Interview Rolf Verlinden: “Refaire des études de marché un métier”

Ces dernières années, tout le monde semblait vouloir se charger d’études de marché. Les étudiants envahirent les médias sociaux avec leurs enquêtes en ligne et les marketeurs utilisèrent de plus en plus les outils DIY pour effectuer eux-mêmes leurs études de marché. Mais n’y a-t-il pas des étapes essentielles à respecter pour pouvoir réellement parler de la plus-value d’une étude de marché ?

 

Marketing & research

 

 

Rolf Verlinden, coach en Marketing & Innovation, possède 35 ans d’expérience et une sérieuse réputation en matière d’études de marché. En 2015, après avoir revendu sa participation dans Haystack, une agence d’études et de consultance renommée, il a continué à suivre le petit monde des études de marché.

 

Des enquêtes qualitatives et quantitatives en ligne, cela fonctionne ?

 « Nous essayons toujours de comprendre avec ardeur les comportements du consommateur » lance Rolf. « Derrière chaque étude se trament des tendances et des prédictions. Et cela n’a fait que croître avec le phénomène en ligne. »

« La plupart des études quantitatives menées aujourd’hui en ligne sont sans valeur. Leur seul avantage ? Elles sont bon marché et accessibles. Vous êtes submergé par beaucoup plus de chiffres et d’opinions, mais personne ne sait si les échantillons sont représentatifs. Sur cela, vous n’obtenez jamais de réponse. La bonne question, la bonne interprétation et le bon échantillon sont des paramètres essentiels. En 1980, quand j’ai commencé, on se basait fortement sur ceux-ci. Aujourd’hui, on n’en parle même plus. »

 

Une feuille de route et de bonnes questions sont des éléments cruciaux

« Poser les bonnes questions revient à passer à la loupe vos objectifs marketing et business et de traduire ceux-ci en ce que nous voulons savoir du consommateur. En outre, nous devons tenter de savoir si le consommateur dit la vérité. Là encore, la personne qui mène l’étude est responsable. Raison pour laquelle, dans une étude qualitative, on utilise souvent des questions projectives. La numérisation nous rend la démarche plus simple lors d’études quantitatives. »

La mise en place d’une bonne étude de marché ne revient pas à créer rapidement une liste de questions et d’envoyer celle-ci à vos contacts. Un processus défini est sous-jacent et c’est trop souvent une étape oubliée. C’est du moins l’avis de Rolf. « En première instance, lors du briefing, vous devez penser aux objectifs commerciaux de votre étude. Que voulez-vous réaliser ? Ensuite, vous cherchez les solutions possibles aux départements sales et marketing. C’est seulement là que vous pouvez formuler vos questions de recherche. Que souhaitez-vous savoir concernant vos clients ? Sur base de ces questions, vous pouvez compiler un questionnaire qui tient la route. »

 

Les études de marché doivent rester neutres  

Rolf est clair sur la raison pour laquelle vous devez opter pour un enquêteur neutre. « Les études de marché sont une affaire d’enquêteurs neutres et pas, par exemple, de marketeurs qui souhaitent tirer plus de budget pour leur département. Un enquêteur neutre et représentatif doit garder l’église au milieu du village entre sales et marketing. Les résultats doivent ensuite être projetés dans le cadre professionnel. C’est seulement après cette étape que les marketeurs peuvent se mettre au travail. »

Vous pouvez tout prouver avec des données ? C’est vrai. Mais les personnes faisant des études de marché de manière professionnelle et gérant les données dans le même esprit réduisent ce risque d’a priori. « Il arrive souvent qu’une étude soit lancée afin de défendre un point de vue particulier. En tant qu’enquêteur externe, vous devez pouvoir élargir le champ d’investigation. Vous avez besoin du contexte pour interpréter les résultats obtenus. Mais en maltraitant le contexte, il est toujours possible de prouver des choses, même de manière audacieuse afin d’en faire état au plus grand nombre. Ce ne devrait pas être l’intention première. »