Entretien avec Aaron Hurst sur l’économie du sens

Spécialiste de l’économie du sens, auquel il a consacré un ouvrage en 2014, Aaron Hurst s’est rendu pour la première fois en Belgique. Nous lui avons posé quatre questions.

Aaron Hurst

 

Comment définiriez-vous l’économie du sens ?

À mon avis, il est extrêmement important de ne pas y voir une sous-économie parmi tant d’autres. Non, il s’agit réellement d’une nouvelle ère dans notre histoire. Après l’économie agricole jusqu’en 1750 environ, il y a eu l’économie industrielle, qui a duré deux siècles. À partir du milieu du siècle dernier, l’économie de l’information a pris le relais. Maintenant, l’économie du sens s’y substitue peu à peu. Cette transition doit constituer une des grandes priorités des entreprises.

Trois choses sont d’une grande importance dans l’économie du sens : les relations, l’impact et l’épanouissement personnel. Les entreprises doivent garder cela à l’esprit si elles veulent attirer et fidéliser leurs clients. Logiquement, elles doivent ajuster leurs budgets pour répondre à ces nouveaux accents.

Comment expliquer l’émergence de l’économie du sens à notre époque ?

Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, l’économie de l’information a entraîné une hausse significative du nombre de travailleurs du savoir. Ceux-ci occupent une position très forte au sein des entreprises, au point même de détenir plus de pouvoir que le management. Ils sont à la recherche de valeur ajoutée et, si les entreprises veulent retenir les talents, elles doivent suivre le mouvement.

Par ailleurs, les femmes jouent désormais un rôle beaucoup plus grand dans l’économie et le management. Or, elles attachent beaucoup d’importance à la question du sens.

En outre, les réseaux sociaux et les progrès technologiques ont renforcé la transparence. Cela pousse de nombreuses personnes à étaler leurs ambitions et à vouloir inspirer les autres. Cela accroît également le besoin de valeur ajoutée et de sens. Étant donné que ce sont les gens qui font et défont l’image des marques, il est logique que celles-ci soient aussi inspirantes.

D’autre part, nos peurs ont changé. Dans le passé, nos angoisses existentielles étaient personnelles : n’allions-nous pas mourir de faim ? La guerre n’allait-elle pas nous anéantir tous ? Aujourd’hui, le climat est notre principale frayeur. Or, tout le monde peut contribuer à sa préservation !

Enfin, on constate qu’aux États-Unis les pouvoirs publics sont de plus en plus impuissants. Les ONG peuvent prendre le relais, mais aussi les entreprises. Raison de plus pour partir en quête de sens.

Quel rôle le marketing peut-il jouer ?

Le marketing est la voix des entreprises. Le département marketing est donc le mieux placé pour répondre aux trois motivations des gens et constitue le levier idéal pour à la fois relier les gens entre eux, les aider à avoir un impact et les assister dans leur épanouissement personnel.

Il va sans dire que l’authenticité est essentielle à cet égard. Le principal test consiste selon moi à vérifier s’il existe une relation claire entre les investissements en marketing et les investissements en lobbying. Les entreprises qui prétendent œuvrer en faveur du développement durable tout en faisant pression pour conserver des activités polluantes affichent une conduite diamétralement opposée à l’éthique. De nos jours, une telle attitude est sévèrement sanctionnée.

Est-ce que la superficie réduite de la Belgique est un avantage pour les entreprises ?

Je pense que oui. Aux États-Unis, nous vivons selon le principe « not in my backyard », aussi appelé syndrome Nimby… Les gens se fichent de ce qui ne les touche pas directement. Une telle attitude est impossible en Belgique, car la communauté est réduite et très soudée. Ce que vous faites a un impact sur vos enfants et petits-enfants. Les gens sont attachés à leur ville et à leur pays. C’est d’une importance vitale.

Par ailleurs, les services sont très développés en Belgique. Plus facilement que les produits, ces services permettent de créer du lien. Votre pays a tout intérêt à exploiter cette situation.

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