L’été de Guillaume Boutin (Proximus)

C’est peut-être l’homme qui a travaillé le plus dur en marketing cet été... Dans sa fonction de Chief Consumer Market Officer, Guillaume Boutin dirige le département consommateurs de Proximus. C’est lui qui a lancé le pitch sur lequel de nombreuses agences ont planché ces derniers temps. Nous avons eu la chance de nous entretenir longuement et en exclusivité avec lui.

 

guillaume_boutinGuillaume Boutin - Proximus

 

Comment s’est déroulé votre été ? A-t-il été entièrement accaparé par le pitch pour vos budgets communication et médias ? 

L’été est la saison où l’on recharge ses batteries en se déconnectant de ses e-mails, par exemple. Cette année, je n’ai malheureusement pu le faire que pendant un temps limité. La première phase de notre pitch s’est achevée fin juillet et la deuxième phase – avec les agences sélectionnées – a déjà débuté fin août. Elle bat donc son plein pour l’instant. Sans compter une foule d’autres projets qui ont sollicité mon attention au cours des derniers mois. Bref, l’été n’a pas été de tout repos…

Quel est l’état d’avancement du pitch ? Quand la décision va-t-elle tomber ? 

Parmi les 83 agences qui ont exprimé leur souhait de collaborer avec nous, dix ont été retenues pour la phase de création qui vient de commencer. Dans une troisième phase, les partenaires choisis auront la possibilité de former des écosystèmes et d’optimiser leurs modèles lors des étapes suivantes du pitch. 

Petit à petit, le pitch inclura aussi des discussions sur les budgets. Notre objectif est de faire connaître notre ou nos nouveaux partenaires fin novembre ou début décembre, de façon à pouvoir entamer la collaboration en janvier. 

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris jusqu’à présent ? 

J’ai été frappé de voir que les grosses agences, qui font partie d’un réseau mondial, en ont rapidement discuté avec leur réseau et m’on dit que cette façon de travailler arrivait aussi à point nommé pour elles. Elles affichent leur volonté de se réinventer, ce que j’apprécie tout particulièrement. Elles ne se raccrochent pas aux pratiques de toujours ni ne prétendent savoir comment il faut s’y prendre, mais veulent s’associer à notre réflexion. Je pense que c’est la bonne approche. 

Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ? 

Il est encore trop tôt pour tirer des enseignements, mais je remarque en tout cas les tensions qui existent entre les marketeurs et les agences. Les responsables marketing ne se concentrent plus sur les médias à utiliser, mais sur la cible à atteindre. L’important est de bien définir les profils que l’on veut toucher, ce qui est désormais possible grâce aux données. Reste à savoir si les agences sont disposées à suivre le mouvement. Elles doivent automatiser les créations et être en mesure de suivre la production de nombreux autres messages. 

Qui plus est, nous voulons combiner technologie et vision créative. Autrefois, les profils techniques et créatifs constituaient deux mondes entièrement distincts. Or, les agences que nous avons sélectionnées pour la phase 2 ont démontré leur réflexe à combiner technologie et création en disposant de collaborateurs versés dans l’un des deux domaines, mais aussi familiarisés avec le second. 

Quelle erreur ne voulez-vous pas répéter lors d’un prochain pitch ? 

J’espère que nous ne commettons pas d’erreurs et que nous prenons surtout cette décision au bon moment. Pas trop tôt. 

Une autre difficulté est le défi que nous lançons à nos équipes : elles doivent d’une part travailler au pitch et, d’autre part, continuer à assurer la qualité du travail en cours. Nous leur en sommes infiniment reconnaissants et essayons de ne pas les surcharger outre mesure. 

Quel est votre objectif en créant cet écosystème autour de Proximus ? 

Nous voulons disposer d’une plateforme faisant converger la création, les médias, le CRM et le numérique. Ces différentes disciplines forment souvent des silos hermétiquement fermés qui ne cadrent plus avec le comportement actuel des consommateurs.

Par ailleurs, nous voulons aussi développer nos propres canaux pour en faire une plateforme d’audience. Proximus touche chaque jour 1,8 million de ménages. La publicité personnalisable via Proximus TV ouvrira de nombreuses possibilités, qui plus est dans un environnement sans risque pour l’image des marques. Nous voulons donc nous convertir en plateforme publicitaire, pour nos propres marques, mais aussi pour d’autres. Cela ne veut pas dire que nous allons vendre nous-mêmes l’espace. Nous entendons collaborer avec les régies en leur fournissant les données nécessaires. 

Comment Proximus s’en sort-il sur le marché grand public ?

Nous avons eu un bon deuxième trimestre, où notre croissance s’est poursuivie. Notre pack Tuttimus se vend bien et notre offre Epic destinée aux Millennials a du succès. Mais notre marché est bien entendu très concurrentiel. Si un quatrième joueur mobile devait investir le marché (le ministre des Télécommunications Alexander De Croo a suggéré cette idée il y a quelques mois, NDLR), cela pourrait entraîner de nombreux bouleversements. L’expérience à l’étranger – j’en ai moi-même été témoin en France – montre que cela nuit notamment à la qualité des réseaux.

Comment envisagez-vous l’avenir ? Il semble difficile d’offrir encore plus que le « quadruple play »... 

Dans certains pays, les opérateurs télécoms offrent aussi des services bancaires ou d’assurance, mais cela ne me semble pas être une option pour nous. Nous voulons rester proches de notre cœur de métier. Sur le marché professionnel, nous pourrions envisager d’offrir des services marketing sur Internet. En ce qui concerne le grand public, nous réfléchissons, comme vous le savez, à un Netflix local. Proximus permet aux gens de se détendre, et nous pourrions encore faire plus dans ce domaine. 

Avez-vous eu quand même le temps de lire certains ouvrages marketing cet été ?

J’ai décidé de me déconnecter totalement du métier. Par contre, je peux vous recommander un bon roman : Body & Soul de Frank Conroy. C’est l’histoire d’un garçon qui, dans les années 1940, sort d’une mauvaise passe grâce à la musique. Le récit se déroule à New York, et comme j’ai vécu moi-même dans cette ville et que j’ai aussi fait des études de piano, mon opinion n’est peut-être pas tout à fait objective...

Vous n’avez pas non plus découvert de vidéos ou de blogs intéressants sur le marketing ? 

Pas directement, mais j’ai récemment vu une vidéo sur YouTube dans laquelle David Bowie parlait de nouvelles formes de story-telling. Tous les professionnels des télécoms devraient regarder cette vidéo !

J’ai aussi été enthousiasmé par le programme « Who is America? » de Sacha Baron Cohen, surtout à la lumière des évolutions actuelles de la politique mondiale. J’en ai retenu qu’il ne faut jamais lésiner sur l’éducation des enfants...

En ce qui concerne l’avenir proche, quels sont les événements que vous attendez avec impatience cet automne ?

Je serai très heureux de participer à The Shift, un événement organisé par In The Pocket. Pour le reste, je suis triste de n’avoir pas pu être présent à Trans-Mutation, une université d’été très intéressante dont le thème central était l’intelligence artificielle l’année dernière.