logique, car pour Antoine Giansante, les deux vont de pair. « Dès le départ, l’écoresponsabilité a été notre principale préoccupation, mais il est évident que nous voulons aussi offrir des produits qui se démarquent par leur qualité et leur originalité. Nous voulons créer des vêtements qui sortent de l’ordinaire, et ce pour répondre à une attente réelle. Nous nous sommes entre-temps constitué une clientèle fidèle, et les statistiques prouvent que seule une minorité de ces clients achètent nos vêtements en raison de la production locale ou du souci écologique. Cela signifie que la grande majorité ont d’autres motivations d’achat. »
Avec une clientèle de plus en plus nombreuse, la voie semble également ouverte au succès à l’international. Mais Antoine voit les choses autrement et reste attaché à sa philosophie « pratiquez ce que vous prêchez ». « Notre mission est claire : relocaliser le secteur textile en proposant des vêtements solides. Il serait donc absurde de fabriquer nos produits au Bangladesh ou même de les vendre à l’étranger. Opte n’a pas l’ambition de se développer à l’international, ni ne vise une croissance infinie. »
Moins mais mieux
Pas d’ambitions internationales ni d’expansionnisme débridé, donc. Dans ce cas, comment Opte envisage-t-elle l’avenir ? « Actuellement, nous ne fabriquons que des vêtements de dessus tels que des t-shirts, des polos et des sweats, mais à long terme, nous aimerions proposer une garde-robe complète qui, en plus d’être belge, soit solide et bio. En l’espace de deux ans, nous avons développé une dizaine de modèles et, au cours des deux prochaines années, nous avons l’intention de lancer 12 à 15 modèles supplémentaires, en visant comme toujours une qualité très élevée. Notre objectif est de rendre les vêtements de qualité accessibles à une partie de la population et de faire en sorte que les gens achètent moins mais mieux. »
« Enfin, nous voulons également encourager les acteurs belges de l’industrie de la mode, ou du moins de l’industrie du textile et de l’habillement, à se connecter davantage entre eux. Nous voulons contribuer à ce que des liens se tissent entre les acteurs plutôt que de nous mettre en avant et de jouer un rôle individuel. Notre rêve reste que l’ensemble du secteur textile belge puisse se reconstruire sur de bonnes bases. Et Opte entend bien apporter sa pierre à l’édifice », conclut Antoine.