Interview Dominique Vercraeye: “Les études de marché, aussi, évoluent : « Il y aura toujours un monde de données, d’analytics et de consultances »

Dominique Vercraeye nous parle du passé, du présent et de l’avenir des études de marché

 

Que le monde ne s’arrête pas, nous le savons tous. Mais qu’en est-il du secteur des études de marché ? Nous avons discuté avec Dominique Vercraeye, CEO du bureau d’études de marché Kantar TNS, quant à l’évolution des études de marché, des nouveaux défis que devront relever les spécialistes du genre et des nouveaux business modèles que cela sous-tend.

 

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D’autres techniques, la même cible

« J’ai intégré le monde des études de marché en même temps que l’arrivée des premiers ordinateurs » explique Dominique. « Auparavant, il s’agissait essentiellement de faire des additions. Aujourd’hui, toutes les études – en particulier quantitatives – évoluent vers le numérique. Mais ce que nos clients nous demandent reste la même chose : essayer de comprendre des êtres humains complexes dans différentes interactions et différents contextes. »

« Jusque dans les années ’90, notre tâche consistait à collecter activement des informations auprès des personnes, à travers des entretiens approfondis, des observations et la collecte de données plus factuelles. Organiser une telle enquête était une tâche énorme. Nous travaillions alors avec un stylo et du papier, devions encoder les résultats et même si le traitement se faisait à l’aide d’ordinateurs, celui-ci prenait des heures. Il y a 30 ans apparaissaient les premières techniques inclusives. Pensez aux audimètres qui mesuraient le public devant certaines émissions de télévision. »

« Désormais, les choses sont plus dynamiques. Ce n’est plus un processus de détermination, de recherche, de prises de décision et d’implémentation, mais plus une manière de faire, de recevoir et de changer. Les entreprises doivent prendre leurs décisions beaucoup plus vite. C’est là que nous avons des opportunités à prendre : comment pouvons-nous, avec notre connaissance, avoir un réel impact sur les sociétés ? Nous devons définir et mettre en œuvre des actions. C’est le rôle vers lequel doivent évoluer les études de marché. »

 

De l’étude de marché à la curation de données

« À partir des années ’90, nous avons été confrontés pour la première fois à la séparation entre data gathering et les analyses et interprétations de ces données. La collecte de données est sujette à des évolutions techniques et des investissements, et notre crainte était que les entreprises finissent par faire les choses elles-mêmes. Mais nous avons toujours voulu offrir plus qu’un simple travail de production. Cela a toujours été une combinaison de données, d’analytics et de consultance. »

« Le rôle de l’étendue de marché tend de plus en plus vers la curation de données. Nous recevons de plus en plus de données passives : nous savons ce que les gens font à quel moment, ce qu’ils font et disent sur le web. Ces données peuvent être utiles, simplement parce que nous n’avons plus à poser des questions inutiles aux clients. Mais nous devons aussi combiner ces données aux données émanant d’enquêtes. Comment les gens ont-ils vécu cette expérience, dans ce contexte et quelle était leur motivation ? Selon les recherches scientifiques, nous ne faisons pas nos choix sur base d’expériences réelles, mais bien sur celle du souvenir que nous avons de l’expérience. Été c’est tout autre chose. »

 

De nouveaux business modèles 

« Le responsable d’une étude de marché passe de l’expert techniquement qualifié au partenaire commercial capable de penser à la fois de manière analytique et créative. Il s’agit de quelqu’un qui peut vraiment avoir un impact sur une organisation. L’objectif n’est plus tant d’être un expert, mais bien d’avoir une influence sur la société pour laquelle on travaille. »

« Raison pour laquelle nous travaillons de moins en moins sur base d’un projet, mais plus sur base d’un partenariat. Le responsable d’étude de marché de l’avenir se trouve au cœur de l’entreprise. Je pense aussi que le modèle binaire d’externalisation et de sous-traitances est terminé. Les grands conglomérats sont divisés en unités plus petites, flexibles, qui travaillent ensemble d’une manière ou d’une autre. »

 

Ce que nous réserve l’avenir 

« Je pense que, d’ici dix ans, nous aurons quitté le modèle classique de définition d‘une étude de marché. Mais nous aurons besoin plus que jamais du rôle de responsable d’étude de marché. Je reste convaincu que la question de savoir pour quelle raison nous sommes là est primordiale. Nous devons continuer à tenter de comprendre l’humain dans toute sa complexité afin de conseiller les sociétés sur base de nos idées. »

L’insights engine d’Unilever

Unilever a placé son département d’études de marché à proximité des décideurs de l’entreprise. Logique puisque l’entreprise prétend être celle la plus orientée vers le client ultime. Raison pour laquelle les décisions doivent être customer centric.

Pour atteindre cet objectif, Unilever a mis en place un insights engine : il permet d’une part la fusion des données des consommateurs et, d’autre part, la possibilité de convertir ces données en informations et d’y associer des stratégies marketing.

C’est le parfait exemple du rôle de conseil que les entreprises menant des études de marché peuvent jouer aujourd’hui au sein des sociétés. Les caractéristiques d’un insights engine qui fonctionne bien peuvent être, grosso modo, divisées en caractéristiques opérationnelles, comme la planification, l’indépendance et les expériences, et en caractéristiques humaines telles que la perspicacité commerciale et la pensée créative.