Marketing Book: « Pas de meaningful marketing sans le soutien du conseil d’administration »

Le meaningful marketing était le thème central du congrès de BAM. C’est aussi le titre du nouveau livre de Bart Lombaerts, Head of Content de Spyke et ancien rédacteur en chef de Media Marketing. Au cours de la présentation de son livre, il a donné sa vision sur le sujet et organisé un débat avec quelques éminents marketers. Ci-dessous l’avis du président de BAM Koen Van Impe (&Koo), de Birgit Heymans (jusqu’il y a peu chef de projet communication marketing chez Bio-Planet) et de Bert Denis (Chief Strategy Officer chez TBWA Group et Master Marketer).

 

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Lorsque la Belgian Association of Marketing a vu le jour à l’automne 2017, elle a d’emblée adopté une vision très claire du secteur. Dans cette vision, le meaningful marketing occupait une place de choix, et l’association a affiché ses ambitions de diffuser les idées liées à cette démarche tant auprès des jeunes marketers qu’auprès des dirigeants d’entreprises. Le président Koen Van Impe ouvre le débat autour de la question : comment rendre le meaningful marketing plus acceptable dans cette optique ?

Koen Van Impe : « Depuis notre création, nous avons donné des contours plus nets à la notion de meaningful marketing. BAM insiste sur l’importance pour les marques de définir un domaine où elles veulent prendre tout leur sens. Mais il faut aussi voir les choses de façon plus large et oser inscrire ce domaine dans l’écosystème plus vaste de l’entreprise et de notre société. Chez BAM, nous sommes convaincus que le meaningful marketing ne se limite pas à défendre un brand purpose. Ce dernier élément est très important, voire une condition sine qua non pour de nombreux secteurs, mais il ne coïncide pas avec le meaningful marketing. Même les entreprises qui n’ont pas d’objectif sociétal clair peuvent faire du marketing empli de sens. Et vice versa. »

Intéressant pour la société ou pour l’individu ?

Les paroles de Koen Van Impe lancent d’emblée le débat. Les participants sont tous d’accord pour dire que ce qui donne du sens à une marque n’est pas nécessairement le désir de résoudre un problème social déterminé. Bert Denis fait remarquer que les marques peuvent aussi avoir du sens sans chercher à réaliser un objectif purement social. On peut par exemple s’efforcer de satisfaire les consommateurs individuels.

Bert Denis : « Spotify est un exemple de marque qui a beaucoup sens pour moi parce qu’elle me permet d’écouter de la musique de manière totalement différente ou de découvrir des artistes que je ne connais pas. Il ne faut pas chercher de grande finalité là derrière, et pourtant ce service a tout son sens. Même chose pour Rapha, une marque de vêtements de cyclisme qui fabrique non seulement des produits formidables, mais s’est forgée en outre une communauté en se montrant particulièrement intéressante pour les hommes de plus de 40 ans qui n’ont pas peur d’enfourcher un vélo de course. On crée ainsi du sens à un autre niveau. La marque ne change pas le monde, mais bien le quotidien des consommateurs. Le niveau social constitue le pas suivant. Volvo est une marque qui parvient à combiner qualité des produits, communauté et finalité sociale. Elle s’est fixée pour objectif que, d’ici 2020, plus personne ne serait tué ou blessé gravement dans un nouveau véhicule Volvo. Je n’aime pas l’idée que le meaningful marketing doive toujours tourner autour de l’amélioration du monde. C’est parfois le cas, mais c’est loin de l’être toujours. De très nombreuses marques se cherchent anxieusement une finalité, alors que la question n’est peut-être pas pertinente pour elles. Autrement dit, il ne faut pas définir de façon trop étroite la notion de sens. »

Regarder l’histoire

Bert Denis : « Très souvent, on découvre la réponse à cette question en regardant l’histoire ou l’origine d’une marque. KBC, par exemple, est née de la fusion entre deux banques flamandes, l’une pour entrepreneurs et l’autre pour agriculteurs, dans le but de favoriser les contacts entre les gens fortunés et moins fortunés. Cela reste aujourd’hui la finalité de la banque. On trouve une situation semblable chez Telenet, dont l’idée de départ est l’émancipation. Une campagne comme « L’accélération digitale » y fait encore référence. Les temps ont changé, mais la marque a conservé son identité. Or, quand une marque doit vraiment faire un effort pour déterminer son purpose, c’est généralement le signe qu’elle n’en a pas. Dans ces cas, il ne sert à rien de forcer les choses, et l’on peut se contenter d’offrir une solution intéressante qui aide les gens au quotidien. »

Koen Van Impe : « Le sens de la marque est inscrit en partie dans son ADN, mais aussi dans la culture, la philosophie et la stratégie d’entreprise. Il ne se limite donc pas au département marketing. Les exemples cités par Bert sont des entreprises qui puisent leur sens dans l’authenticité inscrite dans leur ADN. BAM préconise de mettre le meaningful marketing stratégique en bonne place dans l’ordre du jour et d’en faire un sujet de discussion dans les conseils d’administration. Malheureusement, de nombreuses entreprises considèrent le marketing comme un simple coût et se plaignent de l’argent que l’on va dépenser pour la énième campagne. On ne peut s’adonner au meaningful marketing de façon stratégique que si celui-ci retient l’attention du plus haut niveau de l’entreprise. C’est une vision que l’on peut développer. Une marque qui réussit à avoir une signification tant pour les consommateurs que pour la société sortira forcément du lot. Elle pourra alors mettre sur pied un modèle de shared value plus durable. »

Birgit Heymans : « Chez Bio-Planet, nous partons des contenus pour développer et illustrer notre vision. Nous avons créé des guides parce que nous savons que nos consommateurs n’associent pas notre marque à de grandes campagnes. Nous avons investi le domaine de la consommation responsable et partagé nos connaissances et notre expertise en la matière avec nos clients. Alimentation saine, nourriture alternative, etc. Nous avons donné tout cela de façon inconditionnelle à nos clients dans un désir de faire sens pour eux. »

Vers les cadres dirigeants

Birgit Heymans : On ne peut réaliser ces ambitions qu’avec l’aval du plus haut niveau de l’entreprise. Il faut obtenir le feu vert du CEO pour définir ce que l’on veut faire pour son groupe cible et ce que l’on veut signifier en tant que marque. Sans cet appui, on peut toujours essayer de s’en sortir au sein du département marketing, mais si ça ne marche pas, on vous pointera du doigt. »

Koen Van Impe : « Je pense que nous avons une belle opportunité de renforcer la position de la stratégie marketing dans l’entreprise. Ces dernières années, les collaborateurs financiers détenaient un grand pouvoir et une force probante. Aujourd’hui, nous disposons en tant que marketers de nombreuses données et d’un vaste savoir-faire que nous considérons même comme la matière première de la prochaine révolution. Grâce à cela, nous sommes en mesure de prouver les performances non seulement du marketing d’hier, mais aussi de celui de demain. On peut prouver au conseil d’administration que ce que l’on fait est vraiment utile et efficace à long terme. »

Bert Denis : Quand on fait flotter le drapeau du meaningful marketing dans l’entreprise, il devient beaucoup plus aisé d’abandonner la réflexion à court terme pour se concentrer sur le long terme. Mon expérience est que les ventes finissent aussi par suivre le mouvement. »

Koen Van Impe : « C’est exact, mais nous devons aussi valoriser le rôle de la technologie dans ce triangle formé par le marketing, les ventes et la technologie. On peut l’utiliser pour de nouveau rapprocher le marketing et les ventes, mais il faut le faire en partant de l’ADN de la marque et en restant fidèle à soi-même. Aujourd’hui, de nombreux growth hackers opèrent sans toujours prendre cette authenticité comme point de départ. Pour mettre le meaningful marketing à l’ordre du jour, on peut tabler sur la technologie, à condition de toujours la voir en relation avec son authenticité. »

Birgit Heymans : « Le meaningful marketing peut aussi créer des passerelles entre les différentes générations. Les différences de vision entre un jeune marketeur et le CEO d’un certain âge peuvent être comblées en mettant l’accent sur l’essentiel. On tisse ainsi des liens entre les générations X, Y et Z. »

Koen Van Impe : « Dans un récent rapport de Trendwolves, on peut lire que la génération Z attache une grande importance au sens du travail. Cette génération veut exercer ses activités de façon consciente et comprendre pourquoi l’entreprise agit de telle ou telle manière. La nouvelle génération va donc entraîner un grand changement. Et les entreprises n’auront pas vraiment le choix, et auront tout intérêt à adopter le meaningful marketing. »

 

A propos du rubrique "Le livre de marketing"

Chez BAM, nous mettons tout en œuvre pour inspirer nos membres. À cet effet, nous attirons régulièrement leur attention sur des ouvrages de marketing intéressants en leur proposant des critiques de livres, des comptes rendus de présentations, des synthèses de tables rondes, etc. À la fin de l’année, nos membres peuvent élire le Marketing Book of The Year parmi notre sélection.