Marketing Congress: La quête éternelle du bonheur

Le bonheur. Voilà une aspiration omniprésente dans la publicité et le marketing. C’est pourquoi BAM a décidé de lui consacrer toute une matinée lors de son prochain congrès. Quel attrait l’idée de bonheur exerce-t-elle sur les marketers ? Et comment doivent-ils l’exploiter ? Karen Corrigan, patronne de l’agence... hum… Happiness, nous livre sa vision.

 

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Le fait que Karen et ses compagnons aient baptisé leur nouvelle agence « Happiness » il y a de cela treize ans maintenant n’est pas le fruit du hasard, nous confie-t-elle. « Tout d’abord, nous voulions nous démarquer de la tendance de l’époque à donner aux agences publicitaires des noms qui évoquaient des cabinets d’avocats : LG&F, DDB, JWT… C’était la mode en ce temps-là. En optant pour Happiness, nous montrions d’emblée notre ambition d’offrir une agence d’un nouveau genre. La deuxième raison, encore plus importante, était que nous voulions contrer une autre tendance, celle de la publicité négative et trash, qui voulait surtout choquer. À la place, nous voulions adopter une démarche positive sous tous les angles. Par exemple en évitant la question : que se passe-t-il si vous ne conduisez pas une Toyota hybride ? pour demander : que se passerait-il si vous conduisiez réellement une Toyota hybride ? »

Les fesses rouges de bébé

Cela dit, Happiness est loin d’avoir inventé le « positivisme » en publicité. Le recours à une émotion comme le « bonheur » n’a absolument rien de neuf en marketing. À partir de la deuxième révolution industrielle (1850), les entreprises utilisent la publicité essentiellement pour expliquer le fonctionnement de leurs produits. Les premières représentations publicitaires de clients-consommateurs apparaissent au tournant du siècle. Et tous ont une chose en commun : ils rayonnent de bonheur.

Après la Première Guerre mondiale, la façon de communiquer évolue. Les gens savent désormais comment fonctionne leur machine à écrire ou leur aspirateur, et le nouveau produit doit donc mettre l’accent sur un certain mode de vie et surtout sur le statut de l’utilisateur. Plus tard, cette tendance se confirme : l’authenticité, l’individualité et l’estime de soi deviennent les valeurs du bonheur, et le produit devient synonyme d’autoréalisation. À partir des années 1960, l’émotion et l’émotivité occupent une place centrale. Une mère qui achète de la pommade pour soigner les rougeurs fessières de son bébé le fait avant tout pour être une meilleure mère. Avec la photo emblématique qui l’accompagne : un bébé au sourire angélique...

Tous programmés pour le bonheur

« Si les annonceurs et publicitaires aiment faire vibrer la corde du bonheur, c’est pour une raison très simple, explique Karen. Ils savent que ça marche à tous les coups. Il ne peut en être autrement, car notre cerveau est pour ainsi dire programmé pour rechercher le bonheur. C’est un trait commun à tous les êtres humains. »

Cela dit, montrer quelques visages souriants sur une annonce ne suffit pas. « Le grand défi est de communiquer ce sentiment aux consommateurs, dit Karen. Il ne faut pas seulement montrer, mais aussi transmettre les émotions. Les gens oublient tout de suite ce qui a été dit, pour ne retenir qu’une impression générale. Quelques visages souriants ne suffisent donc pas. Quelle est l’histoire racontée par le produit ? Quelles valeurs véhicule-t-il ? La principale difficulté consiste à trouver le ton juste. Il ne faut pas non plus se braquer sur le bonheur au sens strict. On peut tout aussi bien tabler sur le contentement ou la satisfaction. »

Coca-Cola glacé

Mais l’esprit du temps évolue, lui aussi. En 2016, Coca-Cola décide de mettre fin à sa campagne « Open Happiness », lancée en 2009, pour adopter une nouvelle signature : « Taste the Feeling ». L’ancien slogan, qui s’attaquait dans les spots tant au harcèlement moral qu’aux relations conflictuelles entre Indiens et Pakistanais, était devenu trop moralisateur, aux dires du groupe. Par ailleurs, il ne mettait pas assez l’accent sur les petits moments de bonheur qui jalonnent l’existence, comme le plaisir que procure un Coca-Cola glacé par une chaude journée d’été. En même temps, le géant des sodas n’abandonne pas complètement l’idée de bonheur, puisque l’un des premiers spots de la nouvelle campagne montre un garçon taquiné par son frère aîné, qui vient toutefois à sa rescousse lorsqu’un groupe de jeunes vient l’enquiquiner. Au final, c’est l’amour fraternel qui l’emporte. Les annonces imprimées fourmillent également de jeunes gens rayonnants de bonheur, tenant tous à la main une bouteille de Coca-Cola.

La Servante écarlate

Nous ne pouvons pas nous empêcher de poser la question à Karen Corrigan : Est-ce qu’une campagne basée sur la tristesse, le pessimisme ou le malheur aurait aussi des chances de succès ? « Selon un certain courant philosophique, il n’existerait que sept ou huit grands sentiments, répond-elle. On constate la même chose à la télévision et au cinéma. La série Friends baigne dans le bonheur, Peaky Blinders remplit d’horreur et La Servante écarlate provoque l’indignation. Je pense en effet que l’on pourrait orchestrer une campagne à partir de tous ces sentiments, mais que ce serait prendre un sérieux risque pour l’annonceur. Car c’est le bonheur qui reste l’aspiration la plus universelle et ultime des gens. Si l’on se décide quand même à le faire, alors il faut veiller à être le plus authentique possible, sinon on se fera irrémédiablement taxer d’opportunisme, ce qui serait très, très contre-productif. »

 

Extra

Dans le subthème "Creating Happiness in the Middle of the Congress" sur notre Congrès de Marketing, les prochains orateurs sont prévus:

  • Ynzo van zanten, Chocolonely
  • Ellen Kegels, LN Knits
  • Christophe Fauconnier, Innate Motion Group

Le Congres Marketing de BAM aura lieu le jeudi 6 et vendredi 7 décembre à Brussels Expo. Check https://www.marketingcongress.be/ pour toutes les infos sur le programme, les orateurs et pour acheter votre ticket!