Pourquoi le marketing peut sauver le monde

Que le marketing est capable d’attiser davantage que la consommation, ça nous le savions heureusement déjà. Pour ce qui est de la gestion durable de notre planète et de notre société, le temps semble venu de franchir une nouvelle étape : de la notoriété à la conversion. Et ce, grâce au focus sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE).

 

Marketing & society

 

Dans les discussions sur la durabilité, on blâme souvent notre consumérisme (attisé par le marketing) pour tout ce qui a mal tourné ou tourne mal. C’est une idée qui renferme indubitablement une part de vérité. Plus la consommation augmente, plus l’empreinte écologique augmente, et plus les conséquences sont graves pour l’homme et la nature.

En ces temps où chacun se rend compte qu’un jour nous atteindrons un plafond et qu’il vaut mieux agir avant d’en arriver là, il est aussi utile d’examiner le rôle du marketing. Comme son objectif est de générer un changement de comportement, le marketing peut en effet jouer un rôle ici aussi. En d’autres mots : comment faire en sorte que le marketing soit exploité différemment pour ainsi servir les intérêts de l’homme et de la planète ?

Faire preuve de modestie

Il se pourrait bien que la réponse à cette question soit plus proche qu’on ne le pense. En effet, cette façon de réfléchir et de travailler s’applique déjà fréquemment, plus spécifiquement au sein des organisations à profit social. « En marketing, tout dépend de votre message », dit Nena Baeyens, collaboratrice en communication chez l’ASBL EVA, une organisation qui plaide pour une végétalisation plus poussée de l’alimentation. « On peut donc parfaitement l’exploiter pour inspirer les gens et les convaincre de faire ‘quelque chose de bien’. » « Le marketing est un moyen pour arriver à une fin », ajoute Marleen Vos. Elle est directrice générale de Komosie, qui réunit des entrepreneurs environnementaux dans l’économie sociale (dont les 135 Kringwinkels). « Vu sous cet angle, il peut en effet contribuer à sauver la planète, si l’on peut dire. »

Hermann Steinmeyer, chef marketing et communication au sein de la Banque Triodos, se hâte d’exprimer une réserve : «  Le marketing doit faire preuve de suffisamment de modestie pour ne pas revendiquer à tout va qu’à lui seul il ‘peut sauver la Terre’. D’une part, le marketing n’est pas seul dans ce contexte ; d’autre part, tout ne tourne pas uniquement autour de l’environnement et du climat. Il s’agit en général d’opérer les changements sociétaux positifs nécessaires pour en arriver à un monde viable pour nous tous. Il faut beaucoup plus pour y parvenir. Cependant, le marketing et la communication d’entreprise constituent bel et bien un relais indispensable sur le chemin qui y mène. »

De Jeudi Veggie à Easy Vegan

Ces dernières années, les organisations à but non lucratif se sont perfectionnées dans les techniques de marketing. Pensons à Jeudi Veggie, l’initiative lancée par l’ASBL EVA, désormais célèbre en Flandre et à Bruxelles. « Nous voulons montrer la nourriture végétarienne sous un jour positif et convaincre les gens pas à pas », raconte Nena Baeyens. « Des études nous révèlent en effet qu’il y a quelques années le végétarien faisait l’objet d’une vision fort ‘noir et blanc’. Une telle initiative est très accessible et nous poursuivons dans cette voie. Un autre enseignement tiré d’une étude nous apprend que ce qui retient surtout les gens de se nourrir de manière végane, ce sont des obstacles pratiques. Voilà pourquoi nous avons lancé notre programme de coaching en ligne Easy Vegan, qui aide entre autres les gens avec des ateliers de cuisine. »

Pas à pas, les organisations parviennent ainsi à opérer un changement de comportement. Avec comme principal inconvénient que l’évolution s’opère lentement. Souvent, en effet, les organismes à but non lucratif ne disposent que d’une main-d’œuvre limitée et de moyens financiers modestes. « Nous devons faire avec ce que nous avons », dit Marleen Vos à ce sujet. « Nous tentons de réaliser un résultat maximal avec les moyens du bord. Voilà pourquoi nous tablons énormément sur la publicité gratuite, les médias sociaux, mais aussi nos magasins, qui forment un outil de communication essentiel. »

La RSE, ça aide

Nous en arrivons ainsi à un atout majeur du marketing. Hermann Steinmeyer : « Il doit faire le lien entre les différents acteurs économiques – des particuliers aux entreprises, en passant par les organisations – pour inciter à changer de comportement. » Steinmeyer réfère au développement de communautés et à la conclusion de partenariats pour faire bouger les choses (des domaines sur lesquels Triodos mise de façon très active).

Ce qui aide énormément à ce niveau, c’est l’attention accrue pour la RSE. « De nos jours, bon nombre d’entreprises nous contactent elles-mêmes afin de créer des collaborations », témoigne Marleen Vos. « Nous travaillons depuis longtemps avec Alpro, qui fait connaître Jeudi Veggie avec nous », indique Nena Baeyens. « Ou encore, avec Sodexo, qui dans ses cuisines de collectivité prône un objectif concret concernant la participation à Jeudi Veggie. » Cependant, lorsqu’il s’agit de conclure un partenariat, quasi chaque organisation à l’esprit critique. Nena Baeyens : « Nous voyons directement clair dans le jeu de sociétés qui le font pour être à la page. Il doit s’agir d’un engagement à long terme, mais nous sommes alors absolument prêts à l’honorer. Les entreprises disposent en effet de budgets marketing plus importants pour diffuser le message de façon plus large. »

Un mouvement qui se lance

Pour Triodos, les collaborations RSE vont encore un pas plus loin. Forte de ses activités bancaires, l’enseigne soutient en effet des projets de ce genre avec l’octroi de crédits. Hermann Steinmeyer est dès lors bien placé pour affirmer que les choses bougent. « Au fur et à mesure que la RSE pénètre dans les mœurs, des organisations comme EVA, les Kringwinkels, Oxfam ou Fair Trade obtiennent une base pour aider les entreprises à faire le switch », dit-il. « Lorsque ces entreprises passent à l’action, cela fait bouger les consommateurs, qui, à leur tour, exercent de la pression pour développer des produits et des services socialement et écologiquement responsables. » Et c’est comme ça que le mouvement se lance pour de bon. Surtout si face aux employeurs les futurs employés font preuve d’esprit critique… « Qui donne le ton, gagne en réputation et devient ainsi un employeur attractif, et un fournisseur de choix pour d’autres entreprises », conclut Steinmeyer.

Il semblerait donc que l’avenir de la planète ait passé la phase de la notoriété. Il est temps de passer à la conversion ; dans ce contexte, les organisations à but non lucratif et les entreprises qui se focalisent sur la RSE peuvent s’allier et se renforcer…