La santé publique au service de la communication durable

Le secteur de la santé publique a passé des décennies à tester et comprendre ce qui fonctionne pour changer le comportement des gens. Capitalisons sur ces connaissances pour développer une communication durable plus efficace. 

Fred dorsimont_FR

 

Parfois, la solution se trouve là où on l’attend le moins. 

 

En effet, on pourrait croire que les meilleures sources de bonnes pratiques en communication durable sont les grandes marques. Mais s’il y a bien un secteur qui peut nous en apprendre beaucoup, c’est le secteur de la santé publique.

Les experts en santé publique travaillent depuis des décennies à développer des communications qui encouragent les bons choix. Pendant tout ce temps, ce secteur a accumulé des connaissances sur ce qui fonctionne ou pas pour changer les comportements.

Et ces leçons sont souvent pertinentes pour la durabilité. En effet, les comportements de santé publique et de durabilité ont comme point commun d’être systémique, à savoir qu’ils sont le résultat de toute une série d’influences qui vont au-delà de la personne elle-même.

jessica-rockowitz-5NLCaz2wJXE-unsplash

Par exemple, une personne qui envisage d’adopter un régime végétarien pourrait être confrontée à la croyance que ce type d’alimentation crée un déficit en protéines. Ou elle pourrait être freinée dans son élan par un(e) conjoint(e) qui préfère continuer à manger de la viande. Ou encore, il se pourrait que son supermarché local n’ait que très peu de choix de plats végétariens.

Autre exemple, celui d’une personne que l’on veut encourager à se déplacer en vélo au travail. Il se peut qu’elle ait peur de faire du vélo à proximité de voiture. Ou que la culture de son entreprise soit encore très centrée sur la voiture comme élément de statut. Ou encore que l’entreprise ne dispose pas de places de parking pour vélos.

Lorsqu’on considère le système d’influences autour d’un comportement, on s’aperçoit que le défi de la communication durable est un véritable travail systémique qui nécessite d’utiliser plusieurs leviers pour arriver à créer le changement chez les consommateurs.

Et c’est justement là que les apprentissages de la santé publique peuvent nous aider. Et plutôt que de reproduire les mêmes erreurs, pourquoi ne pas gagner un temps précieux — que nous n’avons pas — et capitaliser sur ces leçons pour améliorer l’impact de nos efforts en matière de durabilité ?

Voici 5 de ces leçons, tirées de la santé publique et applicables à la communication durable :

Leçon #1 : les études de marché n’apportent pas toutes les réponses

Depuis bien longtemps, la santé publique se bat pour réduire l’écart entre les intentions et les comportements, qui fait que ce que les gens disent et ce qu'ils font sont souvent deux choses très différentes. 

C’est également une barrière importante à l’adoption de comportements durables. Et pourtant, nous continuons à nous reposer principalement sur des études utilisant des méthodologies qui sortent les gens de leur contexte naturel, les assoient dans une pièce et leur demandent ce qu'ils pensent. Tout comme la santé publique, reposons-nous davantage sur des techniques faisant appel à l’observation, la co-création et la compréhension des influences contextuelles, sociales et inconscientes pour créer des solutions plus robustes et capables de changer les comportements.

Leçon #2 : les attitudes ne précèdent pas forcément les comportements

Beaucoup de marketeurs s’accrochent à cette idée théorique d’une linéarité entre attitude et comportement : ce sont les attitudes qui déterminent les comportements. Cette approche est incomplète puisqu’elle se concentre exclusivement sur les facteurs internes à la personne. Elle accorde une importance disproportionnée à l'individu en tant que source de changement sans tenir compte des influences sociales et structurelles qui l'entourent.

En durabilité tout comme en santé publique, c’est bien souvent le contexte qui détermine le comportement. L’occasion fait souvent le larron. Et les interventions efficaces en matière de changement de comportement sont celles qui adoptent une approche holistique intervenant aux niveaux contextuel, social et individuel.

Leçon #3 : les gens ont besoin d’outils pratiques

Le réflexe de beaucoup de marques qui veulent promouvoir leurs offres et efforts durables et de faire appel à la sensibilisation. Il faut sensibiliser les gens et si on fait bien le boulot, alors ils changeront leur comportement. La santé publique a passé des décennies à sensibiliser les gens, sans que l’impact de cette sensibilisation sur les comportements puisse être souvent démontré. La sensibilisation peut être nécessaire au changement, mais elle n'est pas suffisante à elle seule.

Ce dont les gens ont besoin, c’est qu’on leur fournisse des outils pratiques pour mettre en place un comportement. Les marques doivent concentrer leurs efforts sur l’encouragement de comportements spécifiques et réalisables, et fournir aux gens un soutien pratique pour mettre ces comportements en œuvre.

Leçon #4 : les gens ont besoin d’une prise en main dans le temps

S’étant longuement et durement battu contre le tabagisme, la santé publique ne sait que trop bien que le changement de comportement est un voyage, pas un événement. Il s'inscrit dans le temps, passe par différentes étapes, rencontre différents obstacles et n'avance pas nécessairement tout le temps.

Des interventions ponctuelles et tactiques peuvent déclencher des comportements temporaires et symboliques - renoncer à X pendant une journée, éteindre Y pendant une heure, etc. - mais un changement durable nécessite des approches stratégiques à long terme fondées sur une application robuste des sciences comportementales et des interventions concrètes qui en découlent.

Leçon #5 : le spécifique est plus efficace que le générique

Comme l’a observé la santé publique, une des conséquences inattendues des campagnes de communication de masse est qu’elles peuvent renforcer les inégalités : elles accélèrent le changement chez ceux qui l'envisagent déjà (en général, un public blanc, éduqué et aisé), en ne considérant pas spécifiquement ceux qui pourraient bénéficier le plus du changement.

La durabilité, tout comme la santé publique, a souvent besoin d’approches spécifiques pour des publics spécifiques. Par exemple, les arguments et techniques qui vont prêcher les convaincus ne sont pas les mêmes que ce qui est nécessaire pour faire bouger les climato-sceptiques. Ou encore, les publics dans le besoin n’ont pas forcément la même bande passante mentale disponible pour les questions de durabilité et nécessitent donc d’autres solutions.

Il y a bien des leçons à tirer de l’expérience de la santé publique pour la durabilité, mais commençons par celles évoquées ci-dessus et nous ferons déjà un pas en avant. 

En conclusion, tout marketeur souhaitant promouvoir des offres et comportements durables a beaucoup à apprendre du secteur de la santé publique. Alors, enfilons nos tabliers blancs et allons-y ! 

 

 

A propos de cet article:

Date de publication: 30 mars 2023

Editeur: Fred Dorsimont - Behaven