Conseil de lecture : construire pas à pas un marketing (de rétention) piloté par la donnée

Les marques disposent de montagnes de données. Mais les exploitent-elles (intelligemment) pour améliorer leur marketing ? C’est rarement le cas, déplore Bert Peleman, auteur de l’ouvrage élu Marketing Book of the Month, The Brand Butterfly. Identifier et fidéliser les clients les plus rentables du portefeuille reste un défi largement sous-estimé.

The Butterfly Effect

« En marketing, il est de plus en plus question de nouveaux clients et de croissance. C’est bien, mais qu’en est-il de la croissance rentable et du capital de marque ? Devoir sans cesse chercher de nouveaux prospects finit par coûter très cher – en argent comme en énergie. Il est bien plus intelligent de se concentrer aussi sur les clients que l’on a déjà, et de préférence sur ses high-value customers (clients à forte valeur). Cela semble tout à fait logique, mais je peux vous assurer que beaucoup de marques n’ont pas encore acquis ce réflexe. »

Dans The Brand Butterfly, Bert Peleman apporte une solide contribution à ce changement de perspective. Tout au long de l’ouvrage, ce spécialiste expérimenté du marketing – sa carrière l’a notamment mené chez Procter & Gamble, The Walt Disney Company et Estée Lauder Companies – guide les marques dans la recherche et la fidélisation de leurs clients les plus précieux.

Son approche se décline en trois phases :

  1. Qu’est-ce qu’un high-value customer ?
  2. Comment les reconnaître et les exploiter pleinement ?
  3. Comment les fidéliser sur le long terme ?

Pour chaque phase, nous avons soumis à Bert Peleman quatre questions concrètes. Préparez-vous à un cours accéléré de marketing (de rétention).

Qu’est-ce qu’un high-value customer ?

Quelles sont les deux questions que les marques doivent se poser ?

Comment et dans quel délai définir mon high-value customer ?  

Choisir ses cinquante ou cent meilleurs clients, cela ne va pas sans risque. Souvent, ce sont en effet des cas très particuliers. Ainsi, la meilleure cliente d’une marque de cosmétiques en Espagne était une guide chinoise. Pendant que les touristes visitaient divers sites, elle faisait leurs emplettes, armée d’une liste commune. Résultat : 12 000 euros en produits cosmétiques par an. Une cliente extrêmement précieuse, mais avec peu de potentiel de croissance. Mon conseil : concentrez-vous sur le top 20 %.

Ensuite : faut-il se baser sur ce paramètre magique de customer lifetime value ou sur une période déterminée ? J’ai appris que douze mois forment un bon cadre temporel. Si l’on vise plus long – voire une durée de vie entière – on se retrouve face à tant d’hypothèses que l’on risque de s’enliser dans des discussions sans fin.

Dois-je regarder uniquement les ventes ou aussi les marges ?

Il peut arriver que certains clients génèrent un chiffre d’affaires élevé, mais avec des marges décevantes. Pensez, par exemple, au secteur de l’énergie, où un boucher et un stade de football local peuvent parfaitement avoir une facture similaire. Mais la consommation stable du boucher contraste fortement avec les pics et les creux du club, et les marges suivent la même logique.

Quels outils marketing utiliser ?

Des tableaux de bord et des rapports cohérents. Parfois, c’est un véritable tour de force de rassembler les flux de données de différents départements et marchés, mais c’est une étape à ne pas négliger. Et ce, tant en vue d’obtenir les bons insights que de créer de l’adhésion…

Quelle erreur commet-on fréquemment ?

Tout le monde doit regarder les mêmes indicateurs et les interpréter de la même manière. Or, c’est souvent là que ça coince dans les entreprises. On se retrouve alors à discuter des chiffres et non de l’essentiel. We may disagree on opinions, not on facts.

De quelle marque s’inspirer ?

Chez Mobistar, nous sommes allés un pas plus loin dans cette logique de marges. En mesurant aussi le cost to acquire et le cost to serve d’un client, nous avons obtenu une vision bien plus complète. Nous avons d’ailleurs intégré les 200 000 meilleurs clients dans la base de données du service clientèle. Quand ces personnes appelaient, elles étaient automatiquement dirigées vers un opérateur ayant plus d’un an d’expérience.

Comment reconnaître mes high-value customers et les exploiter pleinement ?

Quelles sont les deux questions que les marques doivent se poser ?

Comment a commencé le parcours de mes high-value customers actuels ?

En cartographiant ces parcours – et surtout leur point de départ – vous pourrez distinguer des produits et achats qui constituent presque des facteurs prédictifs d’un high-value customer.

Avec quelles propositions et campagnes puis-je transformer rapidement de nouveaux clients en high-value customers ?

Efforcez-vous d’élaborer des parcours de bienvenue qui placent les gens aussi vite que possible dans ces catégories à succès ou les conduisent à acheter des produits phares.

Quels outils marketing utiliser ?

Des outils de capture de données, tels que les clienteling tools, l’analytique et l’automatisation marketing.

Quelle erreur commet-on fréquemment ?

La « paralysie de l’analyse ». On peut analyser des données à l’infini, mais à un moment donné il faut trancher. Il n’est pas nécessaire que tout soit 100 % clair pour avoir une bonne vision de la direction à prendre. À un moment donné, il est temps de passer à l’action.

À éviter également : le syndrome not invented here. Il est faux de croire que des analyses faites dans un pays ne disent rien de la réalité ailleurs. Bien sûr, il existe des différences culturelles pertinentes, mais elles pèsent généralement moins que les similitudes. Souvent, il suffit de travailler avec quelques clusters, comme en Europe avec un cluster latin, un cluster germanique et un cluster oriental. Le client belge, d’ailleurs, est plutôt latin.

De quelle marque s’inspirer ?

Chez la marque de cosmétiques Clinique, nous avons découvert que ce n’est pas tant le premier achat – souvent un rouge à lèvres ou un mascara – qui est pertinent, mais qu’il faut amener un client le plus rapidement possible dans une certaine catégorie de soins de la peau. Des insights essentiels pour mettre en place les bonnes campagnes marketing.

Comment fidéliser mes high-value customers ?

Quelles sont les deux questions que les marques doivent se poser ?

Avec quelles propositions et campagnes puis-je le mieux fidéliser mes high-value customers ?

Les programmes de fidélité ne sont pas un système idéal. Ces clients sont déjà séduits par votre marque. Leur proposer toutes sortes de réductions les rend simplement moins rentables. De meilleures stratégies sont le surprise and delight – faire en sorte qu’ils se sentent spéciaux – et surtout le cross-selling. Les high-value customers ne sont en effet pas seulement des acheteurs multi-fréquence, mais généralement aussi des acheteurs multi-catégories. Ce serait dommage de ne pas en profiter…

Quels facteurs de risque peuvent faire que mes high-value customers décrochent ?

Le churn est un concept bien connu dans le monde des services, mais il est également pertinent pour les produits.

Beaucoup de marques attendent que les clients de grande valeur décrochent pour les relancer. Certes, il existe des scripts fantastiques pour convaincre les gens au téléphone, et une promotion par e-mail peut aussi aider, mais ce ne sont pas les méthodes idéales. Il est plus efficace d’adopter une approche proactive, comme un contact au moment où le contrat de quelqu’un arrive à expiration. Mais là, vous risquez de réveiller des clients dormants qui partiront effectivement. La meilleure méthode est prédictive : identifier les facteurs de risque et les relier à des signaux d’alarme et à des initiatives marketing.

Sachez que vous pouvez aussi transformer ces facteurs de risque en opportunités. Prenons le cas d’un déménagement : une situation où tous les produits et services du portefeuille d’un client sont menacés. Mais aussi une situation où un client est activement à la recherche de nouvelles marques. Entre gagner et perdre des clients, la frontière est mince.

Quels outils marketing utiliser ?

L’automatisation marketing.

Quelle erreur commet-on fréquemment ?

Un manque de concertation entre les départements. Le marketing (de rétention) est certes un domaine où les marketers – la voix du client – doivent prendre les devants, mais le besoin de collaboration avec le service clientèle et l’IT est énorme. Cette prise de conscience doit encore grandir. Même au sein des équipes marketing, on observe encore trop souvent une logique de silos, avec les équipes digitales dans un camp à part.

De quelle marque s’inspirer ?

MAC est devenu la plus grande marque de maquillage au monde avec un budget publicitaire de 0 dollar. Notamment grâce à un Customer Relationship Management extrêmement performant, qui maximise la valeur de ses clients les plus précieux.

Envie de découvrir d’autres conseils et exemples pratiques ?

Marketing Book of the Month 2025

Date de publication : 27 août 2025

Auteur : Wout Ectors - SPYKE