Marketing Book: Le marketing est-il important ?

Voilà un titre de livre qui pourrait choquer, même si le lecteur connaît d’avance la réponse à cette question. Sinon, l’ouvrage n’aurait pas été élu Livre marketing de l’année chez nos voisins du nord. Nous avons skypé pendant une heure avec Rudd Frambach, l’auteur de « Doet marketing ertoe ? » Compte rendu d’un entretien passionnant sur des notions telles que le value-based marketing, l’accountability et le meaningful marketing.

marketing boek

 

« Le marketing a toujours eu de l’importance. C’est pourquoi je n’aime pas affirmer qu’il est plus important aujourd’hui qu’auparavant. En même temps, il ne fait aucun doute qu’il est davantage au centre de l’attention parce que nous comprenons mieux ses effets. Des plaisanteries du genre "Deux euros investis dans le marketing rapportent 1 euro, seulement on ne sait pas lequel" n’ont plus de raison d’être. Grâce aux données, nous n’avons plus besoin de nous baser sur la perception, mais disposons d’informations sur le comportement réel. »

Voilà, nous y sommes déjà. Ruud Frambach nous donne d’emblée la réponse à la question clé. Une réponse que nous, marketers, connaissons à coup sûr, même s’il nous est de plus en plus difficile de démontrer cette importance au conseil d’administration. « C’est paradoxal, car plus que jamais, le CMO dispose des outils nécessaires pour engager la discussion avec le CEO et le CFO », estime Ruud Frambach. Selon lui, l’astuce consiste à signaler au directeur financier les effets du marketing sur le cash-flow. « Si vous parvenez à calculer la customer lifetime value (ou valeur vie client, c’est-à-dire le rendement d’un client pendant toute la période où il reste client, NDLR), vous pouvez également montrer l’impact que ce client a à tel ou tel moment et prédire le cash-flow. Alors, vous pouvez être sûr que le CFO vous écoutera très attentivement. »

Value based marketing

Ruud Frambach, professeur de marketing à la Vrije Universiteit Amsterdam, voit un inconvénient dans la personne du CFO. « Il ne s’occupe pas directement des questions de valeur, or ce sont précisément celles-ci qui permettent de rendre tangibles les effets du marketing. Tout marketer doit savoir pour qui il veut créer telle ou telle valeur. »

À ce propos, Frambach utilise le concept de « value based marketing ». Il distingue trois groupes cibles : l’acheteur du produit ou service, la propre organisation et les autres parties prenantes (pas seulement les actionnaires financiers). « Pour chacun de ces groupes, vous devez établir des objectifs clairement mesurables, indique-t-il. Il faut se demander comment on peut réussir à atteindre ces objectifs et quels indicateurs et données utiliser pour vérifier si ces objectifs ont bel et bien été réalisés. En fin de parcours, on pourra ainsi déterminer la valeur obtenue. Il ne s’agit donc pas d’un élément de coût, mais d’un investissement. Le marketing est un poste clé de rentabilité. »

Il est d’autant plus étrange que le marketing ne parvienne pas à (ré)occuper cette place centrale au sein du conseil d’administration...

Booking.com, Starbucks et Netflix

Frambach signale que de plus en plus d’entreprises évoluent vers un value based marketing. « Dans le monde bancaire, cette démarche est peu à peu entrée dans les mœurs, souligne-t-il. Mais on trouve aussi pas mal d’acteurs plus surprenants qui s’intéressent à la customer lifetime value. Ainsi, Booking.com continue à investir dans le marketing jusqu’à ce que le rendement marginal soit de 0. Starbucks est quant à lui passé d’une approche fortement axée sur les ventes à une approche axée sur la création de valeur pour les actionnaires, ce qui a entraîné une réflexion à plus long terme, davantage orientée marque et accordant une plus grande attention au client. Et Netflix avait décidé à un certain moment de détacher son service de location de DVD et de lui donner un nom différent, ce qui a provoqué un tel tollé de la part des clients que l’entreprise a dû faire marche arrière. Elle en a tiré de précieuses leçons pour mettre au point son approche actuelle très performante... »

Dans ce contexte, le meaningful marketing – cheval de bataille de BAM – entre aussi en scène. « C’est un aspect crucial, souligne Frambach. Sinon, on a une vision très étriquée du marketing. Mais il ne s’agit pas selon moi d’une forme distincte de marketing. Cela doit faire partie intégrante de la vision mise en place. Les effets sociaux de la création de valeur doivent aussi être inclus dans les calculs. »

Un score NPS ne dit pas tout

Il est frappant de voir comment Ruud Frambach fait valoir son point de vue d’une manière tranquille, fondée et très peu « marketing ». Je me dis que c’est probablement cette façon de faire qui peut donner de bons résultats aussi dans les discussions avec le CEO.

Cela m’amène aux deux derniers sujets que je souhaite aborder avec lui. Le premier concerne la mesure des effets. J’avance que les dashboards facilitent sans doute cette tâche. « C’est exact, mais la mesure ne se limite pas à cela, réagit Ruud Frambach. Aujourd’hui, on croirait parfois que tout est dit avec un beau dashboard ou score NPS. C’est aller un peu vite en besogne. Il ne faut pas hésiter à soulever le capot pour voir ce qu’il y a en dessous. » Selon Ruud Frambach, les indicateurs doivent montrer comment combiner la plus grande part de marché possible avec la satisfaction maximale du client. « Et il se peut que l’un des deux objectifs ne soit pas atteint », prévient-il.

Quel est le portrait du CMO idéal ?

Pour terminer cet entretien, nous abordons le rôle du CMO. À l’heure du value based marketing, Ruud Frambach estime que ce rôle consiste avant tout à orienter et stimuler les parties internes et externes qui travaillent aux plans marketing. Le CMO doit pouvoir combiner la dimension opérationnelle de la communication avec le focus stratégique sur la création de valeur. Il doit en outre être capable de mesurer la customer lifetime value. L’ancien créatif doit maintenant aussi être en mesure de penser de manière analytique sur le plan financier. C’est dire si ses tâches sont souvent très larges. Par conséquent, pour Frambach, l’époque où le marketer pouvait tout faire est révolue. « Surtout s’il doit aussi évaluer les effets sociaux de l’entreprise, précise-t-il pour conclure. Un point qui devient de plus en plus central, parce qu’il touche l’essence même de l’activité. » Bref, le meaningful marketing se convertit en condition sine qua non. Et en une dimension supplémentaire qui fait vraiment du spécialiste du marketing un homme-orchestre.

A propos du rubrique "Le livre de marketing"

Chez BAM, nous mettons tout en œuvre pour inspirer nos membres. À cet effet, nous attirons régulièrement leur attention sur des ouvrages de marketing intéressants en leur proposant des critiques de livres, des comptes rendus de présentations, des synthèses de tables rondes, etc. À la fin de l’année, nos membres peuvent élire le Marketing Book of The Year parmi notre sélection.