Chris Burggraeve sur le marketing avec un grand M

Master Marketer depuis 2011, c’est l’un des ambassadeurs du marketing les plus réputés du pays. Après une carrière au plus haut niveau chez Coca-Cola et AB InBev, Chris Burggraeve a lancé sa propre agence conseil. Au mois de décembre, il prendra la parole au BAM Congress pour présenter son ouvrage « Marketing is Finance is Business ». Il est donc très bien placé pour éclairer le lien entre meaningful marketing et business. Nous vous livrons un avant-goût de son intervention.



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De quoi parlerez-vous au congrès marketing qui aura lieu en décembre ?

Le thème principal du BAM Congress est le « meaningful marketing ». Cette année, nous célébrons le 50e anniversaire de premiers pas de l’homme sur la Lune. On pourrait considérer cet événement que le début de l’ère « Space 1.0 ». Le propos de mon intervention sera de voir comment développer les marques au cours des 50 prochaines années, à l’ère « Space 2.0 », que j’appelle aussi « l’âge galactique ». Je donnerai quatre recommandations concrètes, basées sur mon livre récemment publié « Marketing is Finance is Business ».

Ce congrès est en effet placé sous le signe du meaningful marketing. Que doivent faire les marques selon vous pour être significatives ?

Ce qui détermine le succès d’une marque, et donc d’un marketer, c’est sa capacité à créer un pouvoir durable de fixation des prix durable. S’il y a une chose que j’ai apprise au cours de mes 23 années passées au sein des multinationales les plus actives en marketing et dans mon activité de consultant au cours des huit dernières années (Vicomte LLC), c’est bien celle-là. Le pouvoir de fixation des prix est le concept le plus sous-estimé en marketing. Lisez les rapports de tous les analystes de Wall Street et vous verrez à quel point l’attention se porte sur la façon dont une entreprise parvient à augmenter systématiquement ses prix nets (au moins égaux ou supérieurs à l’inflation) au fil des ans sans perdre de volume ou de part de marché. De même, au moment d’acquérir une marque – le seul moment où l’on peut vraiment tester sa valeur – on s’intéresse avant tout au pouvoir de fixation des prix pour les années à venir.

Les marques doivent-elles être significatives ?

Being meaningful truly matters. Mon ancien confrère au poste de Global CMO chez P&G, Jim Stengel, l’a clairement démontré dans son livre « Growth ». Mon ouvrage « Marketing is Finance is Business » cite également plusieurs études montrant que les marques durables présentent un pouvoir de fixation des prix plus élevé et donc une plus grande valeur. 

Le meaningful marketing est-il un levier pour le marketer afin de mieux faire entendre sa voix au sein du conseil d’administration ?

En mathématiques, il existe deux types de conditions à remplir pour prouver une thèse : la condition dite « nécessaire » et la condition « suffisante ». C’est aussi le cas en marketing. La durabilité est une condition nécessaire pour l’ensemble de l’entreprise, mais elle ne suffit pas pour être le meilleur marketer. Ce dernier doit maîtriser tous les fondamentaux. Or, la durabilitébeing meaningful or purpose-driven – n’est qu’un des huit fondamentaux à mes yeux. Le marketing est un véritable métier qui demande de nombreuses années d’apprentissage. Avec des hauts et des bas. Et en s’efforçant de trouver le bon équilibre entre art, science et discipline. C’est la seule façon d’obtenir le respect des cadres dirigeants, du conseil d’administration et des actionnaires.

C’est selon vous une question d’alchimie entre CMO, CFO et CEO. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Beaucoup de jeunes semblent avoir oublié que les principes fondamentaux du marketing et de la finance ont été posés pendant l’ère Space 1.0, surtout dans la période très agitée et productive de la fin des années 1960, précisément à l’époque où l’homme mettait le pied sur la Lune. Bon nombre de ces fondamentaux ont résisté à l’usure du temps, mais ont quand même été remis en cause ces dix dernières années sous la pression de « Silicon Snake Oil ». Depuis l’avènement de la télévision, le marketing s’était déjà réduit de façon excessive à la publicité. Avec la montée en puissance du digital, le marketing a désormais tendance à se confiner à la gestion des réseaux sociaux. Il est grand temps que les marketers dignes de ce nom redécouvrent et revisitent les fondamentaux du marketing pour leur rendre la place qu’ils méritent dans l’entreprise : au sein du comité exécutif et du conseil d’administration. 

Vous dites que les rapports entre finance et marketing sont comme ceux entre Vénus et Mars. Comment parvenir à concilier les deux ?

Cela fait presque huit ans que je donne cours dans le cadre du TRIUM Global Executive MBA (NYU STern/LSE/HEC) aux managers mondiaux les plus expérimentés. Je donne aussi des conférences dans d’autres universités de premier plan, des entreprises, des espaces de coworking, etc. À chaque fois, je pose la question : « Qu’est-ce que le marketing ? » Et systématiquement je constate une dichotomie de perception entre les gens qui travaillent dans le marketing et pratiquement tous les autres. Les divergences de vues entre la finance et le marketing sont particulièrement marquées. Les managers financiers considèrent souvent les marketers comme de doux rêveurs et de grands dépensiers, tandis qu’ils se jugent eux-mêmes éminemment rationnels et pragmatiques. Or, rien n’est moins vrai. Je n’ai jamais vu autant d’émotion que dans les nombreux dossiers de fusion et d’acquisition que j’ai pu suivre de près. Des études universitaires révèlent en outre que moins de 15 % des acquisitions ont effectivement atteint les objectifs fixés trois ans plus tard. Pourtant, la finance jouit de cette aura « martienne ». Cela dit, les marketers doivent aussi battre leur coulpe, car il est grand temps qu’ils améliorent leurs connaissances financières. Learn to speak better Wall Street. Ce que je montre dans mon livre, c’est que les deux fonctions doivent relever à la fois de Mars et de Vénus pour pouvoir développer des marques à succès.

Vous avez votre propre « formule miracle » pour réussir dans le marketing, où la culture et les valeurs jouent un rôle crucial. Est-ce que cela cadre avec votre discours de collaboration entre CEO, CFO et CMO ?

Cette formule s’est avérée très pratique dans différentes conversations avec des senior marketers pour les aider à continuer à voir la forêt à travers les arbres. Elle est expliquée en détail sur mon site Web www.viconte.com/Insights.

En bref, cela donne : Miracle $ = (Open Mind x Clear Focus x Continuous Repetition) élevé à la puissance « Culture and Values ». La culture et les valeurs sont les facteurs qui influent énormément sur la croissance d’une entreprise. Mais, comme je l’ai déjà dit, c’est une condition nécessaire, et non suffisante pour gagner en tant que marketer. Malheureusement, ce n’est pas si simple que cela. Ou plutôt heureusement. Les trois premières composantes sont toutes indispensables. Un seul zéro, et le résultat final est également zéro. L’ouverture d’esprit s’exprime d’abord par la curiosité, un must pour tout marketer qui se respecte. Léonard de Vinci en est une parfaite illustration : la curiositas était son principal moteur. Il s’agit de comprendre le comment et le pourquoi des choses. Et d’influencer légitimement sur le comportement et la perception, sans tomber dans le travers de Cambridge Analytica. Le marketing authentique commence par la collecte des bonnes informations. No Insights, No Glory. 

Que pensez-vous du marketing et des marques en Belgique après toutes ces années passées à l’étranger ? Quels sont les points positifs ? Et les points à améliorer ?

Pendant presque 30 ans, j’ai étudié, vécu et travaillé dans le monde entier. J’ai entre-temps obtenu la nationalité américaine. New York est devenu mon port d’attache depuis dix ans. Cela ne m’a pas empêché pendant cette période de consacrer pas mal de temps aux relations entre la Belgique et l’étranger : comme administrateur et président de BelCham aux États-Unis (2010-2018), comme président du Fonds Prince Albert à Bruxelles (2014-2019), comme conseiller en diplomatie économique aux États-Unis (depuis 2014), etc. Je reste très fier de mes origines belges. Mais, en tant que marketer, je crois de moins en moins au pouvoir de fixation des prix de la marque Belgique, malgré toutes les promesses qu’elle renferme. Les propriétaires de cette marque lui manifestent bien peu d’affection et investissent chichement à l’étranger pour sa promotion. Aux États-Unis, on utilise l’expression « death by a 1000 cuts », que l’on peut traduire approximativement par « mourir à petit feu ». Sur le plan politique, la Belgique se fragmente en une série de sous-marques. Puisque c’est le fruit d’un processus démocratique, on est bien obligé de le respecter, mais c’est quand même très dommage. Comme dans le cas du Brexit et d’autres changements institutionnels majeurs, ce sont surtout les jeunes qui doivent bien se rendre compte des implications réelles d’un tel choix politique. Ces petites régions seront de facto encore moins en mesure d’affronter la concurrence mondiale. Notre prospérité et notre bien-être seront encore plus tributaires de l’étranger. Un autre proverbe américain très éloquent dit : « Big dogs, big puppies. Small dogs, small puppies. » Small puppies are cute, but that is about it. En accord avec les idées exposées dans mon livre, je préférerais rêver d’une Belgique « galactique ». Une Belgique qui se transformerait en une nation de l’ère Space 2.0 d’ici 2030, pour célébrer ses 200 printemps. Un pays qui contribuerait à unir plutôt qu’à diviser…

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