Congrès : Joe Pulizzi chauffe l’auditoire

Joe Pulizzi a ouvert le BAM Marketing Congress, une tâche délicate dont il s’est acquitté avec brio. Il a conseillé aux marketers de faire des choix clairs. Nous avons eu un entretien avec cet homme qui a présidé à la naissance du content marketing.

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Le congrès avait pour thème « embracing uncertainty ». L’incertitude est-elle un risque pour les marketers ?

Cela fait maintenant presque 25 ans que je fais ce métier. L’incertitude a toujours existé dans le marketing. Mais il ne fait aucun doute qu’elle est un peu plus grande aujourd’hui parce que le fantôme de la récession rôde autour de nous. En même temps, c’est une formidable opportunité. Dans ces circonstances, beaucoup d’entreprises se crispent. Elles se disent : « surtout, ne changeons rien à nos façons de faire et évitons les risques ». Mon conseil : faites le contraire et lancez de grandes initiatives de content marketing. C’est le moment idéal, car on dispose justement d’une plus grande marge de manœuvre.

La crise serait-elle synonyme de potentiel pour le content marketing ?

En effet, jusqu’à présent, les crises ont toujours été bénéfiques pour cette discipline. Les marketers peuvent se borner à orchestrer des campagnes quand les consommateurs disposent d’un budget suffisant. Les gens achètent de toute façon, ils sont « en mode achat ». Mais lorsque ce n’est plus le cas, il faut prendre des décisions importantes. Et cela paie.

Regardez Red Bull. Tout le monde parle de cette marque. Mais quand est-ce que son marketing a fait un tabac ? Pendant et après la crise financière de 2008. L’entreprise a lancé un magazine en 2005, mais il n’a vraiment décollé qu’en 2010, 2011. D’ailleurs, jusque-là, personne ne parlait de content marketing. Et la pandémie de coronavirus a également été un accélérateur.

Nous sommes à deux ans du moment où la magie va opérer. Mais pour cela, il faut élaborer sa stratégie dès maintenant et se lancer. Il faut se demander ce qu’il faut faire pour avoir le maximum d’impact pour les consommateurs et être rentable dans les deux ans.

Comment évaluez-vous la situation actuelle du content marketing ?

Tout le monde s’en fait une idée et tente sa chance. Mais seuls 5 % s’y prennent correctement. Le problème est que l’on se concentre encore trop sur les campagnes. Quelle occasion manquée ! On se constitue une audience et ensuite on dit aux gens : « Désolé, je vais vendre quelque chose d’autre. Je me fiche de ce que vous en pensez. » Après cela, il est bien sûr difficile de repartir de zéro.

Autre problème : tout le monde veut être présent dans tous les canaux. Une approche efficace du content marketing exige que l’on soit à l’écoute de chaque canal, mais que l’on sélectionne ceux où il convient de publier ses contenus. Le fait que l’on ne respecte pas ce principe explique la médiocrité des contenus produits ces dernières années. Cette omniprésence ne suffit pas pour construire une communauté, susciter l’engagement et vendre.

Voyez-vous des opportunités ?

Le content marketing demande des efforts suivis, mais cette réalité n’est pas encore suffisamment comprise en Belgique. Il ne s’agit pas de créer du contenu pour son marketing, mais de faire du marketing de contenu, de changer les comportements à long terme. Créer du contenu pour son marketing, c’est juste… du marketing.

Entraîner un changement de comportement à long terme prend bien sûr du temps. Il faut compter 12 à 18 mois avant de pouvoir observer et mesurer les résultats. Quand on ne dispose pas de ce temps, mieux vaut s’abstenir. Go and interrupt people.

Vous préconisez également de rechercher le content tilt, le moment où le contenu crée un effet boule de neige. Comment un marketer peut-il le trouver ?

Il doit se rendre compte qu’il lui faut surmonter l’obstacle de l’énorme encombrement de contenus. Il doit impérativement sortir du lot. Qu’il cherche un créneau où il peut répondre aux besoins et attentes mieux que ses concurrents. Les marketers n’aiment pas trop cela, parce qu’ils veulent ratisser large. Aucun problème, à condition de partir de ce créneau. C’est par là qu’il faut commencer.

Concrètement, demandez-vous où vous pourriez vous différencier. Peut-être qu’aucun de vos concurrents n’est sur Twitch ou ne diffuse des podcasts ? Il faut toujours partir de son content mission statement. Que faisons-nous ? Pour qui ? Dans quel but ? Nous ne nous posons pas assez ces questions.

Une méthode efficace consiste à abandonner le rent pour le own. Un mot d’explication ?

Les marketers sont très présents sur les réseaux sociaux, mais sans se rendre compte qu’il ne s’agit pas de leur propre public. Ce ne sont pas leurs followers, mais ceux de Facebook, Instagram ou Twitter. Les annonceurs ne font qu’emprunter des contacts à ces plateformes.

Ce sont ces réseaux qui contrôlent la distribution, les données… Et ils peuvent changer les règles, ce qu’ils n’hésitent d’ailleurs pas à faire. Les marques se retrouvent alors impuissantes. Ou il peut arriver que l’un de ces canaux disparaisse ou soit bloqué par les autorités. De nombreux États américains ont déjà interdit TikTok, alors que certaines marques y avaient investi beaucoup d’argent…

Les marketers doivent donc s’efforcer de collecter des first party data, de se constituer une audience de personnes qu’ils peuvent eux-mêmes contacter parce qu’ils disposent de leur adresse e-mail ou physique.

Enfin, que peuvent apprendre les marques des créateurs de contenus, qui connaissent souvent un grand succès ?

Ces créateurs font preuve d’une cohérence admirable pour diffuser leurs contenus. Ils donnent rendez-vous à leur public à des moments bien déterminés. Ils sont engagés.

Et ils inspirent la confiance plus rapidement que les marques. Pourquoi ? Parce qu’ils osent adopter une attitude franche : on les aime ou on les déteste. Les marques ont peur de prendre une position aussi marquée.

Mais les marques peuvent profiter de la compétence des créateurs de contenus. En effet, ceux-ci ont du mal à monétiser leur audience. Les marques peuvent racheter une agence de content marketing. C’est un phénomène qui se produit de plus en plus fréquemment.

A propos de cet article:

Date de publication: 15 décembre 2022

Editeur: Bart Lombaerts