L’hiver mental qui nous attend mettra le purposeful marketing à rude épreuve, sans en compromettre la pertinence

« De toekomst is terug » de Fons Van Dyck est notre premier Marketing Book of the Month en 2024. Cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui veulent savoir ce que l’avenir leur réserve. Il met à nu les rapports historiques pour permettre de mieux comprendre les évolutions actuelles. Loin de verser dans le catastrophisme, l’auteur nous donne des pistes pour sortir de l’impasse. Le nouvel opus du Master Marketer 2009 jette un éclairage précieux sur le monde du marketing.

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Fons Van Dyck est titulaire d’un doctorat en médias et communication et d’une maîtrise en sciences politiques et sociales. Il peut se prévaloir d’une solide expérience en matière de marketing politique et de communication. Qui plus est, il dirige l’agence Think BBDO depuis plus de quinze ans. 

Son palmarès compte bon nombre d’ouvrages primés, dont « Het merk mens: consumenten grijpen de macht », « La publicité : morte ou vivante » et « L’entreprise immortelle. Survivre à l’ère disruptive ». Publié à l’automne 2023, son dernier titre « De toekomst is terug » (Le futur est de retour) poursuit sur la même lancée. Dans ce livre où s’entremêlent menaces et espoirs, Van Dyck relie de façon inspirante présent, passé et avenir avec l’approche holistique, analytique et scientifique qui le caractérise. 

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Comprendre le monde complexe qui nous entoure

Après avoir élaboré dans son esprit les grandes lignes du livre pendant plusieurs années, Fons Van Dyck a estimé que le moment était venu de coucher ses idées sur papier dans « De toekomst is terug ». « Nous sommes actuellement à un moment charnière de l’histoire, explique-t-il. On assiste à diverses tendances qui sont appelées à durer et qui vont transformer radicalement notre monde, aussi sur le plan professionnel. » 

Qui veut changer et améliorer le monde doit d’abord le comprendre en profondeur. Tel est le postulat de départ du livre. « Mon propos est de fournir des informations sur le monde qui nous entoure. Un monde complexe, que certains considèrent comme une opportunité et d’autres comme une menace. Les acquis du passé ne constituent plus une garantie de réussite à l’avenir. Si l’on veut maîtriser l’évolution en tant qu’individu ou en tant que marque, on doit d’abord comprendre comment tout s’imbrique. »

Le purposeful marketing survivra-t-il ?

Les développements économiques et sociaux s’invitent jusqu’au cœur de l’entreprise et peuvent balayer les croyances les plus enracinées. « Dans les temps tourmentés qui s’annoncent, il sera de plus en plus difficile de concilier le purposeful marketing avec l’appel à accroître la valeur actionnariale et les bénéfices – entre lesquels il n’y a d’ailleurs pas de relation statistiquement significative. Les thèmes tels que les critères ESG et la DE&I ont pris une importance considérable dans le monde des affaires et du marketing au cours des dix à quinze dernières années, mais ils seront soumis à de fortes pressions dans les années à venir. » 

Considérant le purpose comme une croyance, Van Dyck fait le lien avec les quatre forces dont il est question dans son livre : exploration, connexion, conquête et défense. « Dans un climat économique et social favorable, la force de connexion était dominante et de nombreuses entreprises ont décidé d’adhérer à ces causes. Mais nous nous dirigeons maintenant vers une ère où la défense et la conquête seront au centre des préoccupations. Par conséquent, des principes tels que le purpose, les critères ESG ou la DE&I vont être mis à rude épreuve. » 

Le boycott de la marque de bière Bud Light en est une bonne illustration. « La campagne avec l’influenceuse transgenre Dylan Mulvaney a suscité une levée de boucliers de la part des milieux conservateurs et de l’alt-right aux États-Unis. Les ventes ont fortement chuté, Bud Light a perdu sa position de leader sur le marché et le cours de l’action d’AB Inbev s’est effondré. Les pressions qui s’exercent sur le purpose forcent les marketers à s’adapter. »

La clé : la valeur partagée

L’auteur constate que les congrès marketing braquent les projecteurs sur les rares success-stories en matière de purposeful marketing. Reste à savoir ce qui distingue ces quelques marques des autres, une vaste majorité qui s’éteint sans faire de bruit. « Ces marques à succès parviennent à créer de la valeur partagée : d’une part pour les actionnaires – rien de plus normal – et d’autre part pour la société. Les entreprises qui réussissent sont celles qui parviennent à cet équilibre, en maîtrisant les tensions et les conflits et en élaborant un vrai business model basé sur la valeur partagée. »

« Je suis convaincu que l’actionnariat reprendra le dessus, poursuit Van Dyck. La première fonction d’une entreprise dans une société capitaliste redeviendra la réalisation de profits pour ses actionnaires. Par conséquent, les marketers qui misent à juste titre sur le purposeful marketing seront confrontés à des vents contraires et devront ramer à contre-courant. Cela dit, certains actionnaires sont parfaitement conscients que l’on peut aussi obtenir un bon business case en se basant sur une démarche de meaningful marketing. Je reste donc optimiste. »

Hiver mental

Dans son livre, Van Dyck parle du cours cyclique de l’histoire, caractérisé par des vagues à long terme, plus psychologiques qu’économiques. L’optimisme et la foi dans le progrès qui caractérisaient l’après-guerre ont cédé la place dans les années 1970 et 1980 au défaitisme et à un net regain des tensions. Après la chute du mur de Berlin et l’essor de l’internet, la pensée positive et la cohésion sociale ont à nouveau prévalu. Mais cette période a pris fin récemment, et nous nous dirigeons vers un nouvel hiver mental.

« Le point de basculement a eu lieu en 2020, avec la pandémie de coronavirus, l’invasion de l’Ukraine, l’inflation galopante, les inondations en Wallonie et, plus récemment, à l’Yser, ainsi qu’une foule d’autres crises et défis. Les gens estiment que l’avenir sera marqué par l’incertitude et l’angoisse. Le pouvoir défensif devient dominant, comme en témoigne la montée en puissance du mouvement identitaire. Mais les forces d’exploration, d’innovation et de connexion continueront à s’exercer dans la société, de sorte que nous assisterons à des affrontements et à une polarisation. » 

Créer un lien de confiance

Dans ce contexte, il règne une certaine hostilité et une méfiance à l’égard des industries et des marques. « Je pense aux critiques formulées contre INEOS, mais aussi à la protestation des agriculteurs et aux tensions entre ces agriculteurs et le mouvement écologiste. La méfiance à l'égard de la politique, des pouvoirs publics, des médias, des entreprises et de son prochain s'est également accrue. Les marketers ne doivent pas être naïfs, mais oser affronter cette évolution. »

En plus d'être réaliste, Fons Van Dyck se dit aussi « possibiliste ». « Vouloir, c'est pouvoir. Alors que la récession, la peur et l'incertitude augmentent, les responsables marketing doivent continuer à fixer la lumière au bout du tunnel et contribuer à en sortir. » L'un des éléments clés est la création de valeur pour les consommateurs, afin de tisser des liens de confiance. « La confiance doit se gagner tous les jours. Pour ce faire, il faut continuer à s'appuyer sur les principes classiques du marketing. » 

Le Master Marketer 2009 se réfère à quatre dimensions. « Tout d'abord, il faut apporter une valeur réelle, tangible et fonctionnelle. Il peut s'agir de la qualité, du prix ou de l'autonomie dans le cas d'une voiture électrique, par exemple. En deuxième lieu vient l'aspect émotionnel, car de nombreuses personnes sont attachées à des marques fortes comme Apple. La troisième facette est l'expérience de l'utilisateur : la marque tient-elle ses promesses ? Enfin, la quatrième dimension est celle du purpose, fait de valeurs souvent intangibles et visant à un monde meilleur. Pour gagner la confiance des consommateurs, il faut créer de la valeur à ces quatre niveaux. »

La révolution de l'IA

Les évolutions et les révolutions ne se produisent jamais de façon isolée, mais se chevauchent dans le temps. Selon Van Dyck, aujourd’hui, l'intelligence artificielle constitue une révolution cruciale. « Trente à quarante pour cent des emplois que nous connaissons aujourd'hui pourraient disparaître demain. L’automatisation avait suscité les craintes des cols bleus ; désormais, ce sont les cols blancs qui devront opérer une profonde conversion. »

« Aucune technologie de l'histoire moderne n'a eu un impact aussi important en si peu de temps que l'IA générative, en particulier dans le secteur du marketing et des médias. Si l'économie se redresse demain, les effets de l'IA ne se feront sentir que dix ans plus tard. Il s'agit à la fois d'une menace et d'une opportunité, auxquelles nous devons nous préparer par tous les moyens. »

Pour l’heure, il est essentiel d'apprendre à collaborer avec la technologie. « Comme l'hiver mental, on ne peut pas arrêter l'IA. La question est de savoir comment en tirer le meilleur parti. Il faudra faire preuve de savoir-faire et de créativité pour continuer à sortir du lot dans le monde du marketing. Ceux qui parviendront le mieux à trouver un nouveau modus vivendi avec l'IA verront leur survie assurée. »

A propos de cet article :

Publication: 28 février 2024

Editeur: Bart Lombaerts - Spyke