Ilse Van Dyck : « Cette année, nous élargirons sensiblement notre communication sur la diversité »
En 2023, les cinq think tanks de BAM poursuivent leurs efforts pour garantir la cohérence entre la stratégie et les activités de l’association. Nous vous offrons un tour d’horizon des projets en chantier dans chacun de ces groupes de réflexion. Depuis la fin de l’année dernière, Ilse Van Dyck pilote le groupe dédié à l’inclusion et à la diversité.
Comment vous êtes-vous retrouvée dans ce think tank ?
En 2021, BAM a adopté une structure axée sur des groupes de réflexion. À cette occasion, Isabel Verstraete a transformé le FAM Expert Hub, qui se concentrait sur l’égalité et la diversité entre femmes et hommes, en un think tank. Membre de ce groupe depuis sa création, j’en ai notamment géré les activités sur les réseaux sociaux. L’année dernière, Isabel a décidé de passer le flambeau et m’a demandé de lui succéder…
Est-ce un thème très présent dans votre milieu professionnel et votre vie privée ?
Je suis freelance en marketing digital et CMO (chez Pit&Pit, NDLR). Je ne suis pas consultante en DEI (Diversité, équité et inclusion), je n’ai donc aucun intérêt personnel à occuper ce « poste ». Mon unique motivation est le désir d’améliorer le monde et de susciter des débats plus féconds sur la diversité et l’inclusion. Je peux aussi m’appuyer sur mon expérience personnelle dans mon domaine. Je suis souvent la seule femme au sein d’un conseil d’administration dominé par les hommes blancs. Cela semble appartenir à un passé lointain, mais ce n’est malheureusement pas le cas. En outre, j’ai deux filles et je veux leur apprendre qu’il ne faut pas nécessairement choisir entre sa famille et sa carrière, même si, bien sûr, la réalité en décide parfois autrement. Enfin, le vécu de mon mari, qui est d’origine tunisienne, nourrit aussi mon regard sur la question.
Comment le thème a-t-il évolué au sein de votre groupe de réflexion l’année dernière ?
L’équilibre hommes-femmes était encore au centre des préoccupations. Cette année, nous allons élargir la problématique et l’aborder dans toute sa diversité. C’est moi qui ai suggéré cette diversification. Nous tiendrons compte de différents facteurs : origine, neurodiversité, sexe, âge… Ce dernier point est d’ailleurs souvent oublié dans notre industrie et, par extension, dans notre société, où tout évolue de plus en plus vite.
Quels sont les points à l’ordre du jour en 2023 ?
Je ne peux pas encore vous en donner un aperçu détaillé, car nous sommes en train de peaufiner notre programme d’action. Mais les spécialistes du marketing peuvent s’attendre dans les prochains mois à de nombreuses communications sur le thème dont s’occupe notre think tank. C’est une question qui mérite une plus grande attention, malgré ses aspects sensibles et complexes. Les gens ont peur d’en parler, par crainte de commettre un impair ou d’être considérés comme trop « woke ». C’est pourquoi nous souhaitons communiquer largement sur ce sujet afin de faciliter les échanges entre marketers. Nous voulons en outre créer un « state of inclusion » : notre ambition est de faire le point sur l’état actuel de l’inclusion dans le paysage marketing. Nous menons des discussions avec de nombreux partenaires et organisations actifs dans le domaine.
Pourquoi cette thématique est-elle si importante cette année dans les milieux du marketing et de la communication ?
La réalité économique nous contraint à donner une visibilité supplémentaire à ces questions. De nombreux experts constatent que les entreprises y consacrent moins d’efforts ou d’attention pour l’instant parce que les CEO ont d’autres chats à fouetter, avec l’inflation élevée et les marges en déclin. C’est une question de bon sens économique, mais cette réalité difficile est aussi justement la raison pour laquelle il faut redoubler d’efforts afin que cette thématique reste à l’ordre du jour.
Combien de membres compte actuellement votre groupe de réflexion et cherchez-vous de nouvelles forces vives ?
Notre think tank compte actuellement sept personnes, mais reste ouvert à toutes celles et ceux qui s’intéressent au sujet et souhaitent nous rejoindre. Il s’agit d’un travail bénévole, où chacun détermine lui-même son degré d’implication. Il doit bien sûr s’agir de personnes travaillant dans le marketing.
Quel est votre avis concernant les débats sur la diversité et l’inclusion dans le secteur du marketing ?
Je pense qu’il est important, lorsque l’on parle de diversité et d’inclusion, de ne pas penser en termes de bien ou de mal. Les erreurs sont inévitables : emploi d’un mot inapproprié, action qui suscite des reproches d’être trop « woke »… C’est humain. D’autant plus qu’il s’agit d’un sujet complexe. Le plus important est d’être ouvert, d’écouter et de vouloir apprendre. En la matière, on ne peut parler de juste ou de faux. Dès que l’on se mêle de cette thématique, on s’expose automatiquement à une multitude d’opinions et de commentaires. De nombreux aspects relatifs à la diversité et à l’inclusion touchent de près à l’identité des gens. C’est donc une corde très sensible. Je pense notamment aux discussions sur les quotas et la discrimination positive, ou au périlleux exercice d’équilibre entre la manière d’engager des changements, sans d’abord changer soi-même… En revanche, je m’oppose résolument au « tokénisme », c’est-à-dire aux efforts purement symboliques pour montrer que l’on s’occupe de diversité et d’inclusion. Comme offrir une place au sein du comité de direction à une femme parce qu’il faut bien qu’il y en ait une ou multiplier les personnes de couleur dans la communication interne ou externe.
Avez-vous également remarqué des divergences au sein même du groupe de réflexion ?
Dans notre think tank, il y a des gens qui veulent débattre du sujet de manière très explicite et ouverte, mais même là, les discussions sont très animées. Tant mieux ! L’important est de prouver que l’on peut en discuter. Nous n’avons aucun tabou. De plus, chaque membre apporte des connaissances spécifiques. L’un d’eux s’est spécialisé dans les questions LGBTQ+, un autre travaille sur la neurodiversité. Cela débouche souvent sur des points de vue différents et donc des débats ouverts.
En quoi consiste la neurodiversité au juste ?
Ce type de diversité est parfois négligé parce qu’il n’est pas visible extérieurement. Il s’agit de personnes atteintes de TDAH ou d’autisme, par exemple. Elles pensent et agissent parfois un peu différemment que le commun des mortels. Leur environnement de travail et notre société ne sont souvent pas adaptés à leurs besoins. Carrefour et Delhaize, avec leurs heures d’ouverture à faible stimulus, ou la SNCB, avec ses wagons silencieux, sont autant d’exemples d’entreprises qui s’attaquent au problème.
Quelles sont les personnalités ou organisations qui vous inspirent dans votre combat ?
J’admire beaucoup Hanan Challouki, qui fait partie de notre groupe de réflexion. Elle est parvenue à imposer le thème de la communication inclusive dans notre secteur et à lancer ainsi le débat.