Marques et santé mentale : au-delà des bonnes intentions

Cet article s'inscrit dans le cadre du projet « Road to 2030 », avec lequel BAM vise à aider les marketers belges à adapter leur approche marketing aux évolutions qui caractérisent notre profession et notre société, tout en gardant à l'esprit que 2030, c'est demain.

 

Ivan Clycq

La santé mentale glisse de plus en plus du champ des RH vers celui du marketing. Mais dans une société sous pression, les consommateurs ne se contentent plus de belles paroles. Ils attendent des marques qu’elles contribuent structurellement à leur bien-être. Ivan Clycq, consultant en bien-être et expert en produits pharmaceutiques, voit en 2030 une année charnière.

Pendant longtemps, la santé mentale était un problème dont se préoccupaient uniquement les équipes RH et les organismes de santé. Les marketers ne participaient au débat. Or, la société considère de plus en plus que les marques doivent prendre leurs responsabilités pour améliorer le bien-être. Et cette tendance ne fera que s’accentuer d’ici 2030. « Nous vivons à une époque de pression structurelle », analyse Ivan Clycq, qui a cofondé le cabinet de conseil C-TARGET avec la pharmacienne Carolien Cobbaert et est membre du conseil d’administration de CIBH, la fédération des entreprises pharmaceutiques. « Le stress climatique, la digitalisation, l’incertitude économique, les menaces géopolitiques… La capacité mentale des gens est mise à rude épreuve et cela se répercute partout. Plus aucune marque ne peut faire abstraction de cette réalité. »

Marketing du bien-être

Actif dans le secteur de la pharmacie et de la santé depuis de nombreuses années, Ivan Clycq aide aujourd’hui les entreprises à prévenir les burn-out, à accroître la cohésion des équipes et à changer positivement les comportements. Sa mission : intégrer le bien-être dans la culture des entreprises et dans la stratégie des marques. « De nos jours, les marketers peuvent choisir de miser ou non sur la santé mentale. D’ici 2030, ce thème s’imposera comme une évidence, à l’instar de la durabilité aujourd’hui. » Pour Clycq, le bien-être est en passe de devenir un domaine stratégique. « Il influe sur l’image de marque de l’employeur, la confiance des clients, le positionnement social… Bref, il se retrouve au cœur de le marque. D’où la nécessité pour le marketing de s’emparer de cette thématique. Pas par le biais de campagnes isolées, mais dans le cadre d’une vision à long terme. » Selon lui, c’est précisément ainsi que les marques pourront sortir du lot. « Les marques qui s’engagent authentiquement dans cette voie feront la différence dans le monde de 2030, tant sur le plan sociétal que commercial. »

Le bien-être perçu comme une faiblesse

Cette vision à long terme n’est pas un choix facultatif, mais une réponse nécessaire à ce qu’Ivan Clycq décrit comme « une société sous haute tension ». Le contexte dans lequel les marques opèrent est en train de changer fondamentalement. 

L’impact est déjà visible au travail, à l’école et au foyer, et ne fera que se renforcer dans les années à venir. Selon Ivan Clycq, cette pression favorise un dialogue transparent sur la santé mentale, en particulier chez les jeunes générations. « Ils en parlent beaucoup plus ouvertement que dans le passé. Le sujet cesse d’être un tabou. » Mais ces progrès ne se font pas sans heurts. « On assiste également à un retour de bâton. Dans certains milieux, l’attention portée au bien-être est considérée comme une faiblesse. Nous devons donc poursuivre le combat. »

Du désir d’évasion à l’implication mentale

Alors que les marques se profilaient auparavant autour de l’insouciance, du ressenti et de l’évasion, la société les incite de plus en plus à jouer un rôle d’allié dans les défis sociaux. Parmi ceux-ci, on trouve le bien-être, et la santé mentale en particulier. « Une marque ne doit pas nécessairement sauver la planète, » nuance Ivan Clycq, « mais elle doit afficher clairement ses valeurs. Le silence est interprété comme un désintérêt. » Selon lui, la barre est aujourd’hui placée plus haut qu’une simple campagne bien intentionnée ou une « semaine du bien-être » ponctuelle. « Ceux qui souhaitent sincèrement intégrer le bien-être doivent l’ancrer dans l’ADN de la marque. Cette thématique doit transparaître dans le langage, le comportement, la culture et les objectifs à long terme. » 

Éviter le purpose washing

Cette vision se reflète de plus en plus dans des initiatives tant nationales qu’internationales. Ainsi, la marque de cosmétiques Maybelline a fondé le programme « Brave Together » en 2020. Ce qui a commencé comme une campagne de sensibilisation sur la dépression et l’angoisse s’est transformé en un partenariat structurel avec les organisations concernées. D’autres exemples comme Athleta – une ligne de vêtements de sport américaine qui met l’accent sur l’autonomisation, la diversité et la force mentale et physique – sont moins connus en Belgique, mais montrent comment le bien-être en tant que valeur est littéralement intégré dans les collections et les campagnes. La marque se positionne non seulement comme une marque de sport, mais aussi comme une communauté qui renforce la résilience des femmes. 

 

Ces exemples ont en commun une action entreprise par conviction et non par formalisme. « Quiconque n’approche le bien-être qu’en termes de responsabilité sociétale court le risque de faire du purpose washing. Il incombe aux marketers d’éviter cet écueil en veillant à la cohérence entre les choix opérés et l’identité de la marque. »

Communication délicate

Le marketing qui favorise le bien-être mental doit tabler sur la cohérence, l’empathie et la confiance, tout en faisant montre d’une certaine prudence. Car les marques qui communiquent sur le bien-être et la santé mentale abordent un domaine sensible, qui demande du tact, un sens de la nuance et un souci de crédibilité. C’est précisément la raison pour laquelle il est utile de jeter un coup d’œil sur le secteur de la santé et de l’industrie pharmaceutique. « Le monde pharmaceutique communique sur la santé depuis des années, mais en respectant des règles strictes », note Ivan Clycq. « Ce cadre clair oblige les entreprises à communiquer avec plus de soin, mais aussi plus d’authenticité. »

Un tel contexte fait du secteur une cas d’école intéressant pour les marketers actifs dans d’autres domaines. Cela dit, un partenariat avec des associations de patients ou avec des réseaux de médecins peut également contribuer à une communication inspirante. Ivan Clycq cite la collaboration entre l’industrie pharmaceutique et le Patient Expert Centre, qui rassemble un certain nombre d’associations de patients belges désireuses de mieux faire entendre la voix du patient dans la pratique médicale et les politiques de santé. « Lorsque les entreprises pharmaceutiques, les professionnels de la santé et les patients réfléchissent ensemble au bien-être, on obtient des campagnes vraiment authentiques. » Selon Ivan Clycq, l’avenir du marketing du bien-être réside précisément dans cette forme de collaboration. « Trop de campagnes s’en tiennent aux bonnes intentions. Ce dont nous avons besoin, c’est d’initiatives qui changent les comportements, qui enthousiasment les gens et qui leur redonnent de l’espoir. » Pour ce faire, il faut mettre en œuvre des indicateurs de performance différents, précise-t-il, mais surtout changer de mentalité. 

Éthique du marketing

En d’autres termes, ceux qui veulent placer le bien-être au centre de la communication de la marque doivent oser regarder au-delà des clics, des conversions et des personas. L’avenir exige une éthique du marketing qui voit l’humain derrière le comportement. Non pas en tant que groupe cible, mais comme individu confronté à des pressions, des préoccupations et faisant preuve de résilience. Cela ne doit pas nécessairement être ambitieux ou complexe. De petites interventions peuvent aussi faire la différence, comme la plateforme de vacances britannique Snaptrip, qui a tout bonnement interdit les courriels du soir pour réduire la charge de travail. Ou encore la marque de chaussures Zappos, qui a installé une salle de musique au bureau pour déstresser de manière créative. « Ce sont des exemples de marques qui ne communiquent pas le bien-être, mais qui le facilitent », note Ivan Clycq en conclusion.

Pour les marketers, c’est là que réside le véritable défi : utiliser le bien-être non pas comme un thème, mais comme une pierre de touche. Les marques qui y parviendront resteront pertinentes dans un monde où la résilience mentale n’est plus un luxe, mais une nécessité.

 

A propos d'Ivan Clycq 

Avec plus de 24 ans d'expérience dans la vente, le marketing, le management, le coaching et la communication dans le secteur pharmaceutique, j'ai occupé différents postes qui m'ont conduit à la fonction de directeur commercial et marketing pour la région BELUX. Cette carrière a façonné ma passion pour la prise de décision stratégique et la valorisation du capital humain.

Aujourd'hui, je consacre mon expertise à guider les organisations et les individus dans un monde compétitif, en mettant l'accent sur la motivation, la résilience et le travail d'équipe. Connue pour mon approche énergique et orientée vers les solutions, je tire satisfaction du travail en réseau, des présentations et des formations, et de l'apprentissage continu dans cet environnement VUCA en constante évolution.