Disparition des cookies tiers : quelles sont les meilleures alternatives ?

Malgré le revirement de Google, l’ère des cookies tiers est bel et bien révolue. En effet, plus question pour les consommateurs de continuer à livrer en pâture leur vie privée ! Il ne reste donc plus aux annonceurs qu’à s’adapter au plus vite. Heureusement, ce ne sont pas les alternatives qui manquent.

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Data clean rooms, identifiants cookieless, zero-party data, Privacy Sandbox… La disparition des cookies tiers entraîne une avalanche de solutions de rechange. Les spécialistes Pieter Jadoul (AdSomeNoise) et Niels Waem (Deloitte Digital) aident les annonceurs belges à s’orienter dans cette jungle.

Qu’entend-on par cookie tiers ?

Les cookies tiers sont des fichiers de suivi que des parties externes – plateformes publicitaires, régies et sociétés d’analyse de données – placent sur les sites web pour observer le comportement des internautes sur divers sites. Ces cookies permettent aux annonceurs et marketers de collecter des données sur les centres d’intérêt, de personnaliser les publicités et de mesurer les résultats des campagnes.

Où en est-on dans la suppression progressive des cookies tiers ?

De nombreux navigateurs web – comme Firefox, Microsoft Edge et Safari – ont déjà décidé depuis un certain temps de bloquer les cookies tiers. Le leader du marché, Google Chrome, a longtemps hésité à suivre le mouvement, avant d’opter finalement pour une élimination progressive qui devait aboutir à une interdiction définitive d’ici à la fin de l’année 2024. « Devait », car l’été dernier, on a appris que Chrome n’abandonnerait pas complètement les cookies tiers. 

Un changement de cap surprenant qui, selon Niels Waem, Senior Digital Mrketing Consultant chez Deloitte Digital, s’explique par l’impact majeur de cet abandon progressif sur l’entreprise elle-même. « Le principal produit de Google est la publicité, et il a besoin pour ce faire des cookies tiers. C’est pourquoi il se concentre désormais sur la confidentialité des navigateurs. » 

Dans l’intervalle, nombreux sont ceux qui ont cherché activement des alternatives. Une mesure pour rien ? « Pas du tout, car les gens sont beaucoup plus vigilants aujourd’hui à l’égard des cookies. Leur taux d’acceptation est très faible », poursuit Niels Waem. Même son de cloche chez Pieter Jadoul, Media Director d’AdSomeNoise : « Les consommateurs ne permettent plus à n’importe qui de collecter leurs données. Emerce vient de révéler que quatre Néerlandais sur dix disent déjà "non" aux cookies. Même sur les sites web où il est difficile de les refuser, 27 % s’efforcent activement de les bloquer. » 

Pieter conseille donc aux annonceurs de ne pas considérer ces évolutions uniquement sous l’angle technologique. « C’est avant tout la réalité des consommateurs qui évolue. » Les deux experts estiment qu’il ne s’agit pas seulement de défis à relever, mais aussi et surtout de chances à saisir. 

Quelles sont les alternatives aux cookies tiers ? 

Bref, il est préférable de miser au plus vite sur les alternatives les plus appropriées aux cookies tiers. Mais quelles sont-elles au juste ? « Il y a de nombreuses façons de faire de la publicité pertinente, et il n’existe pas de solution universelle », indique Pieter. « La meilleure approche varie d’un annonceur à l’autre et d’une cible à l’autre. » 

Niels insiste quant à lui sur l’importance de bien fixer les objectifs au préalable. Et de distinguer deux grandes catégories : « Les cookies tiers avaient une double finalité. On les utilisait dans un premier temps pour optimiser les campagnes et, par la suite, pour analyser les résultats. Pour ces deux phases, il existe aujourd’hui de bonnes alternatives. » 

UTILISER LES DONNÉES POUR LES CAMPAGNES

LA COLLECTE DE DONNÉES

Pour les annonceurs, il est plus que jamais nécessaire de développer de solides systèmes de CRM ou plateformes de données clients. « Elles peuvent contenir aussi bien des first-party data que des zero-party data », explique Niels. « Elles permettent d’agréger tous les points de données de manière structurée et d’effectuer ensuite une segmentation pertinente. »

First-party data

Les first-party data sont des données sur les consommateurs qu’une marque ou un éditeur collecte directement via ses propres canaux de communication. On peut recourir pour ce faire à l’inscription à une newsletter ou aux interactions avec le site web stockées dans les first-party cookies ; toutes ces données doivent idéalement être intégrées dans une plateforme de données client sur mesure.

Comme Niels, Pieter considère que les first-party data constituent aujourd’hui un outil essentiel, mais il émet toutefois quelques réserves : « La collecte de données est une première étape intéressante, mais encore faut-il savoir exploiter ces données pour orchestrer des campagnes. » Un processus logique mais ardu, bien que les data clean rooms – dont il sera question plus loin – puissent faciliter les choses. « Par ailleurs, cela peut prendre du temps pour atteindre une échelle suffisante afin d’utiliser efficacement ces données, en particulier dans un petit pays comme la Belgique. » 

Zero-party data

Les données « zero-party » sont celles que les consommateurs partagent de plein gré avec une marque ou un éditeur. Par exemple, les clients qui participent à des concours ou à des enquêtes peuvent consentir à partager leurs données en échange de recommandations personnalisées. Ces données s’avèrent un complément très utile aux first-party data, parce qu’elles cernent très précisément les centres d’intérêt d’une personne.  

L’ANONYMISATION ET LE TRAITEMENT DES DONNÉES

Data clean rooms

Une data clean room est un environnement sécurisé dans lequel plusieurs parties (comme les annonceurs et les éditeurs) peuvent regrouper et analyser leurs données sans partager entre elles des données d’utilisateur identifiables. En d’autres termes, il s’agit d’un outil d’anonymisation des données qui permet d’envoyer les bonnes publicités aux bonnes cibles au bon moment.

« Les data clean rooms viennent combler le fossé entre les first-party data et les données de tiers, et ce, sans porter atteinte à la vie privée », explique Pieter. La publicité devient donc un peu plus complexe, mais ce n’est pas forcément un problème. « Avant, les marques faisaient un peu n’importe quoi ; aujourd’hui elles réfléchissent soigneusement à chaque étape et alignent l’ensemble de leur organisation sur ce processus. Les résultats s’en trouvent souvent améliorés. »  

Identifiants cookieless

Mettre en commun des données anonymisées pour créer l’échelle nécessaire, c’est également ce que font les « identifiants ». Ils existent en de nombreuses variantes, mais l’essentiel dans chaque cas est que des informations sur le comportement d’un internaute puissent être échangées de manière cryptée (par l’intermédiaire d’un tiers neutre). En même temps, ces identifiants permettent un ciblage one-to-one anonymisé.

Cet outil n’est toutefois pas une panacée, comme l’explique Pieter : « Les éditeurs devront encore intensifier la coopération afin d’obtenir des volumes suffisamment importants et intéressants pour les annonceurs. » 

La Privacy Sandbox de Google ?

Sous le vaste parapluie des identifiants cookieless, on peut également inclure le ciblage par cohortes, qui consiste à regrouper les utilisateurs en segments anonymisés (les « cohortes »). L’exemple le plus connu est sans doute le « Privacy Sandbox » de Google, mais vu son revirement en matière de cookies tiers, le géant de la technologie est en train d’enterrer discrètement ce projet.

« En termes de plateformes, on est en train de faire un pas en arrière », déplore Pieter. « Alors que les grandes plateformes ont longtemps facilité l’échange mutuel de données, nous revenons aujourd’hui aux walled gardens. Les annonceurs devront donc à nouveau opérer des choix : peuvent-ils encore publier leurs données sur Facebook et TikTok, ou les valeurs et les normes de ces plateformes ne correspondent-elles plus aux attentes de nos consommateurs ?

S’Y PRENDRE AUTREMENT ?

Publicité contextuelle

Les alternatives citées restent fortement orientées vers la collecte de données pour analyser les centres d’intérêt. Pourtant, on peut aussi se passer de données, comme Pieter l’explique : « Une gageure pour notre temps consiste à vérifier si les données ont une valeur ajoutée et s’il n’y a pas moyen de s’y prendre autrement. » En faisant du ciblage contextuel, par exemple. Les internautes se voient présenter des publicités pertinentes – et donc efficaces – basées sur le contenu et le contexte, comme l’annonce d’une compagnie aérienne à côté d’un article sur des destinations de voyage ou l’offre d’un supermarché en regard d’une recette.  

MESURER LES CAMPAGNES

Dans la mesure des campagnes marketing, les first-party data jouent logiquement un rôle crucial. Mais de même qu’il ne suffit pas de collecter quelques données pour mener des campagnes pertinentes, il faut aussi savoir distiller des insights utiles. 

L’AGRÉGATION DE DONNÉES

Marketing Mix Modelling

À en croire Niels, la recette magique aurait pour nom MMM : Marketing Mix Modelling. « Ce n’est pas nouveau, mais selon moi, c’est là-dessus qu’il faudra miser à l’avenir. En effet, cette méthodologie permet non seulement d’agréger des données directement à partir de différentes sources, mais inclut en outre des techniques d’analyse. » Tous les grands acteurs technologiques ne jurent plus que par elle aujourd’hui. 

« Un tel modèle apporte une réponse fondée à la question majeure que se pose tout CMO : comment obtenir de meilleurs résultats avec un budget plus restreint ? De plus, les insights découlant du MMM sont encore plus précieux que ce que les marques peuvent apprendre des cookies. » Sans compte que, grâce à l’IA, les fonctionnalités ne cessent de s’étendre. « En particulier les analyses prédictives s’avèrent toujours plus pertinentes. »  

Server-Side Tracking

Une autre solution, étroitement liée aux identifiants évoqués plus haut, est le « server-side tracking » ou suivi côté serveur. Il s’agit de collecter les données de l’utilisateur non pas dans le navigateur (côté client) mais sur le serveur du site web. Ces données peuvent ensuite être transmises de manière anonyme à des plateformes d’analyse.

S’Y PRENDRE AUTREMENT ?

Études de marché classiques

Selon Pieter, le Marketing Mix Modelling présente toutefois un bémol. « C’est un excellent moyen d’analyser des données à grande échelle, mais ces modèles restent basés sur certaines décisions et débouchent en quelque sorte sur une réalité fictive. » Il préconise donc de combiner cela avec… des études de marché. « L’importance excessive donnée à la data au cours des dernières décennies nous a fait perdre de vue cette technique de marketing classique. Pourtant, une discussion approfondie avec la cible reste un moyen efficace pour comprendre ses motivations. »

En route vers 2030 : que nous réserve l’avenir ? 

Si, en termes d’évolution technologique, beaucoup de choses peuvent changer en cinq ans, nous avons quand même demandé à nos experts de s’aventurer à faire des pronostics pour 2030. « Le cap est clair », indique Pieter concernant les prochaines années. « Je m’attends à une période passionnante d’essais et d’erreurs, au cours de laquelle nous testerons de nombreuses choses et où nous apprendrons beaucoup, à la fois sur la technologie et sur les consommateurs. C’est là que réside la grande opportunité : les gagnants d’ici cinq ans seront les marques qui auront su écouter à nouveau leurs clients. » 

Niels estime pour sa part que l’évolution vers le MMM va se poursuivre. « Nous nous orientons vers une solution intégrée, avec des first-party data et des API avancées qui permettront à nos sites web de passer à la vitesse supérieure en termes de mesurabilité. Pour ce qui est de l’analyse et de l’enrichissement des données, l’IA continuera à monter en puissance. Qui sait, à terme, nous n’aurons peut-être même plus besoin de first-party data et tout fonctionnera grâce à l’IA… »

En attendant, il peut être judicieux pour l’annonceur, dans ces temps géopolitiques troubles, de remettre en question sa boîte à outils, conclut Pieter : « Il existe de nombreuses applications européennes et même belges qui produisent des résultats au moins aussi bons que les grandes solutions américaines. Ce serait intéressant de les prendre en compte, surtout avec la disparition des cookies tiers et vu la vigilance accrue des consommateurs en matière de respect de la vie privée. La confiance est essentielle et un écosystème local solide peut y contribuer. » 

Le 6 mai, les cookies tiers et leurs alternatives seront le thème central de l’IAB Belgium Afterwork.

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A propos de cet article :

Publication: 26 mars 2025

Editeur: Wout Ectors - Spyke