Quand innovation rime avec collaboration !
Dans un monde où l’innovation se conjugue trop souvent au singulier, le livre de Fred Colantonio, « Innover à tous les coups… ou presque ! », modifie ce paradigme en mettent en avant l’importance du processus collaboratif dans tous les projets et tous les domaines. Bien vu et rafraichissant dans une époque dominée par la pensée unique… de l’innovateur unique, lui aussi.
Partons du titre du livre, tout d’abord, en équilibre instable entre provocation et stimulation. « On peut sans doute innover à tous les coups. Mais je n’ai, cependant, aucune prétention de dire aux lecteurs qu’ils deviendront forcément très innovants juste en lisant le livre », s’amuse l’auteur. « Le « presque » du titre relativisant d’ailleurs un peu les choses. »
Criminologue de formation, Fred Colantonio est donc un habitué des portraits-robots ! Une prédisposition dont il se sert au quotidien dans son job consistant à accompagner des entreprises sur la route du changement et de l’innovation. « J’ai donc souvent vu comment les gens réagissaient par rapport à l’innovation », a-t-il d’ailleurs coutume de dire.
Quand le storytelling raconte des… histoires !
Quand on plonge plus dans le détail, on constate que l’un des aspects essentiels du livre concerne la notion de « collaboration ». Et battrait donc en brèche le storytelling lié au mythe de l’innovateur unique et tout-puissant. Comme on nous le raconte trop souvent au sujet de Jeff Bezos et d’Amazon, de Mark Zuckerberg avec Facebook ou encore d’Elon Musk avec Tesla. Ce que confirme Fred : « En travaillant à mes précédents livres consacrés à l’individu, j’ai vite compris qu’il n’existait pas de réussite solitaire et durable à la fois. Bref, le mythe de l’entrepreneur génial frappé par la grâce relève surtout d’une vision romanesque des choses. Aujourd’hui, je pense que nous assistons à une horizontalisation des relations, permettant de davantage mettre en avant les agents collaboratifs. Nous arrivons dans une ère du temps où, heureusement, on valorise de plus en plus le travail d’équipe. En outre, les projets sont devenus si complexes, et le travail tellement fractionné, que, pour les mener à bien, la réponse à toutes les questions qui se posent vient de moins en moins d’une seule personne. Enfin, les délais de réalisation sont rapides. Il faut donc répondre vite aux questions qui se posent dans le cadre de ce fameux projet. Ce qui implique de multiplier les compétences. »
Mais ces belles histoires d’entrepreneurs omniscients racontées à longueur de programmes télévisés et de pages de journaux peuvent-elles quand-même mener à une certaine frustration dans le cadre des « numéros deux », éternels oubliés des affaires ? Et donc à des ralentissements dans les processus de création ou d’innovation ? Notre interlocuteur ne le pense pas: « Les gens qui travaillent derrière la sorte d’écran que constitue la personne dont tout le monde parle sont moins exposés et le peuvent généralement bien le vivre, justement pour cette raison. D’une part, tout le monde n’a pas cette appétence pour l’image. D’autre part, ils occupent les premières loges pour réaliser des dégâts qui peuvent survenir, justement, du fait d’une exposition exagérée. »
« Le coronavirus pourrait aussi ouvrir des portes ! »
Par ailleurs, un peu plus loin, le livre insiste aussi sur l’importance d’être capable de transformer des contraintes en opportunités. Et là, par ricochet et pure coïncidence, la meilleure illustration de la théorie développée dans ces pages nous vient peut-être de l’actualité immédiate. Puisque les modifications profondes de nos modes de vie induites par les mesures prises pour endiguer l’épidémie de Coronavirus nous poussent à innover au quotidien. « L’innovation future sera, de fait, intéressante à observer », confirme Colantonio. « Car il se produira un axe fédérateur de l’existant. »
Autrement dit, nous utiliserons sans doute mieux, et plus, des outils déjà existants comme « Skype », « Dropbox » et autres. Pas de réelle nouveauté au programme, mais cette crise donnera peut-être le déclic qu’il manquait encore aux utilisateurs récalcitrants. Nous serons donc davantage dans une accélération du mouvement. « Avec le vent dans le dos, nous utiliserons davantage toutes ces techniques que, pour la plupart, certains connaissent étonnamment encore mal aujourd’hui, alors qu’elles existent depuis des années. De plus, il n’est exclu de penser que certains vont lancer de nouvelles opportunités grâce à ces outils et à cette situation. Je le dis donc sans aucun cynisme, et avec tout le respect pour les gens confrontés à la maladie: si on considère la situation avec un peu de recul, le coronavirus pourrait, aussi, ouvrir des portes. »
De manière générale, d’ailleurs, si on se retourne un peu vers le passé, on réalise à quel point les grands innovateurs ont toujours tiré parti des circonstances extérieures, ou d’un changement de paradigme, pour créer. C’est, par exemple, IBM qui a fourni les cartes perforées à l’armée allemande durant la Seconde Guerre Mondiale. Avec le succès que l’on sait par la suite…
Pour autant, l’innovation géniale et planétaire n’est pas systématiquement souhaitable d’après l’auteur. « On n’est pas obligé d’imaginer le nouveau Facebook tous les jours ! Celui qui, un jour, a pensé à mettre un égouttoir dans un pot de cornichons est, lui aussi, un innovateur. »
Et puis, ne jamais oublier qu’innover ne représente que le début d’un processus. Comme le livre le souligne en mettant en avant la citation du PDG de Hewlett-Packard, Lewis Emmett Platt : « Quoi qui ait fait votre succès hier, il ne fera pas votre succès de demain. »
« Car, après le développement de tout concept novateur, il s’agira de vendre le produit, de le communiquer et, surtout, de le faire progresser… En fait, l’innovation, quel que soit le secteur et son ampleur, est une démarche qui ne s’arrête jamais. »
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A propos de cet article:
Date de publication: 27 mars 2020
Editeur: Bart Lombaerts