Rik Lagey a lu « The Virtual Economy » : « C’est un plaidoyer en faveur de l’innovation et de l’abandon de la peur des robots »

« The Virtual Economy – A guide for leaders to thrive in the 3rd age of the internet », cosigné par Jeremy Denisty et Dado Van Peteghem, a été élu par BAM livre marketing du mois de mai. Nous avons soumis l’ouvrage à l’appréciation de Rik Lagey, expert en e-commerce et en ambassador marketing. Voici les principales leçons qu’il en retient.

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Rik Lagey est Director Business Development chez Becom, la fédération belge de l’e-business, et partenaire de la plateforme d’employee advocacy Ambassify. Il a lu avec intérêt « The Virtual Economy » et accepté de répondre à nos questions sur cet ouvrage.

Que faut-il entendre par « 3e âge de l’internet » dans le sous-titre du livre ?

« Cette expression fait référence au flux continu d’innovations auquel nous sommes confrontés à l’heure actuelle. La Toile s’est développée lentement à la fin des années 1990 et au début du nouveau millénaire, mais depuis quelque temps elle évolue de plus en plus vite. Intelligence artificielle, réalité augmentée, réalité virtuelle… Toutes ces innovations nous ont un peu pris de court. 

Il reste à voir combien de temps l’économie virtuelle prendra pour se développer pleinement. Mais nul doute que cette évolution se produira. D’ailleurs, on le constate dès à présent. Ce livre décrit ce que pourrait être cet avenir et comment les entreprises devraient s’y préparer au mieux afin de monter dans le train virtuel au bon moment. »

Qu’est-ce que cette lecture vous a appris sur les consommateurs dans l’économie virtuelle ? 

« Alors que, par le passé, nous nous rendions surtout dans des points de vente physiques pour faire nos achats, il existe désormais en parallèle tout un circuit digital, voire virtuel, très efficace. Un changement qui, pour de nombreuses entreprises, est à peine tangible et reste difficile à appréhender. 

Quand on analyse la génération Alpha, soit les consommateurs de demain, on se rend compte qu’il s’agit de personnes ayant grandi avec une foule de possibilités virtuelles. Par conséquent, leurs attentes sont complètement différentes à l’égard des marques, en termes de produits mais aussi de tout ce qui gravite autour. Je pense donc que beaucoup d’yeux vont s’ouvrir dans les semaines, les mois et les années à venir. Les magasins physiques ne disparaîtront pas entièrement, mais l’expérience client et les services supplémentaires joueront sans aucun doute un rôle plus important à l’avenir.

Cela concerne-t-il principalement les jeunes générations, ou les attentes des personnes plus âgées ont-elles également évolué ? 

« Comme c’est essentiellement une question de mentalité, on observera sans doute une évolution à deux vitesses chez les plus âgés. Certains diront que toutes ces innovations ne les concernent plus, tandis que d’autres voudront continuer à évoluer avec leur temps. On constate que certains seniors sont très réceptifs aux nouvelles technologies. Pas forcément pour être « dans le coup », mais souvent pour des raisons éminemment pratiques. Ils comprennent que telle ou telle nouveauté représente un progrès ou une amélioration. Il y a dix ans, les paiements par smartphone semblaient un rêve insensé ; aujourd’hui, même mes parents ont abandonné l’argent liquide. Les générations anciennes n’adoptent pas toujours aussi vite les nouveautés que les jeunes, mais elles finissent par suivre le mouvement. »

Les auteurs portent un regard optimiste sur notre époque. Partagez-vous ce point de vue après avoir lu le livre ? 

« Absolument, même si mon opinion n’a pas nécessairement changé. Aujourd’hui, le paysage de l’IA compte déjà un grand nombre d’outils et d’intégrations formidables ayant un réel impact pratique. Ce sont des ressources qui aident les gens à travailler plus efficacement. En même temps, on constate une certaine réticence, due à la peur que les robots volent nos emplois, mais cela n’ira pas aussi loin. Je pense au contraire que des synergies intéressantes vont se produire entre l’humain et la technologie. Elles prendront peut-être plus de temps que ce que les auteurs prédisent, mais l’impulsion a déjà été donnée dans le monde des entreprises. D’ailleurs, cette évolution connaîtra un coup d’accélérateur lorsque la génération Alpha entrera sur le marché du travail. »

En ces temps virtuels, quelles sont les opportunités pour les marques ? 

« Bon nombre d’entre elles qui se basent encore sur un modèle de marketing traditionnel devront incontestablement miser davantage sur l’expérience client. Même la petite boutique du coin pourrait bientôt proposer une application permettant d’essayer des vêtements virtuellement. Le coût de ces technologies ne cessant de baisser, ces innovations ne sont plus réservées aux grandes marques. Bien sûr, c’est aussi lié à l’adoption : plus on voit souvent ce genre de choses, plus cela devient normal. »

Une démocratisation de la technologie, donc, tant pour les utilisateurs que pour les marques.... 

« Exactement. Permettez-moi d’insister : la nouvelle génération attend des marques qu’elles capitalisent sur ces technologies innovantes. Celles qui ne le font pas risquent de passer à la trappe. »  

Les technologies qui apportent une valeur tangible en améliorant l’expérience client semblent ouvrir de belles perspectives au commerce électronique. Qu’en pensez-vous dans votre fonction chez Becom ? 

« Il existe sans aucun doute des opportunités, y compris en matière de développement durable – un sujet auquel les auteurs consacrent un chapitre. De nombreuses études montrent que les commandes en ligne sont bénéfiques pour l’environnement, car moins de gens prennent la voiture pour se rendre chez un détaillant. Des outils comme celui développé par IKEA – pour voir ce que donneraient des meubles dans votre salon grâce à la réalité augmentée – prouvent que beaucoup de choses sont déjà possibles. Mais d’autres technologies innovantes, telles que le voice shopping, peuvent également stimuler le commerce électronique. Dans l’économie virtuelle, les possibilités sont légion. »

En quoi les modèles présentés dans le livre, tels que le « 3 lenses framework » – the kids, the developers, the money – ainsi que le « magic triangle » et le « power triangle », peuvent-ils aider les marketers ? 

« Les quatre P traditionnels sont loin d’être dépassés, mais cela ne peut pas faire de tort d’y ajouter quelques nouveaux modèles. Dans la pratique, j’ai déjà pu constater qu’il était très utile de garder à l’esprit le "3 lenses framework". La façon dont les enfants interagissent avec la technologie, la recherche constante d’améliorations de la part des développeurs et, bien sûr, les activités des investisseurs sont autant d’indicateurs qui permettent de détecter les technologies promises à un bel avenir. Notamment parce que les courbes d’adoption peuvent varier considérablement. Il suffit de penser au code QR, qui a causé une levée de boucliers il y a 15 ans, mais qui a récemment connu un regain d’intérêt et est désormais omniprésent.

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Tout ce dont nous discutons aujourd’hui est lié, d’une part, aux innovations technologiques et, d’autre part, à l’évolution de la société, caractérisée par un changement des attentes des consommateurs, des employés et des marques elles-mêmes. Dans ce contexte, des modèles tels que le triangle magique et le triangle de pouvoir offrent des points de repère. Ils fournissent des orientations pour mener une sorte d’étude de faisabilité et identifier où se situent les points faibles et les opportunités. Aujourd’hui, chaque entreprise devrait faire cet exercice presque tous les trimestres pour rester en phase avec notre société en mutation. »

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L’une des leçons de la section sur le triangle magique est la suivante : Think more in terms of ‘marketing through the people’ than ‘marketing to the people’. La création de communautés joue un rôle important à cet égard. Est-ce un bon conseil d’après vous ?

« Absolument. La création d’ambassadeurs de marque est également une priorité pour Ambassify, dont je suis partenaire. En mettant l’accent sur les récompenses et les expériences, au-delà des produits ou des services, et en apportant une valeur ajoutée par le biais d’activités durables, on peut créer des communautés de personnes partageant les mêmes idées. L’envoi de messages publicitaires traditionnels devient alors presque superflu.

Cette approche caractérise toutes les success-stories actuelles. Il ne s’agit plus d’une démarche marketing-vente, mais plutôt d’une approche qui s’articule autour de l’idéation et de la collaboration. Citons en exemple Adidas, qui permet aux consommateurs de concevoir leurs propres chaussures. Cela révèle d’ailleurs une certaine contradiction : les gens recherchent un sentiment d’appartenance à un groupe, tout en aspirant à l’individualité et à l’authenticité au sein de cette communauté. Il faut absolument tenir compte de cette tendance. » 

Est-il plus facile de créer une communauté dans un monde virtuel ? 

« Sans aucun doute. Le monde virtuel ne se heurte à aucune frontière géographique. Ajoutez à cela la connectivité permanente et les nouvelles possibilités offertes par les technologies modernes, et vous comprendrez que les possibilités d’interaction et de collaboration sont pratiquement infinies. Pour ne citer qu’un exemple, on peut très bien partir d’un événement sportif pour générer une communauté virtuelle offrant de nombreux avantages. »

Quelles autres leçons les marketers peuvent-ils tirer de ce livre ? 

« Je suis heureux que les auteurs aient également abordé les questions de l’empathie et du relationnel, parce que ces aspects restent cruciaux à notre époque. Les produits, les taux de conversion et les aspects technologiques ne sont pas les seuls points importants ; la création d’un lien émotionnel l’est tout autant. Before they buy from you, the have to like you : cette maxime s’applique dans le monde physique, mais peut-être encore plus dans les communautés virtuelles.

Ce n’est pas pour rien que la dernière version de ChatGPT mise fortement sur les conversations presque émotionnelles. Les gens ne veulent pas parler à un robot qui se présente comme tel. Ils attendent une touche émotionnelle, absolument indispensable au marketing. Ils devraient pour ainsi dire avoir envie de prendre un pot avec le chatbot qui essaie de leur vendre un produit. »

Avez-vous encore trouvé d’autres idées essentielles, études de cas inspirantes ou prédictions disruptives dans « The Virtual Economy » ?  

« Je suis surtout ravi par la mentalité promue par ce livre. Les auteurs encouragent le public à adopter les innovations et à abandonner la peur que leur inspirent les robots et la rapidité des évolutions. Un appel légitime, car mainte étude montre que pour chaque emploi traditionnel qui disparaît, une multitude le remplace dans le monde numérique et virtuel. » 

A propos de cet article :

Publication: 29 mai 2024

Editeur: Wout Ectors - Spyke