Piet Colruyt : rapprocher les entreprises et les ONG

Piet Colruyt : « Il faut repenser le modèle de collaboration entre ONG, entreprises privées et pouvoirs publics »

Des tonnes de plastique déversé dans les océans, le réchauffement climatique, le travail des enfants, les violences policières envers les minorités, la consommation mondiale de viande, le dioxyde d'azote que nous respirons quotidiennement à Bruxelles... Impossible de consulter son fil d’actualité ou d'ouvrir un journal sans être confronté à un problème de société.

 

 

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Astrid Leyssens, fondatrice de Do Good Companies et coprésidente de l’Expert Hub Marketing & Society, a voulu donner une tournure positive à ce constat peu réjouissant : elle estime que les marketers peuvent résoudre ces problèmes ou du moins apporter leur pierre à l’édifice en misant sur le « purpose driven marketing » et en accordant une place centrale à celui-ci dans les activités de leur département. L’Expert Hub a donné la parole à Piet Colruyt afin de transmettre encore plus efficacement ce message. L'actionnaire de la chaîne de supermarchés, qui se qualifie lui-même d’entrepreneur social et d’investisseur d'impact, a prêté son concours à la rédaction du livre « Allemaal sociaal 3.0. Kunnen ondernemers de wereld redden? » (Tous pour le social 3.0. Les entrepreneurs sauveront-ils la planète ?). Lors de son exposé, il a tout simplement remplacé le mot « entrepreneurs » par celui de « marketers » dans sa présentation PowerPoint.

Piet Colruyt a commencé à s'intéresser à l’entrepreneuriat social à la lecture du livre « How to change the world. Social entrepreneurs and the power of new ideas » de David Bornstein et à la découverte de l’association Asoka. « Ce livre m’a ouvert les yeux sur ce que je voulais faire dans la vie ; avant cela, je ne savais pas vraiment qui j’étais », affirme Colruyt.

« Selon diverses études[PS1] , il faudrait quelque 4.500 milliards d’euros pour résoudre les grands problèmes mondiaux, lance-t-il. Les pouvoirs publics y consacrent actuellement 1.500 milliards. Il faut donc encore trouver 3.000 milliards, et cette somme doit venir des entreprises et des entrepreneurs. » Les observations de Piet Colruyt sont étayées par les résultats de la dernière édition du Trust Barometer, une étude menée à grande échelle par le bureau de RP Edelman. Celle-ci révèle que les consommateurs ont pour la première fois davantage confiance dans les entreprises que dans les pouvoirs publics pour ce qui est de résoudre les problèmes de société. Par ailleurs, Piet Colruyt fait observer que le modèle basé sur une répartition des efforts entre entreprises, organismes non marchands (ONG) et pouvoirs publics n’est pas toujours efficace. Les entreprises privées (à droite) subissent des pressions sociales, tandis que les organismes à but non lucratif (à gauche) sont confrontés à des problèmes de financement. Le modèle va donc se transformer, estime Colruyt.

Le conférencier a ensuite cité plusieurs exemples d’acteurs évoluant de gauche à droite ou de droite à gauche. Il a notamment évoqué le cas d’Apopo, une association fondée par Bart Weetjens qui utilise des rats pour détecter des mines terrestres au Mozambique. Plus tard, on s’est aperçu que les rats disposaient aussi de l'odorat idéal pour dépister en dix secondes la maladie mortelle de la tuberculose chez une personne. Un formidable avantage par rapport aux tests médicaux qui prennent jusqu’à une semaine ! Ensuite, Apopo a essayé, malheureusement en vain, d’appliquer son modèle dans les ports pour détecter la cocaïne et d’autres substances illégales.

Un autre exemple cité par Colruyt est Streetwize, une agence-conseil qui offre des formations et workshops aux entreprises avec la collaboration d’enfants de la rue. Le management de Nike a ainsi participé à une journée de team building dans les égouts de Bucarest. Tous les bénéfices de Streetwize vont à Mobile School, une asbl qui aide les enfants qui vivent dans la rue partout au monde.

En Belgique, le promoteur immobilier Re-Vive, dans lequel Piet Colruyt a investi, œuvre à la transformation durable d’anciens sites industriels ou de chancres dans les villes, en construisant des habitations à ces endroits. De cette manière, on supprime les pressions exercées sur le espaces verts et non construits. Avec Re-Vive, Piet Colruyt a également cofondé Inclusio, un fonds d’investissement immobilier dont la mission est de contribuer à résoudre les problèmes de logement des groupes de population défavorisés.

Au sein du groupe Colruyt, le conférencier a également cité l’exemple du livre de cuisine « À table pour 1-2-3 euros » que la chaîne a publié avec la collaboration de l’asbl Netwerk tegen Armoede (réseau contre la pauvreté) et du CPAS de Courtrai.

« Les collaborations entre la gauche et la droite sont possibles et souhaitables quand on parvient à dépasser les préjugés des deux camps », conclut Piet Colruyt. Il veut dire par là qu'il n’est pas interdit à une entreprise de faire des bénéfices en développant des activités sociales. « L’entrepreneuriat social n’est rien d’autre qu'une autre façon d’entreprendre. Une entreprise qui veut contribuer au développement durable a tout intérêt à faire en sorte que son projet soit rentable pour inscrire celui-ci dans la durée. »
 

 

La présentation de Piet Colruyt est disponible ici