Nicolas Lambert & Joke Claessen : « Le Think Tank Sustainability de BAM veut aider les marketers à rendre leurs produits et services plus durables »

Cette année encore, les cinq think tanks de BAM mettront tout en œuvre pour assurer la cohérence entre la stratégie et les activités de l’association. Nous vous offrons un tour d’horizon des projets en chantier dans chacun de ces groupes de réflexion. Cette fois, Nicolas Lambert et de Joke Claessen nous exposent la vision de leur Think Tank Sustainability.

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Pourriez-vous nous dire un mot sur la façon dont le thème de la durabilité a évolué au cours de l’an dernier ?

Nicolas Lambert : C’est un sujet qui ne cesse de gagner en importance. Beaucoup de marketers pensent qu’il faut s’y attaquer de front. En même temps, nous sommes confrontés à une crise du pouvoir d’achat qui risque d’entraver nos efforts. Le sentiment d’urgence est donc bien réel, mais la crise complique le passage à l’action. Pourtant, notre groupe de réflexion est convaincu qu’il faut inverser le raisonnement : la crise doit être vue comme un stimulant et non comme un frein.

Joke Claessen : Le développement durable peut certainement contribuer à la croissance, mais celle-ci doit être légitime, et non verser dans l’opportunisme ou le greenwashing. Nous sommes résolus à poursuivre le combat contre ces abus. Le Forum économique mondial a calculé que la décarbonisation de la chaîne d’approvisionnement entraînait une hausse moyenne de 1 % du prix du produit final. Or, dans la pratique, les produits durables sont 70 à 80 % plus chers. C’est exagéré ! Au lieu de rendre les solutions durables accessibles, un certain nombre d’entreprises en font une vache à lait. Qui plus est, des voix s’élèvent dans les médias pour débiter des absurdités sur les questions climatiques, conférant ainsi une légitimité à ce genre d’opinions. Wim Vermeulen, qui siège dans notre groupe de réflexion, a encore dernièrement dénoncé ces pratiques.
 

Quels sont les principaux chantiers de cette année ?

Nicolas Lambert :
Nous allons nous concentrer sur le volet de l’offre. Le thème de la communication sur la durabilité est évidemment important, mais est déjà traité par d’autres organisations. Nous estimons que les marketers doivent avant tout s’attacher à rendre leurs produits et services plus durables. Notre think tank veut les accompagner dans cette démarche, en leur procurant des conseils et divers outils. Nous diffuserons également ce message par le biais des canaux habituels de BAM : congrès marketing, différents événements dont les Meaningful Talks, etc. Nous voulons aussi continuer à alimenter la stratégie de contenu de BAM et enfin promouvoir notre livre vert. Celui-ci, gros d’une cinquantaine de pages, a été publié à la fin de l’année dernière avec la contribution d’experts belges de premier plan. Ils se sont interrogés sur la façon de promouvoir un marketing durable en période d’incertitude.

Depuis quelques années, la durabilité occupe une place prépondérante dans le secteur du marketing. Serions-nous en train d’entrer dans une nouvelle phase ?

Nicolas Lambert :
C’est la planète qui dicte l’importance et l’urgence de la question, pas nous ! Les signaux concernant le climat, la biodiversité et l’acidification des océans, par exemple, montrent qu’il y a urgence. Bien sûr, c’est aussi un sujet passionnant, tant pour les citoyens que pour les spécialistes du marketing. Ces derniers devraient y voir une formidable occasion de redéfinir leur mission.

Joke Claessen :
Pour parler crûment, le marketing a toujours consisté en un ensemble de techniques pour faire par exemple en sorte que le client achète même des produits dont il n’a pas besoin. Les marketers ont désormais la possibilité d’endosser un nouveau rôle en contribuant à la bonne cause.

Nicolas, vous avez longtemps travaillé dans le secteur du commerce équitable. Quel est votre avis sur les marques grand public qui s’intéressent désormais aussi aux problématiques sociales et écologiques ?


Nicolas Lambert : On ne peut que s’en féliciter. C’est bien d’avoir quelques pionniers, mais ces thèmes doivent se généraliser peu à peu. Sinon, l’effet sera limité. Mais il faut veiller à l’adéquation entre ce que les marques disent et ce qu’elles font. L’humilité est un élément crucial dans ce domaine, à moins de faire des choses phénoménales comme Patagonia, par exemple. La plupart des marques font des pas dans la bonne direction. Nous devons les encourager à aller plus vite et à en faire davantage, mais aussi leur conseiller de rester modestes dans leur communication. D’un autre côté, je pense que les militants sont parfois trop prompts à critiquer les entreprises qui communiquent sur leurs efforts en matière de développement durable. Bref, les entreprises devraient moins se vanter de leurs réalisations et les activistes devraient, eux, faire preuve d’un peu plus de patience.

Les compagnies gazières et pétrolières qui sont à l’origine de nombreux problèmes et qui, aujourd’hui, engrangent des profits exorbitants avec la crise, n’ont pas l’air de susciter une réelle indignation dans l’opinion publique...

 

Joke Claessen : Dans cette période de transition vers plus de durabilité, il est important de ne pointer personne du doigt. Yuval Noah Harari a pris la parole lors de la conférence sur le développement durable de Tomorrowland l’année dernière. Son conseil : éviter tout name and shame. Personne ne détient la vérité et les consommateurs n’attendent pas des entreprises qu’elles soient parfaites, mais bien transparentes et authentiques. Nous devons veiller à ce que le discours sur les entreprises ne devienne pas trop négatif. Si demain, un excellent produit qui peut vraiment faire la différence arrivait sur le marché, mais que nous avions entre-temps découragé les consommateurs, nous nous serions tiré une balle dans le pied. Nous devons faire entendre une voix positive qui redonne de l’optimisme aux gens.

Êtes-vous ouverts à des collaborations avec d’autres associations professionnelles ou des organisations luttant contre le changement climatique ?

Nicolas Lambert : BAM a la collaboration dans le sang. Pour notre livre vert, nous avons aussi invité des personnalités qui ne font pas partie de notre groupe de réflexion. Cette année, nous avons participé à un événement de Pub sur ce thème (Orbit by Pub, NDLR). En outre, BAM est membre de CommToZero, l’initiative lancée de concert par les associations marketing en Belgique autour de la durabilité. Les défis sont grands, et personne ne pourra résoudre ce problème tout seul.

Recrutez-vous de nouveaux membres pour votre groupe de réflexion ?

Nicolas Lambert: Nous sommes déjà assez nombreux, mais certains profils spécifiques sont toujours les bienvenus. Je pense aux jeunes marketers, aux personnes issues de milieux culturels différents, aux universitaires et aux personnes qui se retroussent vraiment les manches.

Joke Claessen : Notre groupe de réflexion agit à plusieurs niveaux, et je le considère surtout comme une source d’inspiration. Le noyau dur se compose de 18 personnes. Il existe également un cercle plus large qui prend la forme d’un groupe WhatsApp, où l’on s’échange des informations et des idées inspirantes. Enfin, nous avons des groupes sur LinkedIn et, bien sûr, les groupes Facebook de BAM.

Quelles sont les personnalités qui vous inspirent ?


Joke Claessen : Je m’intéresse de près au travail de Hans Stegeman, économiste en chef à la Banque Triodos. Ce qu’il fait très instructif, car il aborde les questions d’un point de vue économique. Une autre autorité d’un genre différent est Ruben Jacobs, le sociologue néerlandais qui a écrit le livre « De eeuw van Felix ».

Nicolas Lambert : Wim Vermeulen est sans conteste une référence en Belgique. Je suis également attentif à la voix des jeunes. Je soutiens l’organisation « Corporate Regenerations », qui forme des jeunes pour qu’ils puissent remettre en question et changer les approches de durabilité au sein des entreprises.

 

Vous souhaitez connaître les différents points de vue exprimés dans le livre vert du Think Tank Sustainability ? Téléchargez-le sans attendre !

A propos de cet article:

Date de publication: 13 février 2023

Editeur: Bart Cattaert - Spyke