Huit conseils marketing aux start-ups par la limonade Ritchie
« De Ritchie Story », notre Marketing Book of the Month en juin, relate les péripéties d’une marque locale de limonade disparue du marché à la fin des années 1970, mais relancée avec un vif succès en 2016. Et ce, grâce à son « chef limonadier » Jan Verlinden, qui a mis à profit son expérience en marketing pour redorer le blason familial. Une histoire qui inspirera sans nul doute mainte start-up…
Jan Verlinden nous explique d’emblée les raisons qui l’ont poussé à écrire ce livre. Et en quoi l’histoire de Ritchie constitue selon lui un exemple inspirant pour les jeunes entreprises. « Je reçois régulièrement des demandes d’entrepreneurs en herbe qui souhaitent avoir une bonne discussion avec moi. Ces entretiens m’ont appris qu’un grand nombre de start-ups ne maîtrisaient pas les notions de base du marketing. Au lieu d’expliquer les mêmes choses encore et encore, j’ai décidé de les coucher sur papier. Histoire de pouvoir mener des discussions plus approfondies avec les personnes qui auront lu le livre. »
1. Tout commence par une proposition de marque forte
La limonade est un produit familier au commun des mortels. Par conséquent, elle se prête à merveille, selon l’auteur, à une étude de cas s’adressant spécifiquement aux jeunes entrepreneurs. Verlinden a réussi à ficeler un récit aisément compréhensible et largement applicable. « Ces fondamentaux du marketing s’appliquent à tous les secteurs, et pas seulement au marché des boissons non alcoolisées. »
Le livre dévoile d’entrée de jeu les ingrédients de base sur lesquels repose le succès de Ritchie : un produit de qualité, doté d’un emballage distinctif et soutenu par une histoire authentique. S’agit-il d’éléments indispensables pour toute start-up ? « Les facettes incontournables varient d’une marque à l’autre. Force est de constater que de nombreux produits meurent peu de temps après leur lancement sans laisser le moindre souvenir. Nous vivons dans un monde impitoyable. Pour parvenir à survivre et à se démarquer dans ce contexte compétitif, il faut absolument soigner chaque détail de sa proposition de marque. »
L’auteur recommande de n’absolument rien négliger : « Le produit, le conditionnement, l’histoire, la communication, la stratégie de distribution… Une proposition forte surgit de l’interaction d’une foule d’éléments qui doivent former un tout cohérent, sans la moindre faille. » Pas question donc de prendre un aspect à la légère. « Ma préparation pour la relance de Ritchie a pris environ trois ans : deux ans à temps partiel et un an à temps plein. »
2. Cohérence, cohérence et encore cohérence
Un spécialiste du marketing qui cherche son inspiration dans une photo jaunie pour ressusciter la marque de limonade créée par sa famille, en trouvant un juste équilibre entre tradition et innovation, style rétro et contemporain… Voilà de quoi générer une histoire authentique qui coule presque de source ! Et c’est précisément ce qui peut permettre à une marque de se démarquer de la concurrence. « La communication chez les Néandertaliens, les mythes grecs, les légendes du Moyen Âge, les livres sacrés : toutes ces expressions sont tributaires du storytelling. La narration en tant qu’outil de communication fait partie intégrante de l’ADN humain. »
Si la proposition de marque forme un tout indissociable, on ne peut bien sûr pas se contenter d’avoir une histoire percutante – ce qui, soit dit en passant, est une ambition réaliste pour toute start-up, selon Verlinden. « Ritchie se distingue par le caractère attrayant de ses bouteilles, vendues dans un joli coffret. Cette présentation contribue à l’histoire de la marque. Or, je constate que de nombreuses start-ups négligent l’importance du design. J’aurais également pu concevoir une bouteille futuriste, mais cela aurait juré avec les goûts d’antan. Bref, l’histoire de la marque doit être intégrée de manière cohérente dans l’approche marketing. C’est là l’essence même du métier. »
3. Se concentrer sur l’essentiel
« Il est souvent malaisé de choisir entre telle ou telle possibilité, mais c’est indispensable pour aller de l’avant. » Verlinden indique qu’il est non seulement crucial de concrétiser au préalable la voie que l’on souhaite emprunter, mais aussi et surtout de déterminer ce que la marque ne sera en aucun cas. « On pense parfois à certaines extensions de gamme ou au lancement de toute une série de nouvelles saveurs. Mais il ne faut pas perdre de vue l’essentiel. »
Ce principe cadre aussi parfaitement avec la nécessité d’élaborer une proposition de marque cohérente. « Il faut éviter de semer la confusion dans l’esprit des gens en leur envoyant une vingtaine de messages différents. D’autant plus que la communication marketing est très coûteuse et que l’on doit donc se limiter dans le choix des médias. Une start-up modeste peut déjà s’estimer heureuse quand l’un de ses messages atteint sa cible. »
4. Le marketing est un investissement, pas un coût
« Il faut réinvestir les bénéfices dans la publicité ; on peut économiser partout sauf dans le marketing ». Voilà un passage intéressant du livre et un conseil précieux. « Les gens achètent ce qu’ils connaissent. Au supermarché, qui leur propose 30 000 produits, ils ne voient que ce dont ils ont besoin. Tout ce qui ne capte pas leur attention se perd dans la masse. »
Est-ce à dire que les entreprises doivent allouer toutes les ressources disponibles à la publicité ? Verlinden ne souhaite pas se prononcer sur cette question. « C’est à chaque entreprise de décider. Mais je ne pense pas que nous serions en train d’avoir cet entretien aujourd’hui si je n’avais pas investi massivement dans le marketing. » Verlinden pèse ses mots : « Après 25 ans de métier, je suis convaincu qu’il s’agit d’un investissement et non d’un coût. Il ne fait aucun doute que cela finira par être rentable, même si l’on ne sait pas quand au juste. »
Ces conseils ne concernent d’ailleurs pas seulement les start-ups, mais toutes les entreprises. Car on n’arrête jamais de faire de la publicité. « Coca-Cola détient une part de marché d’environ 70 % dans notre pays et n’a pratiquement aucune marge de croissance. Pourtant, le géant continue à faire tourner sa machine marketing à plein régime, pour maintenir sa position et ne pas disparaître des radars. »
5. La distribution et le marketing travaillent de concert
« Notoriété de marque, distribution, notoriété de marque, distribution… » Une fois que le positionnement est en place et qu’il est soutenu par un marketing mix solide, le chef limonadier de Ritchie explique qu’il s’agit d’accroître peu à peu la notoriété de la marque. « Dans le respect des budgets fixés, il faut imprimer un tempo de développement en évitant tout emballement entre la distribution et le marketing. » Dans le cas concret de Ritchie, cela signifiait de commencer par la région de Louvain, pour ensuite conquérir le reste de la Flandre et, dans un troisième temps seulement, développer les activités à l’échelle nationale, voire aussi aux Pays-Bas.
Une croissance lente est une croissance réaliste, souligne Verlinden : « Rares sont les marques qui arrivent au sommet en quelques années. Prenons l’exemple de Red Bull, dont la croissance a été pratiquement nulle au cours des dix premières années. Nespresso a aussi eu besoin d’une décennie pour décoller. »
6. Tenir compte des lois du marketing sans se laisser paralyser
Cette approche réaliste est également une bonne riposte aux « lois dégrisantes du marketing » que Verlinden présente dans son livre, et qui risquent d’ébranler les ambitions de l’entrepreneur débutant. Par exemple, la loi de la double peine (tirée de How Brands Grow de Byron Sharp) stipule que les petits acteurs souffrent deux fois : d’une part leur chiffre d’affaires est plus faible parce qu’ils ont moins d’acheteurs, d’autre part ces derniers achètent moins souvent leur marque. La loi sur l’équilibre entre la part de voix et la part de marché stipule quant à elle que les petits acteurs sont contraints d’investir davantage dans le marketing. Enfin, une autre loi montre que plus la part de marché est élevée, plus les efforts marketing sont rentables.
« Aucun de nous n’échappe à la loi de la gravité. Il en va de même pour ces lois marketing. Il faut en tenir compte, qu’on le veuille ou non. Cela oblige à faire preuve de réalisme au moment de définir ses objectifs. Tout le monde n’est pas appelé à devenir leader de marché. Au risque de me répéter : il faut se concentrer sur l’essentiel et se développer peu à peu. Il a fallu huit ans pour que Ritchie soit à nouveau disponible chez la plupart des détaillants… »
7. Toucher efficacement sa cible
En ce qui concerne les techniques de marketing concrètes, la marque Ritchie est surtout connue pour ses campagnes de placement de produits dans des émissions populaires à la télévision, telles que The Masked Singer et De Mol. Des collaborations qui, au fil du temps et grâce au réseau de Verlinden, ont permis de battre de beaux records d’audience sur le site web. Bien entendu, ce sont loin d’être les seuls investissements marketing à mettre au crédit de Ritchie.
« Au début, j’ai fait un peu de publicité sur les réseaux sociaux, ce qui permet aujourd’hui aux débutants de toucher une audience élevée de manière relativement bon marché, mais j’ai surtout choisi de sortir dans la rue. C’est très important pour une start-up, car cela vous permet de susciter l’intérêt des gens pour votre histoire et de construire un réseau. » Le chef d’entreprise de cette société unipersonnelle a participé à des salons et à des événements. Il a également fait du porte-à-porte. « Après la première livraison, j’ai fait la tournée des cafés de Louvain avec un sac à dos rempli de bouteilles », raconte-t-il.
Verlinden parle d’un effet boule de neige : on commence modestement et prudemment, mais chaque initiative crée de nouvelles opportunités marketing. Il est également conscient que les produits de niche ne peuvent pas copier cette approche à l’identique, même si l’idée qui la sous-tend reste intacte. « Le tout est de chercher les endroits où l’on peut atteindre son public cible le plus efficacement possible. Il peut s’agir de groupes Facebook, mais aussi de certains événements. Par exemple, j’ai découvert que l’univers du vintage – dans lequel s’inscrit parfaitement Ritchie – organise des événements quasi tous les week-ends. »
8. Oser se lancer (avec un bon produit)
« Vous avez un bon concept et l’envie d’entreprendre ? Alors, lancez-vous ! Sachez toutefois que vous n’aurez qu’une seule chance de faire une bonne première impression. » Pour ce faire, il faut avoir une proposition de marque réfléchie et cohérente, ainsi qu’un produit de grande qualité. « Un produit tout juste valable est insuffisant. Il doit déjà être le plus possible au point. Si vous promettez aux consommateurs de lui fournir la prochaine fois une boisson avec un meilleur goût et un emballage plus attrayant, il n’y aura sans doute pas de prochaine fois. »
- Plus le budget est réduit, plus l’approche est efficace
Dernière question à l’auteur du livre « De Ritchie Story » : avec votre expertise actuelle, auriez-vous agi autrement chez votre dernier employeur, PepsiCo, qui dispose d’importants budgets marketing ? « En général, les grandes entreprises gaspillent beaucoup d’argent en se focalisant de façon excessive sur le court terme et en négligeant quelque peu la croissance à long terme. Reste à savoir si l’on peut apporter des changements à des structures et objectifs déjà bien définis. En tout cas, je constate qu’un budget plus restreint vous stimule à faire un usage plus efficace et plus inventif de vos ressources. » Verlinden ajoute ainsi à la liste des lois marketing dégrisantes une autre loi qui devrait rasséréner les start-ups…