Samira Brophy (Ipsos) : « Si nous voulons que le développement durable devienne aspirationnel, il faut bannir la mauvaise publicité »

L’un des principaux intervenants au dernier BAM Marketing Congress était Samira Brophy. Lors de cet événement, la Creative Excellenc Director d’Ipsos Londres a présenté les résultats plutôt inquiétants d’une méta-analyse à grande échelle portant sur 200 publicités axées sur le développement durable, issues de 15 pays. Au terme de sa présentation, elle nous a dévoilé les ingrédients d’une stratégie réussie. 

Content Item_Samira Brophy

Les chercheurs ont passé à la loupe des publicités axées sur l’un des trois piliers ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Dans la pratique, c’est le « E » qui prédomine et, dans une moindre mesure, le « S ». Mais cela ne diminue en rien l’intérêt de cette étude. 

D’autant plus que les paramètres de l’étude sont loin d’être arbitraires. En effet, l’équipe de recherche s’est intéressée à l’attention portée à la marque et a eu recours au performant Creative Effect Index. L’utilisation de ces paramètres pour mesurer tous les types d’annonces permet d’établir des comparaisons et fournit une base scientifique solide. 

Les clichés en matière de durabilité 

Le fait de parler de développement durable offre-t-il un quelconque avantage aux annonceurs en termes d’efficacité ? Voilà la première question qui s’est imposée à Samira Brophy et à ses collègues. « La réponse est non : on n’observe aucun accroissement de l’attention ou de l’effet créatif. Au contraire, les gens accordent moins d’intérêt aux publicités axées sur la durabilité. » Logiquement, la question suivante était : « Comment cela se fait-il ? » Brophy et son équipe se sont rendu compte que « de nombreux messages restent très génériques et ne parviennent pas à exposer clairement le problème et à y associer la marque. » 

Brophy pense savoir où le bât blesse. « Les annonceurs se concentrent traditionnellement sur trois éléments : le contexte, la catégorie et la marque. L’aspect du développement durable est souvent représenté par des moulins à vent ou des agriculteurs heureux. Mais toutes les marques de toutes les catégories opèrent de la même manière. Il en résulte une série de clichés sur le développement durable qui n’encouragent pas les consommateurs à y prêter attention. »

Un autre écueil concerne les messages eux-mêmes. « De nombreuses marques invitent les gens à s’associer à une sorte de cause commune », indique Brophy. « Or, ces publicités sont moins efficaces que les messages dans lesquels une marque parle en toute transparence des mesures qu’elle prend elle-même. You do au lieu de I do, en quelque sorte. »  

Soyez vous-même et renforcez le positionnement de votre marque

D’où l’importance pour les entreprise de faire le lien entre leurs publicités sur le développement durable et le positionnement de leur marque. « Sinon, vos messages paraîtront forcés et inauthentiques, même si vous restez fidèle à votre style familier en termes d’exécution », estime Brophy. Soyez vous-même, telle est donc la devise. « Beaucoup d’entreprises sont trop promptes à formuler une revendication autour de laquelle elles élaborent ensuite toute une campagne. Mais il faut d’abord prendre suffisamment de recul et accomplir le travail stratégique nécessaire. Réalisez un audit de la catégorie et de la marque afin de vérifier si vous répondez à un besoin réel et si votre discours est suffisamment cohérent pour susciter l’intérêt des gens. »

Il y a toutefois une bonne nouvelle : lorsque le lien entre le positionnement de la marque et le développement durable est clairement établi, le type d’entreprise n’a pas d’importance. « Au cours du dernier Super Bowl, la marque de mayonnaise Hellmann’s a orchestré une campagne très bien accueillie sur le thème du gaspillage alimentaire. Comme la marque est axée sur la nourriture, elle s’appuie sur cette approche de la durabilité et reste fidèle à son positionnement et à son héritage. »

La recette du succès pour une créativité super efficace

Quels sont donc les ingrédients d’une publicité réussie axée sur le développement durable ? « L’un des problèmes de notre secteur est que l’on ne tombe pas d’accord sur la façon de définir la créativité. Mon collègue Adam Sheridan a réalisé une excellente analyse à ce sujet dans son livre « MISFITS ». En plus de commenter les différentes interprétations possibles, il s’efforce de formuler une réponse en consultant le public. Son verdict : il faut créer une expérience agréable qui génère de la valeur. »

Pour offrir aux marketers des repères concrets et pratiques, l’analyse a englobé des milliers d’évaluations d’annonces. « Nous avons constaté que les publicités se répartissaient en trois groupes, avec des expériences et des idées créatives, mais aussi un troisième pilier intéressant autour de l’empathie et du sentiment d’appartenance. Si l’on parvient à associer ces derniers éléments à la créativité, les messages créatifs deviennent super efficaces. Il en va de même pour les publicités axées sur le développement durable : mélangez ce qui est nouveau et ce qui est familier, et le tour est joué. »

La publicité, un puissant levier social

De nombreuses entreprises veulent faire leurs premiers pas dans le monde de la publicité durable. Samira Brophy leur donne quelques tuyaux pour bien s’y prendre : « Assurez-vous que les fondamentaux du développement durable sont bien établis au sein de l’entreprise, puis réfléchissez à la communication sur ces questions. Élaborez ensuite un message à la fois distinctif et pertinent. » En agissant de la sorte, la publicité et le développement durable peuvent parfaitement aller de pair. « La publicité est un puissant levier social. Si nous voulons que le développement durable devienne aspirationnel, il faut bannir la mauvaise publicité. » 

A propos de cet article :

Publication: 15 mars 2024

Editeur: Wout Ectors - Spyke