Pitch de Proximus : une primeur en Belgique qui devrait se convertir en tendance

Début juin, Proximus faisait éclater une petite bombe dans les agences belges en annonçant l’organisation d’un pitch. L’annonceur est plus précisément à la recherche d’un partenaire aussi bien pour la création que pour les médias et la performance. Nous avons demandé un mot d’explication à Proximus et recueilli quelques réactions.

 

 

 

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« Proximus va mener des entretiens exploratoires avec différentes agences de communication et médias innovantes en vue de réfléchir au rôle que celles-ci peuvent jouer dans la création et le développement d’un nouvel écosystème. L’objectif est de collaborer avec différents partenaires pour mettre sur pied un écosystème capable de combiner idéalement différentes solutions en vue de réaliser les ambitions de Proximus, tout en répondant aux nouvelles attentes de ses clients en matière de communication. Nous sommes à la recherche d’expertise dans les domaines du design créatif (interactif et digital), des médias traditionnels et numériques et des canaux de vente. » C’est ainsi que Proximus – l’un des Founding Architects de BAM – explique les enjeux du pitch qu’il entend organiser pour ses budgets tant créatifs que médias.

Conséquence de la transformation digitale

Il s’agit d’une approche inédite, du moins en Belgique. Alex Thoré, futur ex-Director CRM, Branding & Communication de l'opérateur qu'il quittera fin juin pour lancer sa propre agence, nous en dit un peu plus sur les mobiles de Proximus : « Les consommateurs se tournent de plus en plus vers les canaux numériques, et c’est pourquoi nous avons amorcé en 2015 notre transformation digitale. Nos efforts ont d’ailleurs été récompensés dernièrement par un Gold AMMA. Il va sans dire que cette évolution digitale ne s’arrête jamais ; au contraire, elle ne fait que s’accélérer. C’est à nous de relever ce défi en fournissant à nos clients et consommateurs une expérience de même qualité sur tous les canaux. Nous devons continuellement tester ce qui fonctionne ou non. Les créations doivent donc pouvoir être adaptées sans perdre de temps. »

Pas de surprise

C’est précisément dans l’univers digital que la ligne de partage entre les médias et la création devient de plus en plus ténue. D’où le projet de Proximus de lancer un « nouvel écosystème » associant création, performance et médias.

Bien qu’il s’agisse d’une primeur dans notre pays, elle ne suscite pas de réelle surprise chez les acteurs avec qui nous en avons discuté. « Cela ne nous étonne pas vraiment, indiquent ainsi Philippe Wallez (président de l’UBA) et Marie-Noëlle De Greef, respectivement Managing Director Retail & Private Banking et Head of Branding, Advertising & Sponsoring chez ING. Tout comme nous, Proximus est un annonceur qui jongle avec les différents médias pour obtenir une efficacité prouvée maximale, et qui innove constamment en matière de technologies et de méthodes. »

Une pratique déjà courante à l’international

« Je trouve surtout incroyable de les entendre annoncer à l’avance leur intention de fédérer les agences les plus performantes, ajoute Koen Van Impe, président de BAM et CEO de &KOO. Bon nombre d’annonceurs attendent que le pitch soit terminé pour constituer un tel écosystème. » Selon Gino Baeck (CEO de GroupM et vice-président de l’UMA) et Erwin Jansen (EO de Wunderman et président de l’ACC), la démarche de Proximus s’inscrit en tout cas dans une tendance internationale. « Si vous voulez travailler rapidement de façon automatisée tout en visant des microsegments, vous avez tout intérêt à collaborer avec des acteurs capables de combiner médias et création, estime Gino Baeck. Quantité d’agences médias disposent déjà d’une unité spécialisée dans la création digitale et de partenariats avec notamment des agences créatives en vue de former un hub. C’est ainsi que procède WPP (dont faire partie GroupM, NDLR) par exemple pour la Commission européenne, BP, Ford et Vodafone. »

Et Erwin Jansen d’embrayer : « C’est une approche logique pour les entreprises. Un écosystème cohérent vous permet de passer plus rapidement à la vitesse supérieure, de maximiser la consistance, de diversifier la réflexion stratégique et de réduire intelligemment les coûts. Cela s’inscrit dans la recherche d’outils, de collaborateurs et de processus performants. » En tant que patron d’agence, il voit d’un œil favorable les efforts de Proximus pour bâtir un écosystème d’agences prêt à relever les défis de demain. « C’est la preuve que le groupe a l’intention de déployer une approche à long terme, une ambition dont les agences ne peuvent que se réjouir. »

Tous les acteurs que nous avons contactés partagent dès lors le point de vue que les pitches de ce genre vont se multiplier à l’avenir. « Il s’agit d’une évolution durable qui va encore s’accélérer, considèrent Philippe Wallez et Marie-Noëlle De Greef. L’initiative va attirer l’attention d’autres annonceurs, et j’ose espérer que l’on verra plus d’opérations de ce genre au cours des prochaines années », réagit Koen Van Impe, dont l’agence &KOO plaide aussi en faveur de la construction d’écosystèmes.

Une pertinence accrue

Par ailleurs, le résultat du pitch devra permettre à Proximus de communiquer de façon plus pertinente avec ses clients et prospects. « Cet écosystème doit nous aider à transmettre encore plus efficacement le bon message à la bonne personne et au bon moment, confirme Alex Thoré. Toute autre type de communication est une perte de temps. » Koen Van Impe y voit aussi un moyen d’accroître la pertinence : « L’harmonisation des différents messages entre eux donnera lieu à une expérience plus intéressante pour les clients et prospects de Proximus, qui en recueillera aussi les fruits. » Il souligne en outre que la procédure du pitch devrait aussi entraîner moins de gaspillages. « Très peu de campagnes conçues lors d’un pitch voient finalement le jour. Il pourrait en aller autrement ici. »

L’organisation interne doit s’adapter

Reste à savoir si cette nouvelle approche présente aussi des inconvénients. Ou n’aurait-elle vraiment que des avantages pour l’annonceur ? « Cette démarche devrait – en théorie – permettre un gain de temps à l’annonceur, note Gino Baeck. Celui-ci pourra simplifier sa structure de partenariats, passer plus vite à la vitesse supérieure et limiter les problèmes de communication entre les différents partenaires. Mais cela nécessite bien sûr une harmonisation entre l’organisation de cet écosystème et celle de l’annonceur. Il ne fait aucun doute que Proximus va examiner en interne comment faire concorder au mieux ces deux réalités. » Et Erwin Jansen de conclure : « Cela exige des entreprises qu’elles adoptent la bonne mentalité. Elles doivent être disposées à dévoiler leurs cartes aux agences pour faire de celles-ci de véritables partenaires d’affaires. Et cela demande une grande implication. Les interactions entre l’agence et le client sont cruciales. » Nul doute que l’été sera très chaud, tant chez Proximus que dans les agences...

 

TV

 

Que regarde-t-on en ligne ou non ?

À la VRT aussi, on sent venir l’orage. « Le mix média est en effet en train de fortement changer », confirme Bob Madou. « Ce que l’on voit, c’est que les canaux classiques, qui sont toujours particulièrement populaires, sont complémentés par toutes sortes de nouvelles plateformes. Avec nos marques, nous devons donc de plus en plus lutter pour l’attention limitée du téléspectateur, vu qu’un jour ne compte que vingt-quatre heures. Concrètement, cela signifie que nous devons à la fois gérer ce glissement vers de nouvelles plateformes et exceller dans les médias classiques. C’est nouveau, oui, et ça entraîne de nouvelles questions et des défis inédits : que faut-il offrir sur ses propres canaux, et sur ceux de tiers ? Jusqu’où aller dans le partage sur YouTube ? Il faut gérer tout cela intelligemment, mais c’est inéluctable. La chose la plus stupide que l’on pourrait faire aujourd’hui, c’est de se cramponner au passé et de faire comme s’il n’y avait pas d’évolution. »

Faire comme si de rien n’était, voilà ce dont on ne peut absolument pas accuser nos chaînes nationales. Tant du côté de la RTBF que de la VRT, les expérimentations avec des plateformes numériques et la diffusion de contenu vont bon train. Les deux enseignes publiques possèdent par exemple chacune un site (respectivement baptisés Auvio et VRT.nu) sur lequel on peut aussi bien regarder en direct que demander à voir d’anciens et de nouveaux programmes. Ceux-ci peuvent en outre aussi être sollicités par le biais de telcos comme VOO, Proximus et Telenet. Diverses marques de la RTBF et de la VRT ont aussi leurs propres applis et sites, sur lesquels on peut visionner de la vidéo, par exemple RTBF.be, Studio Brussel, Ketnet et Eén. Last but not least, les chaînes de la VRT sont également disponibles via Stievie, une appli/un site Web (aux mains de Medialaan, le holding au-dessus de VTM) qui vise les milléniaux voulant bien regarder la TV, mais sans vouloir souscrire à un abonnement classique au câble.

« Nous n’abordons pas non plus ce genre de choses de la même manière pour chaque marque », dit Madou. « Une chaîne comme Eén se vit souvent encore de façon très classique, avec une part importante pour la vision linéaire ;  pour beaucoup de familles, se caler ensemble dans le fauteuil pour suivre un feuilleton comme Thuis est toujours un moment d’ancrage quotidien. Pour Canvas, c’est déjà différent. On sent que les documentaires et les séries se prêtent davantage à aussi perdurer de façon digitale. » Studio Brussel – une marque qui vise les 18-44 – va encore plus loin. Ainsi, le présentateur Stijn Vandevoorde a récemment réalisé un documentaire sur son amour pour la Grande-Bretagne. La série, de quatre épisodes d’un vingtaine de minutes, a été proposée tant sur VRT.nu que, sur demande, sur Telenet.

Trois plans pour Snapchat

Outre tous ces efforts qui passent par les propres plateformes, les deux chaînes gardent aussi un œil attentif sur les canaux existants. Tant la RTBF que la VRT ont déjà vendu des séries au géant américain du streaming Netflix, comme La Trêve ou Beau Séjour. Et puis, il y a bien sûr aussi les comptes Facebook, Instagram et YouTube obligatoires devant permettre de toucher le consommateur digital. Il semblerait que dans ce contexte la RTBF va même un peu plus loin que la VRT. « Au sein de la RTBF, nous avons créé une cellule dédiée qui ne s’occupe que de la création de contenus et de séries Web pour ce type de plateformes », explique Fabrice Massin. « Je pense que nous sommes à peu près les premiers en Europe à le faire. Il s’agit donc de petits programmes de trois à quatre minutes, une longueur parfaitement adaptée au comportement de vision via ce type de canaux. Depuis peu, nous avons même commencé à réaliser des clips pour Snapchat. Ceux-ci sont encore plus courts : en tout et pour tout, ils comptent trois ou quatre plans en vingt secondes. » 

À l’avenir, la distribution de contenus via de tels médias sociaux ne cessera de gagner en importance », estime Massin. Ce type d’expérimentations n’est donc absolument pas sans engagement, voire trivial. « Vous vous souvenez sans aucun doute des attentats du 22 mars à Bruxelles. Savez-vous quel était, à l’époque, le canal d’information le plus utilisé par les citoyens wallons désireux de rester au courant de ce qui se passait ? C’était notre chaîne La Une. Et savez-vous qui se classait deuxième ? Facebook. Devant RTL et loin devant les sites des journaux. OK, on a alors toute l’histoire du fact checking et du fake news, dans laquelle Facebook pourrait bel et bien encore consentir un effort supplémentaire, mais je pense que, dans les années à venir, cette tendance ne fera que s’amplifier. En fait, c’est simple : peu importe, en soi, quelle plateforme nous utilisons pour renforcer la marque RTBF. Nous devons simplement veiller à ce que nous soyons là où sont les gens. »

De la data pour des recommandations 

Pour terminer : la distribution de programmes via les canaux digitaux ne permet pas seulement aux chaînes de toucher une jeune génération de téléspectateurs. Il devient aussi possible de récolter une masse gigantesque de data et d’informations numériques. Le fait-on déjà ? Et si oui, à quelles fins ces données sont-elles exploitées ? « Nous voulons surtout tirer parti du profil de connexion pour améliorer l’expérience utilisateur des téléspectateurs », dit Bob Madou. « Ça peut être très large : de l’envoi de newsletters à de meilleurs services personnalisés, en passant par des suggestions de programmes. Nous étudions aussi les possibilités publicitaires. Il en existe clairement, mais c’est bien sûr différent pour nous qui ne sommes pas un acteur purement commercial. »

Chez la RTBF aussi, on étudie comment le single sign on peut être mis à profit pour personnaliser le site et faire des recommandations, dixit Fabrice Massin. « Nous avons d’ailleurs besoin de ces informations pour permettre aux Belges à l’étranger d’accéder à nos services numériques. C’est quelque chose qui nous sera bientôt imposé par l’Europe. Mais vendre cette data à des tiers ? Cela me semble totalement exclu. Nous sommes un prestataire de services public, cela n’est pas notre mission. »