Conseil de lecture : 7 pièges à éviter en marketing inclusif
Fort de son expérience de terrain, Hamza Ouamari, auteur du livre « Inclusieve Marketing », élu par BAM Marketing Book of the Month en juin, dissèque les erreurs les plus flagrantes – et, hélas, les plus fréquentes – en matière de marketing inclusif. « Le marketing inclusif n’a rien d’une science obscure. C’est juste… du marketing. »
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Dans son ouvrage « Inclusieve Marketing », Hamza Ouamari confronte les professionnels du secteur à une réalité peu reluisante : nombre de campagnes restent largement excluantes. Plutôt que d’énumérer les symptômes, il partage des réflexions de fond qui montrent, exemples à l’appui, ce qui ne va pas… et comment faire mieux.
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L’auteur structure son livre autour de sept volets – les « sept étapes d’un processus marketing inclusif ». Pour chaque étape, il identifie les principaux écueils et bourdes, en les illustrant par des cas concrets, marquants ou personnels. Le fil rouge de l’ouvrage : on ne peut pas utiliser le marketing inclusif comme une simple couche de vernis à appliquer à la fin du projet…
« La campagne est prête, et c’est seulement à ce moment-là qu’on me demande de vite vérifier si elle est assez diversifiée… Que peut-on espérer dans ces conditions ? Que je saupoudre un peu de poussière magique pour la rendre soudain inclusive ? Non : l’inclusion doit commencer dès la première phase de conception du projet.
À cette étape du briefing, je constate un manque d’assurance et de fermeté chez les agences. Beaucoup de créatifs, stratèges ou chargés de compte n’osent pas contredire le client – ou ne voient tout simplement pas le problème. Pourtant, leur rôle est structurant : ils contribuent à façonner la société, à perpétuer ou à casser les stéréotypes.
Quand des personnes sont exclues – consciemment ou non –, c’est à l’agence de pointer le problème du doigt. Si personne n’aborde la question de l’inclusion, c’est à vous de poser les bonnes questions : quelle place la diversité occupe-t-elle dans les campagnes ? Dans l’offre de produits ? Dans l’histoire de la marque ? Ce sont ces questions qui permettent d’ouvrir les yeux… et de rédiger des briefings bien plus inclusifs. »
« Au bureau, on lit dans le journal que 35 % des Belges pensent ceci ou cela. Ces données alimentent des présentations léchées, des séances de brainstorming, et servent de base à toute la stratégie marketing. Mais au bout du compte, on s’aperçoit qu’elle n’a pas bien fonctionné auprès des minorités. Pourquoi ? Parce que l’étude était biaisée. Ses résultats reflétaient les idées de la majorité ou de la norme, car ce sont essentiellement des hommes blancs de classe moyenne qui y ont participé.
Et lorsqu’on demande quand même l’avis des personnes issues de minorités, c’est souvent à travers des études “porte-voix”. On questionne une de ses connaissances qui a une orientation sexuelle non dominante, ou notre collègue Fatima, comme si elle pouvait parler au nom de tous les musulmans de Belgique… En résumé : grâce à deux focus groups, trois entretiens approfondis et une grande enquête quantitative, on connaît la majorité par cœur – et on y ajoute en vitesse l’opinion d’un unique représentant de la “diversité”. »
« D’abord, il faut en finir avec les personas figés, et adopter une approche intersectionnelle. Nous avons tous plusieurs couches identitaires, et c’est de leur croisement que naît, ou non, une forme particulière d’exclusion. »
Ensuite, il faut se demander si la communication inclusive touche réellement tout le monde, ou seulement les progressistes. Lorsqu’on agit en tant qu’acteur public ou centre de connaissance subventionné, on a parfois la responsabilité d’informer tous les citoyens – et pas seulement ceux qui se reconnaissent dans un certain cadre moral. Le type d’organisation que l’on est détermine l’étendue de son public cible, et donc les personnes qu’on peut, pardonnez-moi l’expression, exclure de sa communication. »
« Beaucoup d’entreprises, d’organisations et d’agences sont encore très majoritairement blanches – c’est un fait. Mais on n’a pas besoin d’être ethniquement divers pour être inclusif. L’inclusivité vient d’abord, la diversité suit naturellement.
On se concentre trop sur l’aspect visuel de la représentativité. “Il faut que ça ait l’air diversifié, sinon ce n’est pas inclusif.” Oui, la représentation visuelle compte, mais le marketing inclusif ne se limite pas à cela. Il concerne aussi les valeurs. Une publicité qui reflète un lien familial fort peut me parler autant qu’une campagne dans laquelle je me reconnais visuellement.
Parfois, la représentation paraît simplement… bon marché. Comme si montrer une famille marocaine autour d’un tajine suffisait. Or, chez moi aussi, on mange des tartines au choco ! Et c’est justement ça, le plus important. Une étude sur le consommateur musulman – qui, en réalité, n’existe pas – a montré que les gens veulent être représentés comme des personnes, pas comme “le Marocain type”, mais comme quelqu’un qui mange aussi une tartine au choco le matin.
Cessez donc de vouloir caser un maximum de diversité par mètre carré dans vos campagnes. Examinez plutôt votre histoire de marque, votre message, et vos produits. Inspirez-vous de Rihanna et de sa marque Fenty Beauty, pionnière avec un produit vraiment divers et représentatif : quarante teintes de fond de teint. Ça, c’est de l’inclusion. »
« On cherche trop souvent les différences, alors que c’est le dénominateur commun – la tartine au choco – qui devrait fonder la stratégie. Et une fois cette stratégie posée, il faut s’y tenir fermement. Ne laissez pas les “oui, mais…” saboter les bonnes conclusions tirées d’une étude rigoureuse et de la voie inclusive dans laquelle vous vous êtes engagé.
Autre conseil crucial : know your place. La marque de bière Budweiser s’est longtemps alignée sur les attentes d’un public toxique… avant d’introduire soudainement une personne transgenre dans une campagne. Cette rupture brutale a provoqué un rejet massif : les clients traditionnels ne s’y retrouvaient plus, et la communauté LGBTQIA+ a perçu cette opération comme opportuniste. Trop d’inclusion peut tuer l’inclusion. Certains acteurs doivent progresser par petits pas. »
« Quand la stratégie et les fondations sont solides, les risques d’échec en phase créative sont moindres – mais pas inexistants. Ce qui fait dérailler une campagne, c’est souvent le contexte : historique, social, l’ordre des éléments montrés, les dynamiques de pouvoir représentées. Dans une société critique, il faut toujours en tenir compte.
Sinon, on obtient des ratés comme le spot Pepsi avec Kendall Jenner. Ou la campagne HEMA aux sacs de plage flottants, qui rappelaient fortement les colis d’aide largués à Gaza. Un post sur les réseaux sociaux, bien intentionné et probablement planifié longtemps à l’avance, peut ainsi prendre un tout autre sens. »
« Tout le monde est actif sur de nombreux canaux, avec des attentes et des usages différents selon le contexte. Et pourtant, on me demande encore sur quel canal on peut toucher tel ou tel groupe minoritaire. Surprise : ces publics ont un usage des médias tout aussi diversifié.
La clé, encore une fois, c’est la recherche. Identifiez leur combinaison de canaux, les médias auxquels ils accordent le plus de valeur, les ajustements contextuels nécessaires. En d’autres termes : comment les toucher efficacement. Preuve que le marketing inclusif n’a rien d’une science obscure – c’est tout simplement… du marketing. »
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