Le marketing agile, une stratégie gagnante ?

Dans le monde de l’informatique et des logiciels, le terme « agile » est utilisé depuis longtemps, mais il apparaît aussi de plus en plus souvent aujourd’hui en marketing. Qu’entend-on exactement par « marketing agile » et en quoi celui-ci peut-il être intéressant ? Et surtout : est-il vraiment rentable ? « L’objectif est de décloisonner les différentes disciplines du marketing. »

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La méthode agile a fait son apparition il y a une quinzaine d’années dans le monde du développement de logiciels. L’idée consiste à décomposer de grands projets en sous-projets plus faciles à maîtriser, sur lesquels on travaille pendant une période courte et intense (les « sprints »). Les principaux avantages de cette méthode sont une plus grande facilité pour estimer le coût et la durée de développement des projets, la réduction du risque d’échec en cas de grands projets complexes et la possibilité pour les membres de l’équipe de travailler en petits groupes de personnes motivées et engagées. Bon nombre de ces caractéristiques se retrouvent également dans le marketing agile.

IBM est l’une de ces entreprises qui ont fait de l’agilité un pilier de leur marketing. « Dans le passé, le marketing était un département où de nombreuses personnes travaillaient sans faire équipe, explique Angelique Trenson, responsable marketing chez BeLux IBM. Chacun avait spécialité : le marketing digital, le marketing de terrain, le marketing social, etc. Tous ces experts faisaient leur boulot sans tenir compte des activités des autres. L’objectif est aujourd’hui de décloisonner ces spécialités pour que tout le monde puisse collaborer au sein de petits groupes. Le management laisse aussi une plus grande liberté à ces équipes, qui sont elles-mêmes responsables de nombreux aspects. C’est la meilleure façon de les motiver. Elles peuvent déterminer elles-mêmes leurs objectifs jusqu’à un certain point, aussi longtemps qu’elles placent le client au centre de leurs préoccupations et se basent sur l’analyse des données. Une telle façon de travail entraîne toutefois un bouleversement en termes de culture d’entreprise qu’il convient d’accompagner de façon adéquate. C’est ce que nous avons constaté chez IBM. La gestion du changement et une bonne communication sont donc vitales. »

Et Trenson de poursuivre : « Le grand avantage de cette approche est que l’on peut s’adapter plus facilement grâce à ces méthodes agiles. L’entreprise peut surfer beaucoup plus aisément et efficacement sur les nouvelles tendances et attentes du marché. Comme les retours d’expérience sont nombreux, on peut aussi rapidement ajuster le tir quand quelque chose ne fonctionne pas. Un deuxième avantage important est l’amélioration de la culture de travail. En effet, chaque membre de l’équipe assume une partie de la responsabilité du résultat final. »

Philipp Hansmann, IBM iX BeLux Leader, remarque que l’agilité ne progresse pas seulement dans le marketing, mais aussi dans bon nombre d’autres services de l’entreprise. « Cette démarche se retrouve notamment dans les ressources humaines, et même dans le développement de produits. Ainsi, l’un de nos clients a mis au point un nouveau produit d’assurance vie en créant une équipe constituée d’un spécialiste produit, d’un marketer, d’un juriste, d’un informaticien… et en répartissant entre eux les différentes parties du processus. Résultat : l’élaboration d’une police d’assurance vie, qui prend normalement une quinzaine de mois, n’a demandé ici que trois mois. »

Hans Van Eemeren, partenaire de l’agence numérique Intracto, est bien conscient de l’enthousiasme que suscite l’agilité. « C’est un moyen de faire face aux évolutions du monde qui nous entoure, considère-t-il. Autrefois, le marketer faisait la pluie et le beau temps ; aujourd’hui, c’est le consommateur. Pour les praticiens traditionnels, ce changement peut faire peur en raison de la perte de contrôle. Mais la nouvelle génération de marketers a grandi avec le digital et, pour elle, des concepts tels que « expérience de marque », « histoire » et « authenticité » sont relatifs. Qu’un logo soit beau ou laid leur importe peu, car tout est piloté par des algorithmes. Selon moi, le marketing agile se situe entre les deux et tente de jeter des ponts entre ces visions. Il s’agit d’expérimenter et de tirer les leçons en impliquant étroitement tous les intervenants. »

Si Van Eemeren ne va pas jusqu’à considérer le marketing agile comme la panacée, il estime cependant que tout marketer digne de ce nom se doit de mener une réflexion sur ce genre de méthodes. Et ce, sans porter atteinte aux valeurs traditionnelles et sans négliger non plus les aspects de vision et de stratégie. « Le marketing est devenu hyperpersonnalisé, c’est vrai, mais je pense que toute entreprise doit continuer à prendre position. Quelle peut bien être votre crédibilité si vous misez à fond sur le prix pour l’utilisateur A et ne jurez que par la durabilité pour l’utilisateur B ? C’est une façon de faire qui n’inspire guère confiance. »

Il faut aussi se rendre compte que certains secteurs et entreprises se prêtent mieux à l’adoption de ces méthodes agiles, observe encore Van Eemeren. « Je pense qu’elles sont les plus efficaces dans les secteurs où règne une culture bottom up, dit-il. Mais ce n’est pas toujours le cas. Cette approche me semble ainsi très utile dans le secteur des banques et assurances, alors qu’il s’agit d’un secteur à culture essentiellement top down. Il faut aussi toucher un public d’une certaine taille pour pouvoir récolter un nombre suffisant de données. On pense alors immédiatement aux marques grand public. Si votre entreprise n’est pas adaptée à cette façon de travailler, cela peut engendrer de nombreuses frustrations. Et n’oubliez pas que modifier la culture d’entreprise est très difficile. »

Quoi qu’il en soit, l’agilité est en train de gagner du terrain, conclut Hansmann. « Les entreprises commencent à se rendre compte que les gains d’efficacité réalisés en informatique peuvent aussi être réalisés dans d’autres départements, même créatifs. C’est un phénomène encore récent, mais qui va sans aucun doute se développer. »

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