Steven Van Belleghem: La main de l’homme comme USP

Si un robot à la raison épurée devait décider du case marketing de l’année, il y a fort à parier qu’en cette année 2017 nous ne nous sentirions pas vraiment à l’aise avec le verdict.

 

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Jusqu’à ce jour, ce sont invariablement des professionnels de la discipline qui ont garni les jurys des prix marketing. Des gens de chair et de sang qui, fort de leur expérience et leur savoir, savent apprécier une certaine créativité et efficacité. Laissez une machine trancher et le processus d’évaluation changera du tout au tout. Le robot se demandera quels étaient les objectifs et rendra un jugement impitoyable sur la mesure dans laquelle la mission est réussie. Du coup, il y a plus de chances que des campagnes laides comme des poux, voire difficilement acceptables socialement décrochent la timbale.

 

Steven Van BelleghemSteven Van Belleghem

 

 

Il y a toutefois de l’espoir. Ce sont en effet ces mêmes gens plein d’émotions qui programment les robots. Cela ouvre la possibilité de donner des traits humains à la machine et d’en arriver à une version vraiment améliorée de l’évaluation humaine. Les robots ont besoin d’être sensibles aux critères d’évaluation souples. Cela permettrait d’obtenir l’approche la plus opérationnelle.

En rassemblant tous les data sets de tous les awards du passé, un robot peut se faire une idée assez claire de ce qui fait d’un dossier un case gagnant. À cause de ce regard tourné vers le passé, les critères appliqués contiennent une part d’émotion humaine. Muni de ces connaissances, on peut d’ailleurs aussi poser à un robot la question inverse : crée-nous la campagne de publicité parfaite. Ce serait un test intéressant, dans le sens qu’il dévoilerait en quelle mesure le robot est déjà rompu / n’est pas encore rompu à l’intégration du facteur humain.

En outre, l’élément du contexte joue à ce moment-là un rôle important. Avec les critères gagnants d’hier, on ne crée pas automatiquement la campagne parfaite de demain. Le contexte actuel ne peut être apprécié à l’aide de data des années précédentes. C’est exactement comme l’algorithme de Spotify qui peut bel et bien détecter que vous aimez la musique gaie, mais qui ignore que ce jour-là vous avez eu une triste nouvelle.

Ce constat en dit long sur le statut actuel du marketing dirigé par l’IA. L’étape suivante que devra pouvoir franchir l’IA sera celle du passage de l’apprentissage supervisé à l’apprentissage non supervisé. À ce moment-là, la musique triste viendra bel et bien à point nommé. Les œuvres musicales ou les campagnes marketing que créera un robot tiendront bel et bien compte du bon contexte.

À la lumière de ce scénario, la robotisation actuelle du marketing n’est, pour l’instant, rien de plus qu’un jeu puérile. À l’image du marketing mobile en 2007. De la ‘beer app’ de l’époque (qui s’en souvient encore ?), nous sommes passés d’un bond à la réalité augmentée, à l’automatisation et à la géolocalisation d’aujourd’hui. En dix ans, le smartphone a atteint sa pleine maturité et on tient compte d’un même potentiel pour l’IA.

La grande différence est la vitesse. La prochaine phase numérique, grosso modo d’ici 2027, entraînera l’essor de plateformes super technologiques. On peut s’attendre à ce que Facebook, Google et Amazon réalisent les premières grandes percées en la matière. Leur capacité d’investissement est la raison pour laquelle cette fois les choses s’accéléreront. En même temps, le fossé avec ceux qui misent moins pourra se creuser bien davantage. Lorsqu’il s’agit de l’impact de publicités, Facebook dispose de la base de données la plus riche de tous les temps. Il semble établi que ça ne prendra pas dix ans avant que l’enseigne n’exploite ce savoir pour créer des publicités à la demande de ses gros clients. C’est à l’industrie créative, d’ici-là, de jouer ses atouts – la main de l’homme, la grande idée – en tant qu’élément de différence déterminant pour les robots.