Destination Innovation !

Parce que la recherche de nouvelles pistes et solutions implique, forcément, le droit de tester, de se tromper et de prendre le temps de partir à la pêche aux bonnes idées à travers toute l’entreprise, les « Innovation Labs » sont de plus en plus prisés ! Mais le brassage des suggestions doit, lui aussi, se gérer…

Untitled design (2)

 

Cette frénésie de « Labs » témoigne avant tout de la nécessité de repenser l’innovation, pour gagner en agilité et ne plus penser seul ou en silo par expertise-métier. Il devient urgent et vital d’envisager l’innovation de manière plus souple, collective et transversale. Bref, fini les chercheurs dans leur tour d’ivoire (la Direction R&D et ses quelques collaborateurs, généralement) qui, seuls inventaient de nouveaux produits et process de vente. Faisabilité technique, viabilité économique et désirabilité apparaissent plus que jamais comme les trois piliers des innovations à succès. Et pour cela, rien de tel que de consulter un maximum de monde au sein des entreprises.

Responsable du « Bpost Future Lab », Patrick Leysen résume sa vision du « lab » idéal en six points : « Favoriser l’autonomie, laisser la liberté d’explorer, éviter la bureaucratie, (se) donner le droit d’échouer, se centrer sur l’extérieur et bénéficier d’un accès direct au top-management ! ». Tous ces ingrédients étant, bien entendu, utilisés à géométrie variable selon les idées et besoins précis.

Conjuguer l’innovation au futur simple !

« Parce que, continue-t-il, le danger serait d’utiliser strictement les mêmes axiomes dans les mêmes proportions pour chaque innovation. C’est aussi pour cette raison que chez Bpost, nous disposons de plusieurs cellules d’innovation à côté de « Future Lab », notamment dans les « Robotics & Innovation » ou, plus simplement, dans l’évolution de toute une série de produits actuels. Et question pur management, pour en revenir au « Future Lab « proprement dit, nous y appliquons en fait la même gestion que chez Apple. Consistant, dans les grandes lignes, à donner à un groupe la possibilité de penser simplement au futur, sans se laisser engluer dans les soucis du quotidien. » Une belle illustration du langage imagé de Steve Jobs, qui avait coutume de résumer la politique de l’innovation de la marque à la pomme par un désormais célèbre : « C’est plus marrant d’être un pirate que de s’engager dans la marine ! »

Résultat tangible de cette dynamique: une collaboration très aboutie avec Zalando, géant de l’e-commerce et cauchemar des cartes Visa des fashionistas. « Bpost a lancé une technologie domotique intelligente permettant de gérer les livraisons et les retours à distance. L’idée est la suivante: grâce à une serrure et une sonnette intelligentes, les clients de Zalando peuvent ouvrir leur porte à distance afin que le livreur Bpost y dépose ou récupère leur colis. Une application contrôle l’ensemble du processus et permet au client et au fournisseur d’interagir ensemble. » Cette solution-pilote a été testée dans une douzaine de foyers participants à Anvers. Les résultats de l’expérience sont encourageants et montrent que les clients sont prêts à utiliser cette nouvelle technologie.

Une piste à suivre. « Et un bel exemple de co-création avec nos clients », précise encore Leysen. « Nous avons mis de nombreuses connaissances en commun au service de ce projet, notamment à l’aide des « Sharing Sessions », que nous organisons régulièrement, et où nous convions des gens provenant toute l’entreprise afin de partager informations et insights. Il est désormais essentiel de prendre le temps de partager les constats de chacun. Les bonnes idées ne proviennent plus uniquement du département « R &D », et ce partenariat en est la preuve absolue ! »

« J’irais dans le même sens ! », affirme Philipp Hansmann, Senior Managing Consultant chez IBM. « Le principal bienfait de nos « Labs » réside également dans le fait qu’ils ont ouvert l’entreprises en interne. Mais aussi en externe, et ça, c’est encore plus nouveau. »

En effet, le culte du secret, voire l’épidémie de paranoïa aigüe, souvent de rigueur par le passé, s’estompent progressivement. Puisque les entreprises partagent désormais leur savoir avec des « labs » périphériques, tissant des liens avec des clients externes. Et la collaboration conclue entre la Poste et Zalando a fait école ! Le « lab » « Garage IBM » n’a jamais aussi bien porté son nom que depuis qu’il a conclu un accord avec… VW pour bâtir une plateforme d’achats B-2-B afin de gérer ses achats avec ses fournisseurs. Une initiative qui devrait aussi, d’ici peu, donner naissance à d’autres projets davantage orientés clients, cette fois !

Gérer le flux des idées…

Pour autant, tout est-il coloré de rose bonbon au pays des « Labs », tous empreints de partage d’idées et de respect mutuel ? « Non, car si l’on n’y prête pas attention, des soucis d’un nouveau genre, justement liés à cette volonté d’ouverture, peuvent surgir sans crier gare », prévient An Louwagie, Business Consultant chez Bisnode, en charge de la proposition « InnoLab », que la société fait à ses clients. « Ce ne sont pas des soucis insolubles, mais de nouveaux accrocs potentiels qu’il faut juste apprendre à gérer. Statistiquement, plus de gens émettent des idées, plus il y a de déçus lorsque leurs propositions ne sont pas retenues. Il importera donc, ensuite, de canaliser efficacement le tout. »

En vue de cet objectif, histoire de faire émerger les meilleures idées du moment et de veiller à ce que le débat ne parte en vrille, Bisnode privilégie toujours une stratégie en cinq volets. Tout d’abord l’empathie, afin de bien comprendre les besoins de ses clients. Il s’agira surtout d’écouter et de s’imprégner d’une culture d’entreprise. Puis, place au diagnostic. Avant d’enchainer sur la génération d’idées lors de brainstormings, cadrés et ciblés, organisés avec un grand nombre de personnes chargées de faire fuser les idées. Après, mission « prototyping » pour les idées choisies afin d’examiner si celles-ci possèdent le potentiel de résoudre le problème posé. Et, enfin, vient le temps de tester certaines des idées retenues, à travers un triple prisme: désirabilité, faisabilité et viabilité.

« Nous avons, par exemple, accompagné un nom actif dans la distribution durant trois mois », détaille Louwagie. « Le défi était de l’aider dans sa relation-client. Résumée en chiffres, l’initiative a généré 250 idées, 50 concepts et 10 prototypes. Bref, je prêche sans doute un pour ma chapelle, mais je pense que l’« Innovation Lab », sous quelque forme que ce soit, représente presque un passage obligé pour l’avenir de toute entreprise », sourit-elle.

Message parfaitement reçu du côté de la SNCB, où la décision de lancer un « Lab » a été prise il y a juste quelques jours. « Nous n’avons pas juste poussé cette initiative pour nous doter d’un « lab » suivant un simple effet de mode », explique Stefan, Digital Sales & Marketing Manager. « Mais je me suis souvent rendu compte à quel point l’innovation n’était pas toujours simple à la SNCB. J’ai donc voulu bâtir une structure flexible, capable de tester des choses avec des budgets réduits et sans lourdeur interne. »

Innovation humanum est 

A l’autre bout de la ligne du temps: Roularta. Qui, elle, a fait sienne cette culture de l’innovation nouvelle depuis quelques longues années déjà. « Une entreprise de média comme la nôtre bénéficie d’une position différente de celle de toutes les autres entreprises hors de ce secteur », explique Erwin Danis, Directeur Innovation de l’éditeur. « Cela fait 4 ou 5 ans que nous nous préparons à cette nouvelle façon de considérer l’innovation car la digitalisation, passage obligé pour les médias, fait partie intégrante de nos processus et déjà tout révolutionné depuis déjà bien longtemps. Elle a facilité nos « customer journeys », tout comme l’opérationnel. En résumé : Roularta est habitué à se réinventer depuis un moment déjà ! Mais qui dit digital ne dit pas machine à outrance. Plus que jamais, les gens, avec leurs idées et leur input, demeurent au centre de la logique. »

Tout l’enjeu d’un « Lab d’Innovation » sera donc de réussir à faire émerger des projets concrets, à gérer le flux d’idées, et à susciter des synergies avec l’interne et l’externe. Pour que l’entreprise exprime pleinement son potentiel et se développe. Tout ça en ne perdant jamais de vue que l’essentiel reste toujours de s’appuyer, aussi et surtout, sur sa plus belle force vitale: l’humain ! Car c’est bel et bien lui qui est à la base de toute innovation. Et il est indispensable de s’en rappeler régulièrement…

Découvrez la fonction de Chief Innovation Manager