Marketing pour boomers : the good, the bad and the ugly
Malgré son pouvoir d’achat considérable, la génération du baby-boom retient à peine l’attention des professionnels du marketing et de la communication. Un oubli impardonnable, selon Filip Lemaitre, Stefan Doutreluingne et Dominique Vercraeye, qui ont coécrit notre livre marketing du mois de mai, « Boomer Business ». Pour vous mettre en appétit, les auteurs font le point sur les écueils à éviter et proposent quelques exemples inspirants.
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Jusqu’il y a peu, la DEI figurait en bonne place dans l’agenda de toute entreprise soucieuse d’être en phase avec son temps. Pourtant, force est de constater qu’une catégorie d’âge passe systématiquement à la trappe : nous voulons parler des « boomers », étiquette que l’on a pris l’habitude de coller sur le front de toute personne ayant dépassé le cap des 50 ans.
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Manifestement, passé ce cap, ces consommateurs n’intéressent plus personne, que ce soit sur le plan commercial ou social. Et ce, alors qu’ils représentent plus de la moitié de la population ! Les produits et les services les boudent, sans parler de leur absence criante dans le marketing et la publicité. On dirait que seuls comptent les 18-44 ans. Résultat : on passe à côté d’un immense marché…
The bad : condescendance et discrimination
Quand les marques font quand même l’effort de s’adresser aux boomers, le résultat est souvent décevant. « Les contre-exemples sont malheureusement légion », constate Filip Lemaitre, associé de bureau50 et coauteur de « Boomer Business ». « La première chose qui me vient à l’esprit est ce spot pour Delhaize (2024) où l’on voit un grand-père ingénu qui n’a jamais entendu parler d’aliments comme le halloumi ou les pois chiches et qui est gentiment raillé par ses petites-filles. Une publicité sans doute réalisée avec les meilleures intentions, mais qui fonce droit dans le cliché. »
Et que dire de la campagne récente pour le billet senior de la SNCB, où un voyageur âgé se fait redresser la casquette par un jeune passager, comme s’il ne pouvait pas le faire lui-même ? « Il n’y a rien de mal à ajouter un clin d’œil ou une touche émotive, mais il faut absolument éviter les stéréotypes négatifs sur les générations : ils ont un effet contre-productif et peuvent même être très blessants », souligne Filip.
En guise d’illustration, jetez donc un coup d’œil au spot néerlandais Boost your boomer with Gen Z power (2025) de Young Capitals. Pour comprendre à quel point celui-ci est discriminatoire et carrément raciste, il suffit de remplacer « boomer » par n’importe quel autre groupe minoritaire. C’est scandaleux, et s’il s’agissait d’un spot belge, il aurait sans aucun doute fait l’objet d’une réclamation auprès du JEP.
The good : humour et identification
Au lieu d’opposer les générations entre elles, il est beaucoup plus intéressant de montrer ce qui les relie, estime Dominique Vercraeye, également associé de bureau50 et coauteur du livre. Selon lui, nous vivons aujourd’hui dans un monde où les différences intergénérationnelles s’effacent pour faire place à un mode de vie partagé par tous les âges. « D’autant que la catégorisation générationnelle ne tient pas compte de l’impact de l’air du temps, qui est bien plus considérable que l’âge d’un individu », souligne Dominique.
On trouve un excellent exemple de ce pouvoir de connexion dans la campagne australienne « Lamb Day » (2024), qui se moque avec brio de la soi-disant fracture générationnelle. « Elle n’exacerbe pas les différences, mais les met en perspective en soulignant les attentes et les préférences communes », approuve Dominique. Plus près de chez nous, il cite le spot « Monsieur Jacques » dans le cadre du rebranding de Crelan (2023). « Les protagonistes sont de tous âges et partagent les mêmes émotions : dans ce cas, l’émerveillement devant l’approche personnelle de la banque qui répond à notre besoin universel d’estime. »
Pour créer ce lien, un humour léger ou un clin d’œil complice qui facilite l’identification peut être un allié précieux, comme en témoignent le spot « Born to be wild » de Mercedes (2017) ou la campagne « Forever Young » de Volkswagen (2021).
En jouant avec les codes et en se concentrant sur les avantages plutôt que sur les inconvénients on peut également obtenir un résultat attrayant qui séduit à la fois le public cible et ceux qui n’en font pas partie. On en trouve un splendide exemple dans la campagne géniale d’AKQA pour Becks bitter beer 70+ d’ABInbev (2023), une bière réservée aux buveurs « mûrs » en raison de son amertume prononcée. En effet, le goût de l’amertume diminue avec l’âge… La campagne parvient à en faire une condition convoitée pour pouvoir savourer le produit. Comme quoi, il est possible de s’y prendre autrement.
Tout sauf the ugly : les opportunités de la colonne des âges
Si cette sous-représentation ne date pas d’hier, cette évolution démographique irréversible appelle clairement à changement de mentalité.
« Nous passons d’une pyramide à une colonne des âges, en raison de deux phénomènes simultanés : l’allongement de l’espérance de vie, d’une part, et la baisse de la natalité, d’autre part. Notre société comptera bientôt autant de personnes âgées que de jeunes », analyse Stefan Doutreluingne, également associé de bureau50 et coauteur du livre.
Cette évolution n’est pas sans risques, mais elle offre également diverses opportunités. « Pour pouvoir en tirer parti, il faut oser remettre en question certaines normes sociales, en redéfinissant par exemple des concepts tels que les soins de santé, la maison et le travail. Il faut concevoir différemment les produits et services pour n’exclure personne. »
Et de citer l’exemple de Lyft, le BlaBlaCar des États-Unis. Lorsque l’entreprise a voulu rendre son application plus conviviale pour les utilisateurs plus âgés en lançant la version Lyft Silver , elle a heureusement compris que cela ne pouvait pas se limiter à des icônes plus grandes et des lettres plus lisibles. Elle a ajouté de nouvelles fonctionnalités : par exemple, l’application tient compte la facilité d’entrer dans les véhicules et d’en sortir, et c’est pourquoi elle ne propose pas de pickups à cette catégorie de clients. L’appli devient ainsi plus inclusive, non seulement pour les utilisateurs plus âgés, mais aussi pour les clients handicapés.
Même raisonnement chez Ikea avec sa collection « Bäsingen », qui inclut six articles de salle de bains adaptés aux besoins spécifiques des personnes à mobilité réduite : une chaise de douche, deux marchepieds avec poignées, un porte-serviettes, une étagère de douche et un porte-rouleau de papier hygiénique. Et comme la conception allie fonctionnalité et esthétique, elle est susceptible de plaire à tous, mobiles ou moins mobiles.
« Toutes les parties prenantes – citoyens, décideurs politiques, scientifiques et marketeurs (de tous âges) – doivent réaliser ces changements et en dégager les opportunités : pour l’économie, mais aussi pour offrir à tous une meilleure qualité de vie. N’est-ce pas là le summum de l’inclusion ? Les marketeurs devraient se trouver en première ligne. » À bon entendeur…
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