Puis-je encore m’exprimer ainsi ? Les étudiants régissent aux thèses du Marketing Book of the Month
« Kan ik dat nog wel zeggen? Waarom ik me ongemakkelijk voel bij inclusie. » Tels sont le titre et le sous-titre du livre récemment publié par Taha Riani. Traduction : « Puis-je encore m’exprimer ainsi ? Pourquoi l’inclusion me met mal à l’aise ». Un ouvrage qui intéressera un vaste public, mais tout spécialement les professionnels de la communication et du marketing. Vu les effets négatifs qu’une campagne publicitaire peut avoir sur une minorité, il est essentiel d’accorder une grande importance aux thèmes de la diversité et de l’inclusion. Nous avons soumis une batterie de thèses tirées du livre à quelques étudiants pour savoir comment la prochaine génération de marketers se situe par rapport à cette question.
« J'ai peur de dire quelque chose de travers »
La plupart des étudiants estiment que le mot « peur » est sans doute exagéré. Bien sûr, ils abordent désormais la question de la diversité avec plus de prudence, mais dans un esprit positif, en vue d’inclure tout le monde. « Nous avons tous nos valeurs et il est important de ne pas les imposer aux autres », résume Yenka Van Dorpe (HOGENT). Thibault Vandenbogaerde (Hogeschool VIVES) estime aussi que le respect est une valeur universelle et un bon point de départ. « Quand on se respecte mutuellement, on peut discuter de tout », note-t-il.
Les étudiants conseillent aux marques de faire montre de prudence. Yusra Hamiche (AP Hogeschool) cite en contre-exemple une campagne de Zara qui évoquait sans le vouloir les scènes d’horreur à Gaza. « Il n'y avait aucune intention malveillante, mais cela prouve qu'il faut faire attention à n’offenser personne. »
« Notre identité est plurielle »
Samuel Achaw (Artevelde Hogeschool) est tout à fait d'accord avec cette thèse et voit sur ce point des signes positifs dans les entreprises. « De plus en plus de marques tiennent compte de cette pluralité. » Souvent en s’engageant sincèrement en faveur de l'inclusion, parfois pour des raisons purement commerciales, semble-t-il. « On ne peut procéder à un ciblage pertinent sans comprendre ce mélange de traits identitaires, affirme avec un certain cynisme Simon Pellegrims, étudiant à la même haute école. Cléa Branchereau (IHECS) constate quant à elle une forte disparité entre les marques : « Trop souvent, un seul critère semble compter. Mais de plus en plus de marques reconnaissent aujourd'hui l'importance de la diversité et cherchent à être inclusives. »
Thibault renchérit : « C’est surtout crucial pour les marques qui s’adressent à de nombreuses cibles. Elles doivent faire preuve d’empathie et bien connaître leurs différents publics. » Yenka se pose toutefois la question de savoir s’il est possible de tenir compte des différents aspects dans toutes les situations. « La société est si diverse en elle-même, et notre identité présente des facettes variées. Les responsables marketing veulent contenter tout le monde, mais c'est pratiquement impossible. » Sa camarade de cours Jennifer Pereira Flores a un point de vue bien arrêté sur la question : « Il faut tout d’abord examiner les valeurs de l'entreprise et les prendre comme point de départ. Les clients fidèles sont ceux qui partagent ces valeurs. »
« Les médias se rendent souvent coupables de tokénisme : ils font intervenir des personnes de couleur dans les programmes non pour ce qu’elles sont réellement, mais juste pour pouvoir dire : "vous voyez que nous sommes inclusifs !" »
« On s’en rend compte immédiatement et cela fait très mauvaise impression », souligne Robin Christiaens (Hogeschool VIVES). Un personnage dont le seul trait de personnalité est d’être « gay » ou "noir" n’a aucun intérêt. » Son camarade de classe Thibault approuve : « C'est quelque part compréhensible, mais cela produit l'effet inverse et donne une image désespérée plutôt que positive. L'inclusivité est importante, mais il ne faut pas forcer les choses. »
« C’est toujours une bonne chose de vouloir représenter les minorités, mais il faut bien s’y prendre si l’on veut avoir un impact réel », lance Yusra en guise d’avertissement aux marques. Un mot qui revient souvent dans la bouche des étudiants est celui d'authenticité. « Les chaînes et les marques qui se montrent réellement inclusives dans leurs programmes ou leurs campagnes produisent une bien meilleure impression », estime Jennifer. « Elles se distinguent et sortent du lot. » « Idéalement, les campagnes devraient être inclusives tout en continuant d’accorder la place centrale au produit et à la marque, estime Cléa. De cette manière, la diversité pourra se convertir en norme. »
« Les affronts anodins, les remarques sarcastiques et les préjugés inconscients marquent durablement les individus qui y sont confrontés en permanence. »
Voilà une thèse qui parle à tous les étudiants, en raison de leur propre expérience ou de témoignages de leur entourage. « Tout le monde a ses côtés incertains », estime Yenka. « Si on vous les rappelle constamment, on ne va peut-être pas réagir sur le moment même, mais ces doutes se mettent à hanter notre esprit. » Samuel se reconnaît également dans cette thèse, en précisant que cela ne se limite pas toujours à des commentaires subtils. « Ce phénomène se manifeste également sur le lieu de travail. Je suis d'origine ghanéenne et j’ai plus de chances de voir rejeter ma candidature si j'envoie un CV avec photo... »
« Au bout d'un moment, on se dit : est-ce qu'il y a quelque chose qui cloche chez moi ? En s’additionnant, ces incidents anodins finissent par avoir un effet néfaste. C’est pourquoi ce problème doit préoccuper notre société, et surtout les responsables marketing. » Ces propos de Robin reflètent la pensée de nombreux étudiants en marketing.
« Souvent, nous ne nous rendons même pas compte que nous considérons notre propre vision du monde comme la norme et que nous avons tendance à marginaliser ceux qui pensent autrement. »
Et donc : « Il est essentiel de réfléchir régulièrement à notre propre attitude : suis-je suffisamment conscient des expériences et des sentiments qui ne font pas partie de mon ressenti personnel ? »
Cette forme d’autoréflexion abordée dans le livre revêt sans aucun doute une importance cruciale pour ces futurs professionnels du marketing. Ils citent souvent l’empathie comme une qualité fondamentale dans ce métier, et Yusra va jusqu’à l’opposer à l’égoïsme. Lorsqu'on lui demande si les marques se livrent à une introspection suffisante, Cléa répond de manière plutôt sceptique : « J'ai l'impression qu’elles se contentent de mener une seule action inclusive, que les gens auront oubliée quelques semaines plus tard. Or, une réflexion de ce genre est un processus qui s’inscrit dans le long terme. »
« Si vous vivez dans votre bulle et regardez le monde qui vous entoure avec des œillères, comment pourrez-vous vous identifier à vos clients ? », s’interroge justement Jennifer. « Bien sûr, cela n’a rien d’évident, car il est impossible de tenir compte de tout un chacun. Mais une écoute respectueuse fait déjà beaucoup. » À cet égard, les études de marché peuvent rendre de grands services, pointe Samuel : « Elles permettent de tenir compte du fait que chacun voit le monde différemment. En tout cas, si je me lance dans le marketing plus tard, je miserai là-dessus. Il ne fait aucun doute que le marketing inclusif est profitable aux entreprises. »
Les étudiants montrent l'exemple
Clairement, la diversité et l'inclusion sont des thèmes qui occupent les étudiants, qui comptent bien les intégrer à leur futur travail. Qu’en est-il de la génération actuelle ? C'est loin d'être facile, mais les nombreuses idées et les conseils précieux que les marketers trouveront dans le livre de Taha Riani les mettront incontestablement sur la bonne voie.
« Tout en nous efforçant de communiquer de manière ouverte et honnête, nous devons également sentir la responsabilité de protéger et de respecter nos semblables. » - Taha Riani (« Kan ik dat nog wel zeggen? », p. 174)