Le brand building revient en force !

Prendre le temps de développer sa marque en orchestrant des campagnes TV et presse ? Pour de nombreux marketers, il s’agit là d’une méthode totalement dépassée datant de l’ère prédigitale... À tort, estiment Peter Field et Wim Vermeulen. Les entreprises qui s’attachent à valoriser leur marque sans miser uniquement sur des campagnes d’activation à court terme sont beaucoup mieux parées pour l’avenir. Nous avons écouté leurs arguments et glané ensuite quelques réactions.

wim vermeulen peter field 600 - 250Peter Field et Wim Vermeulen

 

Nous sommes tous obnubilés par les stratégies à court terme et avons perdu de vue les campagnes à long terme qui permettent d’améliorer l’image de marque (en recourant le plus souvent aux médias traditionnels). Voilà, en synthèse, le discours tenu par Field et Vermeulen lors du premier événement organisé par BAM en 2019 : Marketing Effectiveness. Ce n’est sans doute pas un hasard si celui-ci s’est tenu à Medialaan, avec la collaboration de l’ABMA (Association belge des médias audiovisuels).

« L’importance excessive accordée au volet activation a différentes causes, analyse Field. Tout d’abord, il y a la pression des actionnaires, qui veulent une croissance démontrable chaque trimestre. Mais cette pression existe depuis très longtemps, donc elle n’explique pas tout. Un deuxième facteur, à mon avis, a été la crise financière de 2008-2009, lorsque de nombreuses entreprises sont passées en quelque sorte en mode survie. Le troisième facteur est l’essor des médias numériques et la croyance aveugle en la toute-puissance du digital. Les médias numériques sont très axés sur les données et conviennent parfaitement pour soutenir de courtes campagnes d’activation. »

Le court terme ne favorise pas le long terme

Le problème de cette approche à court terme est qu’elle ne soutient pas du tout les ventes et la croissance à long terme, explique Field. Pour étayer cette thèse, le Royaume-Uni a enquêté sur des centaines de cas dans le cadre des IPA Effectiveness Awards (les Effie britanniques). Les résultants sont éloquents : tout montre qu’une stratégie à long terme a tout intérêt à s’appuyer sur un développement cohérent de la marque. Ce n’est pas non plus une question d’être pour ou contre le digital. Field commente à ce propos : « Je ne suis certainement pas contre le digital, c’est une arme très puissante qui a fait ses preuves. Seulement... il ne permet pas de faire du brand building. »

Wim Vermeulen, auteur de l’ouvrage « Marketing for the Mad (Wo)Men of Tomorrow », est tout à fait du même avis. « Si vous faites une campagne d’activation, vous verrez un pic rapide des ventes, enchaîne-t-il. Mais une fois votre campagne terminée, vos ventes reviendront au même niveau qu’avant. Le graphique montre donc une succession de pics qui retombent à chaque fois. À long terme, on fait du sur-place. Les campagnes de branding fonctionnent autrement, comme une ligne souple qui monte lentement mais sûrement. Seule une publicité vraiment créative jouant sur les émotions permet d’obtenir ce résultat. »

De l’argent jeté par les fenêtres

Une publicité vraiment créative jouant sur les émotions... cela fait longtemps que nous n’avions plus entendu un tel discours. Un entrepreneur comme Gary Vaynerchuk, qui considère chaque dollar alloué à la publicité classique comme de l’argent jeté par les fenêtres, a depuis belle lurette tourné le dos à cette logique. Field, qui est pourtant un gentleman jusqu’au bout des ongles, a du mal à ne pas traiter Vaynerschuk d’idiot. « Pour développer une marque, il faut un contexte émotionnel, estime-t-il. De la publicité qui soit drôle, surprenante et touchante. Pour ce faire, les meilleurs canaux sont encore la presse, la télévision et la radio. Les gens veulent qu’une marque les aide à se sentir bien. Quand c’est le cas, les effets sont toujours au rendez-vous : tant les ventes que les marges des marques fortes augmentent. Les entreprises qui négligent le brand building finissent toujours par en pâtir. Prenez le cas d’AA (le Touring Secours britannique, NDLR) : elle a négligé sa marque pendant des années, ce qui a conduit un très grand nombre de clients à lui tourner le dos. La société était au bord de la faillite, mais a réussi avec un seul spot télévisé à renverser la tendance.

Trouver le bon équilibre

Field estime que le bon ratio entre brand building et activation est d’environ 60/40. Les entreprises qui consacrent 60 % de leur budget au branding et 40 % à l’activation sont sur la bonne voie. Quoique cela ne soit pas aussi simple que cela. « Il faut aussi prendre en compte de nombreux facteurs. S’agit-il d’une start-up ou d’une entreprise solidement établie ? Quel est son secteur d’activité ? Quel genre de produits vend-elle ? Et de quelle manière ? Je ne suis pas du tout ici pour faire la promotion de mon livre, mais le fait est que tout cela est très bien expliqué dans "The Long and Short of it" (rires). »

Si ce rapport entre activation et brand building est à ce point important, il est logique que notre moi pragmatique se pose la question de savoir si l’on peut atteindre les deux objectifs en une seule et même campagne. Histoire de faire d’une pierre deux coups. Field sourit avec bienveillance. « Deux messages différents, pour deux buts différents, dans deux médias différents... ça ne marchera pas, je le crains. Je pense que vous risquez surtout de rater à la fois votre activation et votre brand building. »

La base du métier

Pendant les interventions de Field et de Vermeulen, nous avons pu voir et entendre beaucoup de marques d’approbation dans la salle. Une impression confirmée par la suite en glanant quelques réactions. « Je suis heureuse d’entendre affirmer clairement que le brand building reste la base de notre métier, lance Pauline Helsen, chef de produit chez Lotus Bakeries. Les consommateurs reçoivent une avalanche de messages les plus hétéroclites. C’est à nous de veiller à rester cohérents avec nos valeurs. J’ai trouvé le discours de Field passionnant de bout en bout. »

Même enthousiasme chez Martine Van Leuvenhaeghe d’Altius Advocaten : « Il me semblait bien que l’on exagérait l’importance du digital. Je mettrai dès demain en pratique au bureau ce que j’ai appris ici. Il y a plusieurs points qui nous seront certainement utiles à l’avenir. »

Bram Goossens, doctorant à l’université d’Anvers, n’a pas eu vraiment l’impression d’entendre quelque chose de nouveau, mais a trouvé intéressant de voir comment les entreprises réagissaient aux changements du marché. « C’est une perspective très intéressante pour nous, réagit-il. Le brand building regagne clairement du terrain. En tant que chercheur universitaire, j’ai particulièrement apprécié le fait que Field fonde sa démarche sur des faits avérés (rires). »