Les prévisions futuristes des agences

Comment les agences envisagent-elles leur rôle dans le futur ? Doivent-elles se réinventer ? Qu’est-ce qui doit changer ? Dans quelle mesure la technologie sera-t-elle décisive ? Nous avons posé la question à six agences, chacune ayant son propre point de vue sur la question.

 

marketing 2030

  

- Katleen Peeters, Outsource Communications

- Peter Vande Graveele, Serviceplan

- Eric Hollander, AIR Brussels

- Brice Le Blévennec, Emakina Group

- José Fernandez, Dentsu Aegis Network

 

Katleen Peeters, Outsource Communications

« Vous devez avoir une capacité de résolution de problèmes gigantesque »  

« Nous aidons les entreprises avec leur communication, le marketing et les RP en B2B. Nous avons commencé comme agence marketing pour évoluer vers les RP et, aujourd’hui, nous assurons les trois facettes du métier. Traditionnellement, vous trouverez des agences généralistes. Mais nous essayons de constituer une équipe de personnes ayant des vues généralistes et d’experts. Personne ne peut être spécialiste en tout, mais nous devons pouvoir conseiller nos clients dans tous les domaines qui touchent la communication, le marketing et les RP. Nous devons réfléchir de manière intégrée. Nous investissons beaucoup dans la formation de nos collaborateurs, car leurs connaissances ont tendance à vieillir rapidement. »

« Le principal défi ? Rester plus intelligent que le client » explique Katleen Peeters. « C’est une évidence dans notre domaine. La manière dont les agences se regroupent va changer dans les années à venir. Mais il restera une constante : les clients continueront à se faire conseiller par des structures externes. Tant que les marques auront besoin de conseils, il y aura une place pour les agences. Pour autant qu’elles entretiennent leurs connaissances et qu’elles en fassent bénéficier le client. Elles doivent avoir une solution pour tout. Dans notre cas, il s’agit d’une combinaison d’expertise interne avec un réseau géant de spécialistes. En tant qu’agence, vous devez avoir une capacité de résolution de problèmes gigantesque. »

 

Peter Vande Graveele, Serviceplan

« Les clients attendent de plus en plus que nous soyons des partenaires professionnels »

« Je dis toujours que les datas sont le pétrole du troisième millénaire. C’est l’avenir et c’est là que vous ferez la différence. Auparavant, les datas étaient ce que vous aviez vous-même récolté ; aujourd’hui, c’est également une manière d’apprendre à connaître des gens que vous ne connaissez pas encore et qui ne se trouvent pas encore dans votre base de données. Vous devez les contacter à l’aide d’une offre puissante et personnalisée. Ce sera, à mes yeux, la plus importante des évolutions. Vous ne pouvez rien faire de bon si vous n’avez pas les bonnes données. La créativité seule n’est plus suffisante. Pour être efficace, vous avez besoin de données exploitables sur les consommateurs que vous souhaitez atteindre. »

« Serviceplan est un groupement d’agences couvrant différentes disciplines. Nous pouvons ainsi proposer une large expertise. Cela nous permet également d’innover. Nous ne voulons pas standardiser notre travail. Raison pour laquelle nous continuons à travailler en alignant différents boosters les uns à côté des autres. En séparant les différentes disciplines et en intégrant de nouvelles tâches au sein du groupe, nous continuons à progresser. Toutefois, nous les gardons toutes ensemble, dans une même house of communications. Les agences seront, à l’avenir, de plus en plus des consultants en business. Nous bâtissons des marques et fournirons ainsi une valeur commerciale aux entreprises. Cela va bien au-delà de l’impact des campagnes d’aujourd’hui. Les clients attendent que nous devenions des business partners. Auparavant, les publicitaires créaient deux campagnes par an et c’était tout. Aujourd’hui, nous en faisons beaucoup plus. »

 

Eric Hollander, AIR Brussels

« Le temps ne s’est pas raccourci, pas pour les agences… »

Eric Hollander, Chairman - Executive Creative Director, AIR Brussels: « On entend partout que le temps se raccourcit. C’est sans doute vrai pour le consommateur qui est immergé dans un monde digital en mutation permanente. Pas pour l’agence qui est impliquée dans le même monde, mais qui, pour être efficace sur les multiples touchpoints à gérer, doit s’y prendre bien plus en avance. Nous construisons aujourd’hui des agences ‘Hyper’. En effet, nous devons être hyper polyvalents, hyper spécialisés, hyper ouverts au risque, hyper flexibles et gérer une hyper mesurabilité des campagnes. Nous créons des communications omnichannels et nous devons être efficaces sur tous les supports.

Toutefois, 70% de notre métier reste prévisible. Si je caricaturais, je dirais que Noël tombera toujours le 25 décembre et que les annonceurs souhaiteront toujours répondre au besoin – dans notre exemple – d’économie post-festivités du consommateur. L’insight est toujours le même. C’est le contenu créatif qui va devoir s’adapter aux différents canaux utilisés. Les agences, pour vivre dans ce monde en pleine transformation, doivent multiplier les compétences. Chez Air, nous avons créé un poste de Connection planning.

Il est primordial puisque c’est grâce à lui que l’on pourra diffuser un message au bon endroit, au meilleur moment. Pour atteindre cet objectif, nous vivons une hyper prise de risque, car nous investissons dans des secteurs qui ne produisent pas forcément de revenus. L’idée est de pouvoir intégrer les différents métiers et d’apporter une solution globale à nos clients. Ces derniers veulent pouvoir faire du One stop shopping, même en matière de communication. Notre mode de fonctionnement change aussi. Si, avant, nous mettions en place des processus, nous sommes de plus en plus souvent obligés d’adopter la technique du ‘j’essaye puis je corrige les erreurs’.

Le cadre de référence, auparavant immuable, est aujourd’hui mouvant. En fait, nous devons considérer que les consommateurs sont, depuis leur cuisine, tous devenus des directeurs marketing en puissance. Du coup, nos idées doivent être plus fortes et exister de manière autonome en différents touchpoints. Le métier d’une agence reste d’étonner et de raconter des histoires. Si elle en fait pas ça, elle n’a pas de raison d’être. Mais nous devons aussi garder à l’esprit que nous ne pouvons plus être créatifs pour être créatifs, mais parce que cela génère du business ! »

 

Brice Le Blévennec, Emakina Group

« Nous devons nous adapter tous les six mois à l’évolution technologique »

« Le changement est quotidien. En tant qu’agence, nous devons être à l’écoute de celui-ci et lui apporter une réponse intégrée, mais aussi adaptée. Nous sommes de facilitateurs de changement pour nos clients. Nous étudions les habitudes du consommateur et si le cadre reste le même, la forme doit changer continuellement. L’émergence de l’Internet mobile et des réseaux sociaux a apporté une rupture technologique. Les agences ne créent pas le changement, mais apportent des solutions aux annonceurs qui doivent vivre ces changements, » dit le CEO.

« Notre métier est et restera de déterminer où la transformation digitale peut être bénéfique à la marque. Nous devons traduire les changements en opportunité pour les marques qui nous font confiance. Désormais, les agences peuvent gagner en jouant sur le temps et la qualité de l’expérience consommateur offerte. Cette expérience passe par une multitude de points de contact.

L’annonceur nous demande de le placer partout sur le parcours du consommateur. Il voit en nous un interlocuteur responsable qui le guide dans un monde qu’il ne connaît pas. La digitalisation impose l’intégration dans nos agences d’une multitude de métiers. Certaines campagnes nécessitent de faire évoluer 36 systèmes différents vers une seule et même plateforme. En intégrant tous les outils en un même lieu, on sera plus en mesure de maîtriser la chaîne dans sa globalité. »

 

José Fernandez, Dentsu Aegis Network

« Nous devons apporter des réponses rapides sans perdre en qualité »

Chief Commercial Officer José Fernandez: « Les journées font toujours 24 heures, mais les communications entre marques et consommateurs se sont considérablement accélérées. Là où, voici quelques années à peine, nous pouvions attendre une réponse durant quelques jours, celle-ci doit être aujourd’hui apportée dans l’heure. En tant qu’agence, nous disposons de moins en moins de temps pour apporter des réponses rapides et judicieuses.

La qualité d’une agence se mesurera à sa capacité d’une part à dire non aux projets qui ne répondent pas à sa philosophie, mais aussi à garder l’esprit clair. Ne succombons pas aux sirènes de la mode qui amènent le plus souvent à des propositions creuses et déjà vues. Nous avons une discipline à acquérir qui permettra de nous impliquer pleinement dans les projets et de ne jamais faire l’économie de la qualité pour nos clients existants. Une chose est immuable : le consommateur est en quête de réactivité. Et celle-ci doit être forte et pertinente. Les agences vont ainsi devoir se tourner vers l’automatisation et l’intelligence artificielle pour gérer au mieux cette multiplicité de flux conversationnel. Cela se situe dans le rapport que la marque aura avec son client, mais aussi entre les agences dont les investissements médias seront gérés quasiment en temps réel en fonction des besoins de l’annonceur.

La vie des agences ne sera pas un long fleuve tranquille dans les années à venir. Mais elles resteront – si elles parviennent à s’adapter à la transformation digitale – indispensables. D’une part, parce qu’elles apporteront des solutions créatives pour sublimer l’expérience du consommateur. D’autre part, parce que la complexité technologique est telle que seuls des experts permettront de détecter les tendances génératrices de business et leur apporteront des solutions efficaces. Le client des agences a besoin d’accompagnement.

En créant Dentsu Consulting, nous entendons jouer un rôle de facilitateur. Nous ne parlons plus de création, mais de business soutenu par cette créativité. Bien évidemment, à l’horizon 2030, les agences seront composées d’experts capables de fusionner les smart data afin de mieux comprendre la Customer Journey. C’est une évidence : notre métier est de plus en plus technique. Il faut juste garder à l’esprit que l’émergence de l’Internet mobile et des réseaux sociaux a radicalement transformé le consommateur. L’intelligence artificielle, aujourd’hui, ne fait qu’accélérer un mouvement initié il y a des années déjà. Sans doute devrons-nous un jour avoir une réflexion plus philosophique de l’impact de la technologie sur la civilisation. »