« Pour les professionnels du digital, les frontières nationales n’existent pas »
Les « Belgian Digital Champions ». Qui sont-ils ? Que font-ils ? Et surtout... qu’est-ce qui les motive ? Nous avons posé ces questions à l’un des invités de l’événement The Rentree : Pieter Strouven, cofondateur de Selma.ai. Il vous explique en outre ce que vous, marketer ou start-up, pouvez attendre d’eux.
Co-Founders Pieter Strouven & Samuel Van den Bergh
Pieter, pourriez-vous tout d’abord nous expliquer brièvement ce qu’est Selma ?
Selma est un assistant virtuel destiné aux spécialistes du marketing digital, en vue de communiquer intelligemment avec leurs clients. Il s’agit d’un logiciel qui intègre et analyse les données des clients de la marque pour ensuite formuler des recommandations sur des tactiques always-on en marketing de rétention. On obtient ainsi un parcours client adapté à chaque individu : quels sont les contenus qui donnent les meilleurs résultats pour tel ou tel client ? Par le biais de quels canaux ? À quels moments ces clients sont-ils les plus réceptifs aux messages ?
Pour ce faire, nous utilisons uniquement les infos clients de l’entreprise concernée. Parce qu’il est difficile pour les entreprises d’intégrer et d’analyser leurs propres données, elles se concentrent de plus en plus sur la définition de cibles via les réseaux sociaux afin de toucher leurs clients là où ils passent leur temps. Pour ce faire, elles transmettent souvent des informations sur leurs clients à des tierces parties, sans recevoir grand-chose en retour. Ce sont surtout les opérateurs des plateformes qui glanent toutes sortes de données sur ces clients. Bref, les entreprises dévoilent l’intimité de leur clientèle, alors qu’il s’agit pour elles de leur principal atout.
Nous voulons les aider à reprendre le contrôle de leurs données, à développer leur expertise et à tirer vraiment profit de ces data. On peut donc définir Selma comme un data scientist virtuel.
Ne craignez-vous pas que les entreprises se rendent compte grâce à Selma de l’utilité de l’analyse de données et décident d’engager un data scientist ?
Pour l’instant, l’intelligence artificielle ne peut gérer que des tâches relativement simples. Le travail plus stratégique reste aux mains des spécialistes du marketing ou des données.
Nous ne voulons pas rendre les marketers superflus. En raison de l’importance sans cesse croissante du numérique, ils sont devenus ces dernières années plus techniciens que créatifs, alors que ce dernier rôle les avait motivés à embrasser cette profession. Selma leur permet de se concentrer sur leurs tâches de prédilection. De même, nous voulons soulager les data scientists des tâches de routine pour qu’ils puissent s’occuper de la recherche et des analyses sur mesure.
Vous vous concentrez sur l’e-mail marketing. N’est-ce pas insuffisant à notre ère de la communication intégrée ?
Non, le courrier électronique n’est qu’un canal parmi d’autres que Selma peut piloter. Compte tenu de sa grande disponibilité, c’est le premier canal auquel nous nous sommes associés, mais nous planchons aussi, dans le cadre d’un projet Vlaio, sur le recours à d’autres canaux one-to-one et aux réseaux sociaux. Nous ne pouvons pas encore vous en dire plus pour l’instant, mais plus d’infos suivront très prochainement.
La société Schoenenen Torfs est l’un de vos principaux clients (et même actionnaire). Quels services lui fournissez-vous ?
Après avoir résolu pour cette entreprise plusieurs questions liées aux données, nous l’aidons maintenant à envoyer des campagnes par e-mail en se basant sur les données de leurs clients. La fidélisation est un point très important pour Schoenen Torfs, et c’est pourquoi l’entreprise a décidé de ne plus envoyer de message unique à un vaste groupe de clients, mais de segmenter celui-ci.
En tant que start-up, vous n’échappez pas aux levées de fonds et aux business angels. Comment vous y prenez-vous pour grandir tout en conservant une autonomie suffisante ?
Après coup, on se rend compte que définir une approche ne sert pas à grand-chose. Quoi qu’en disent les consultants pour start-up, il n’existe pas de cadre de référence auquel se raccrocher. En effet, une levée de fonds s’accompagne d’un grand nombre de facteurs non maîtrisables.
Nous sommes partis d’un prêt concédé par une entreprise qui nous faisait confiance pour obtenir ensuite un financement de Vlaio (l’agence flamande pour l’innovation et l’entreprise, NDT). Ensuite, nous avons cherché des partenaires pour entrer dans le capital. Mais j’avoue honnêtement que ce sont les discussions avec Schoenen Torfs qui ont permis d’accélérer le mouvement. Souvent, le succès d’un projet dépend de la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment.
En quoi est-il important de choisir les bons actionnaires ?
C’est là un aspect capital qui requiert une grande prudence. En effet, il faut réunir autour de la table des gens qui ont une vision, qui sont disposés à prendre des risques et qui n’ont pas peur de se retrousser les manches. Ces trois conditions doivent absolument être réunies.
D’où mon inquiétude face à la pléthore de consultants. Ceux-ci donnent des conseils stratégiques, pour lesquels ils ne devront pas rendre des comptes, contrairement à ceux qui s’occupent du volet opérationnel.
Vous bénéficiez aussi d’une aide publique. Quelle est son importance et est-elle assez connue ?
Il ne fait aucun doute que Vlaio est connu dans le monde des start-up. C’est un soutien important, car il renforce votre crédibilité. Le fait que les pouvoirs publics donnent leur aval à un projet en le soutenant incite les autres acteurs à faire de même dans notre pays peu enclin à prendre des risques.
Opérez-vous uniquement en Belgique ou aussi à l’étranger ?
Nous prospectons actuellement à l’étranger. Si c’était à refaire, je passerais beaucoup plus rapidement à l’international, car il faut oser miser sur une expansion maximale dans un délai très court.
Quel conseil donneriez-vous aux entrepreneurs du numérique qui veulent tenter leur chance à l’étranger ?
Foncez ! Le digital ne connaît pas de frontières nationales. L’envoi d’un e-mail à l’étranger n’est pas plus cher, une téléconférence non plus...
Quelle erreur n’allez-vous certainement plus commettre à l’avenir ?
Nous avons plusieurs fois eu chaud en pariant sur un seul cheval. Notamment lors de l’engagement d’un collaborateur ou de la prospection, il nous est arrivé d’accorder une importance exagérée à un candidat ou à une opportunité bien déterminés. En cas de désistement de dernière minute, on perd un moment les pédales et il faut dépenser beaucoup d’énergie pour se remettre sur les rails.
Est-ce que la principale difficulté consiste à trouver les bons collaborateurs ?
Oui, il faut trouver des professionnels qui soient prêts à s’engager à long terme et qui s’intègrent bien dans la culture de l’entreprise. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, de nombreux jeunes diplômés optent encore pour la sécurité d’une grande entreprise et non pour une start-up. Au fond, c’est peut-être une bonne chose, car ces jeunes ont de bonnes connaissances théoriques, mais doivent encore tout apprendre sur le terrain. Cet apprentissage est le plus efficace au sein de structures solides offrant un bon encadrement. Dans une start-up, il faut savoir très rapidement opérer de façon autonome.
Cela dit, grâce à la mode des start-up, je suis convaincu que nous aurons une génération de jeunes professionnels ayant appris à penser comme des entrepreneurs. Les grosses sociétés ne peuvent que s’en réjouir...
Extra
À notre prochain événement The Rentree of Marketing, Pieter Strouven exposera en détail les avantages de l’assistant virtuel de marketing digital. Tout les infos et inscriptions sur https://therentree.be/